La rue Spuistraat, à Amsterdam, est à peu près large comme la rue Saint-Viateur à Montréal. Mais elle est aménagée de manière singulièrement différente.

La rue Spuistraat, à Amsterdam, est à peu près large comme la rue Saint-Viateur à Montréal. Mais elle est aménagée de manière singulièrement différente.

L'unique voie de circulation est légèrement décentrée. D'un côté, se trouvent une voie de stationnement située au niveau du trottoir, puis une rangée de gros arbres, et enfin un large trottoir. De l'autre côté, il y a une piste cyclable à deux voies, d'une hauteur à mi-chemin entre la chaussée et le trottoir, puis le trottoir proprement dit.

Quand une voiture se stationne, elle doit ralentir et monter sur le trottoir. Pour l'éviter, les voitures enjambent parfois la piste cyclable. Même s'ils n'en ont pas le droit, les camions de livraison s'installent aussi sur la piste cyclable, tout comme les voitures qui chargent et déchargent les bagages aux hôtels. On a souvent une impression de désordre.

La rue Spuistraat est pourtant un parfait exemple de l'apaisement du trafic à la sauce hollandaise : comme tout le monde doit faire des compromis et être attentifs aux obstacles, il y a rarement des accidents.

Par exemple, la largeur des rues bordant les célèbres canaux d'Amsterdam a récemment été réduite de 6 à 4,7 mètres, en élargissant les trottoirs. «De cette manière, il n'y a aucune manière de se stationner en double», explique Jack Wolters, ingénieur du département de la circulation de la ville d'Amsterdam, en entrevue à ses bureaux. «Et les voitures qui se stationnent doivent faire très attention parce qu'elles doivent se coller au canal, sans tomber dedans. Personne n'emprunte ces rues s'il n'y habite pas ou s'il n'a pas de raison spécifique d'y aller.»

L'apaisement du trafic est un art aux Pays-Bas. «Nous avons huit sortes de dos d'ânes», explique Atze Dijkstra, ingénieur civil de l'Institut néerlandais pour la recherche sur la sécurité routière, en entrevue dans un bureau surplombant le Rhin à Rotterdam. «Ils ont tous des angles et des longueurs différents, en fonction de la vitesse moyenne et de la largeur de la route.»

Les aménagements routiers servent à définir qui doit «entamer les négociations», du piéton ou de l'automobiliste. «L'entrée des zones où la vitesse est limitée à 30km/h est surélevée pour que les autos savent que les piétons ont dorénavant la priorité», explique Rob Methorst, ingénieur civil au Centre néerlandais de recherche sur les transports, en entrevue à Rotterdam avec M. Dijkstra. «À l'extérieur de ces zones, ce sont les piétons qui doivent entamer les négociations avec les automobilistes quand ils veulent traverser une rue.»

Les problèmes que peut régler l'apaisement du trafic sont réglés rapidement. «Si une plainte peut être réglée avec un aménagement coûtant moins de 50 000 euros (72 000 $ CAN), c'est approuvé automatiquement, explique M. Wolters. Mais chaque mort coûte de plus en plus cher à prévenir. Selon M. Dijkstra, installer une zone de 30km/h munie de tous les équipements d'apaisement du trafic coûte 22 000 euros (32 000CAN) par kilomètre, et 11 000 euros (16 000 $ CAN) avec des équipements réduits.

Tout comme à Montréal, les chantiers hollandais d'apaisement du trafic font face à l'opposition de groupes de pression comme les pompiers ou les chauffeurs d'autobus. «Il y a eu une grosse opposition des chauffeurs d'autobus aux dos d'ânes, dit M. Methorst. Ils disaient que c'était trop inconfortable. Mais ils ont les meilleurs sièges sur le marché, alors ils ne peuvent pas vraiment se plaindre. C'est la même chose avec les pompiers, qui se plaignent qu'ils doivent zigzaguer dans les rues. Il faut seulement avoir la volonté politique de faire de l'apaisement du trafic. Les groupes de pression finissent toujours par plier.»