Dans son plan d'affaires, GM a fixé à un million le nombre de véhicules à pile à hydrogène qu'il faudra produire chaque année pour en faire une technologie rentable. «Nous avons réussi à créer une technologie fonctionnelle et sécuritaire. Il faut maintenant créer une industrie autour de cette technologie», résume Byron McCormick, responsable de la mise au point de la voiture à hydrogène pour GM.

Objectif: un million de véhicules

Dans son plan d'affaires, GM a fixé à un million le nombre de véhicules à pile à hydrogène qu'il faudra produire chaque année pour en faire une technologie rentable. «Nous avons réussi à créer une technologie fonctionnelle et sécuritaire. Il faut maintenant créer une industrie autour de cette technologie», résume Byron McCormick, responsable de la mise au point de la voiture à hydrogène pour GM.

«En fixant notre cible à un million d'unités, nous savons que nous pourrons vendre des véhicules à pile à hydrogène à un prix de détail légèrement moins élevé que le prix d'une voiture à moteur diesel, dit-il. Mais il faut que nos fournisseurs aussi s'ajustent à ce volume, en produisant à grand tirage des pièces de qualité comparable à ce qu'ils nous livrent présentement au compte-gouttes.»

Il faut aussi créer une industrie de l'hydrogène, une charmante expression qui signifie que l'hydrogène devra être produit et distribué de manière à rendre ces véhicules fonctionnels dans le vrai monde.

«L'infrastructure autour de l'hydrogène fait aussi appel aux gouvernements, qui devront établir une politique favorisant le déploiement de la technologie à hydrogène», précise Byron McCormick.

Bob Lutz, le charismatique vice-président de GM, a même avoué que la société de l'hydrogène ne verra probablement pas naissance aux États-Unis. «Ça dépend de la volonté des gouvernements, a-t-il déclaré lors de la présentation du Sequel. On pourrait tout aussi bien voir les premiers véhicules à hydrogène vendus en Chine qu'aux États-Unis.»

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Les pétrolières s'en mêlent

Le lancement d'un véhicule aussi futuriste que le Sequel ne peut pas avoir lieu sans que les pétrolières s'en mêlent. Pana Ratana, directeur du développement de la division hydrogène de Shell, a tenté d'expliquer comment, selon lui, on pourrait graduellement ajouter une pompe à hydrogène liquide à certaines stations-service, dans des endroits sélectionnés.

Pour y parvenir, Shell a conçu le projet Lighthouse, qui vise à activer une centaine de pompes à hydrogène dans la grande région de Los Angeles d'ici 2015. Selon les estimations de la pétrolière anglaise, il faudrait 400 stations-service pour desservir adéquatement la seule région du sud de la Californie.

M. Ratana n'a pas de bonnes nouvelles pour ceux qui espèrent que la voiture à hydrogène sera plus abordable que la voiture à essence. Car les pétrolières ne feront pas de cadeau aux premiers acheteurs de cette nouvelle technologie.

«Si un kilo d'hydrogène permet de faire deux fois plus de kilométrage qu'un gallon d'essence, nous le vendrons le double du prix d'un gallon d'essence», a admis le porte-parole de Shell, qui ne voit d'ailleurs pas de menace du côté des petites génératrices domestiques d'hydrogène.

Pas une solution à la pollution

Si l'hydrogène est une option écolo à l'essence, c'est que sa combustion ne génère aucun gaz polluant. Le rêve de la voiture qui produit de l'eau en guise de seule émission d'échappement est évidemment plus qu'attrayant.

L'enjeu se situe plutôt au chapitre de la production d'hydrogène. Shell, qui a investi massivement dans les hydrocarbures, comme on peut s'en douter, ne reniera pas son passé de pétrolière. «L'hydrogène sera d'abord produit à partir d'hydrocarbures», laisse tomber Pana Ratana quand on lui pose la question.

«La biomasse, l'éolien et le solaire, ce n'est certainement pas pour aujourd'hui», croit-il, tout en indiquant que Shell produit déjà 3500 tonnes d'hydrogène par jour, un peu partout dans le monde.

Néanmoins, M. Ratana estime que la production d'hydrogène à partir du pétrole est une solution moins polluante que la production d'essence. «Pour le CO2 produit en l'extrayant, nous envisageons des solutions, comme la séquestration du carbone», qui consiste à remplir les anciens puits de pétrole avec des résidus de carbone.

Sauf que la séquestration de carbone a déjà démontré ses limites: rapidement, des fuites apparaissent autour des puits emplis de carbone.

Comme la taille de ses composantes diminue de moitié aux deux ans et que sa performance double au même rythme, la voiture à hydrogène deviendra probablement réalité d'ici à quelques années. General Motors a réuni à la fin du mois de septembre en Californie quelques journalistes, dont un représentant de La Presse, pour faire l'essai du Chevrolet Sequel, dont il existe seulement deux exemplaires dans le monde.

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Vous connaissez la loi de Moore, qui dit que la taille des processeurs informatiques diminue de moitié tous les 24 mois? Il faudra dorénavant y ajouter une variante: la loi d'Ouwerkerk, du nom d'un ingénieur de GM dont le mandat est de permettre la commercialisation de la pile à hydrogène le plus tôt possible. Date de sortie prévue: 2011.

«On voudrait y arriver plus tôt, mais la mise au point de la voiture à hydrogène est limitée par la technologie et les ressources que l'on possède», souligne David Ouwerkerk.

N'empêche, depuis la première génération de la pile à combustible de GM, son coût de fabrication a été divisé par huit, et sa puissance, multipliée par quatre. Ses dimensions, quant à elles, sont réduites du tiers.

La direction de GM emballée

Le Chevrolet Sequel prend la forme d'un véhicule multisegment à quatre roues motrices fort spacieux. Le Sequel fait suite à l'Autonomy et au Hy-Wire, deux prototypes datant de 2002. Par comparaison, les 100 Chevrolet Equinox FCX, des prototypes de véhicules à hydrogène que GM assemblera à son usine d'Oshawa, en Ontario, utilisent la troisième génération du moteur à hydrogène, que l'on pourrait situer dans le temps entre le Hy-Wire et le Sequel.

Il affiche des performances comparables à celles d'un véhicule à essence: il possède une autonomie de 480 kilomètres par plein d'hydrogène. Il peut atteindre une vitesse de pointe de 145 km/h et fait le 0 à 100 km/h en 10 secondes.

C'est en plein le genre de statistiques qui ont emballé Bob Lutz, vice-président de GM, et Larry Burns, responsable de la R&D. Tous deux voient dans le Sequel le premier véhicule à hydrogène assez crédible pour envisager sa commercialisation dans un avenir proche.

Sous le capot du Chevrolet Sequel se trouve la quatrième génération de la technologie à hydrogène de GM, née en 1996. La pile est alimentée par trois réservoirs à hydrogène, trois longs cylindres d'une capacité de 4,2 kg à 700 bars. C'est-à-dire que l'hydrogène y est emmagasiné, sous forme liquide, à une pression équivalant à 700 fois celle de l'atmosphère terrestre.

L'ensemble génère un courant électrique distribué à trois moteurs-roues, un à l'avant et deux à l'arrière, qui produisent chacun l'équivalent de 97 chevaux-vapeur (73 kilowatts). Une pile au lithium-ion ajoute 47 chevaux (35 kW) au groupe propulseur, en agissant comme le groupe électrique des moteurs hybrides essence-électrique.

Comme le coeur de la bête ne partage aucune similitude avec le traditionnel moteur à combustion interne, il faut s'attendre à ce que le reste de la mécanique soit tout aussi innovateur. Ne cherchez pas de pièces mécaniques ou hydrauliques sous cette carrosserie: il n'y en a aucune. La direction, le freinage et la suspension sont entièrement revus à la sauce électronique. En théorie du moins. Le prototype essayé comprenait quand même des systèmes mécaniques de sécurité en cas de défaillance des ordinateurs de bord (il y en a une vingtaine).

La reproduction des sensations de conduite s'est avérée un sérieux casse-tête pour les ingénieurs. Les soubresauts dans le volant, résultant d'une fissure dans le pavé, ou la résistance de la pédale de frein hydraulique, ont dû être entièrement reproduits électroniquement.

Le résultat est aussi transparent qu'on pourrait le souhaiter: la direction réagit instantanément aux commandes du conducteur, les freins ont du mordant et la suspension absorbe les chocs comme celle de tout VUS de cette taille. On n'entend que le sifflement des moteurs-roues, qui varie selon la vitesse du véhicule, et le bruit des puissants ventilateurs qui aèrent toute l'électronique qui l'anime.

Et comme tout cela est régi par des dispositifs électroniques, on peut facilement en modifier les réglages. L'ingénieur assis à l'arrière, durant l'essai du Sequel, pianotait sur son portable des commandes envoyées directement à l'unité centrale du véhicule par le port informatique (une sorte d'OBD2 amélioré). Le freinage est trop sec? Clic clic clic, voilà, il l'est moins. La suspension est trop ferme? La direction, trop assistée? Même chose.

Planche à roulettes?

Tous ces réglages contribuent à faire varier grandement la personnalité du Sequel. C'est d'ailleurs le but visé par GM. La première génération du prototype, l'Autonomy, avait d'ailleurs hérité du surnom de planche à roulettes.

Car la pile à combustible, les réservoirs, la pile électrique et toute la quincaillerie informatique sont cachés dans un châssis qui, sous la carrosserie du Sequel, ne fait pas plus d'une cinquantaine de centimètres d'épaisseur. À partir de cette plateforme universelle, GM aimerait construire des berlines, des VUS, des roadsters, simplement en y ajoutant une carrosserie différente et en y apportant les réglages électroniques nécessaires.

Le Sequel est un multisegment, mais il aurait aussi bien pu être une décapotable, ou une camionnette. C'est pour ça que la miniaturisation des composantes, ainsi que leur puissance accrue, sont un enjeu crucial pour GM. Car l'objectif d'en faire une technologie commercialisable passe par un coût de fabrication peu élevé qui nécessitera une production de masse.

Si on se fie à la loi d'Ouwerkerk, il ne fait pas de doute que la solution est tout près. Il suffit de mettre les mains au volant du Sequel pour s'en convaincre.

Les frais de ce reportage ont été payés par General Motors.

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