Les semaines ont passé; les acheteurs se sont impatientés; la crédibilité de Jaguar en a pris un coup et les journalistes ont douté des performances annoncées par Lyon: 120 milles à l’heure en vitesse de pointe! Pour clore le bec à ses détracteurs, Jaguar a invité un groupe de journalistes à assister à l’essai de sa future XK120, qui a signé 132,596 mi/h (213,393 km/h) sur une autoroute en Belgique. La voiture de série la plus rapide au monde! Deux mois plus tard, la superbe XK120, animée par son remarquable 6 cylindres, a remporté une course à Silverstone. La preuve était faite: la XK méritait bien «son 120».

Outre les 240 voitures à carrosserie en aluminium, la XK120 a été construite à plus de 12 000 unités entre 1948 et 1954, en trois versions: le roadster, la décapotable (Drophead Coupé, DHC) et le coupé (Fixed-head Coupé, FHC). Ont suivi la XK140 (1954 à 1957), la XK150 (1957 à 1961) et la XK150S (1958-1961). Quant au vénérable moteur XK, il a figuré au catalogue Jaguar pendant de nombreuses années et a propulsé Jaguar au sommet du sport automobile avec cinq victoires aux 24 Heures du Mans entre 1951 et 1957. Pas surprenant que l’on en parle encore.

Dans notre prochaine chronique: Les 100 ans des 24 Heures du Mans

De SS à Jaguar

Impeccablement restaurée, cette XK120 DHC compte parmi les plus belles au pays et Terrence Watson espère trouver le temps de lui faire faire la tournée des grands concours d’élégance. Ses courbes gracieuses rappellent celles des «belles françaises» des années 30. Ce dessin tant prisé est l’œuvre de Sir William Lyon, le fondateur en 1922 de la marque Swallow Sidecars (SS). Ne pouvant plus utiliser les initiales SS après la guerre pour des raisons évidentes, Lyon a adopté le nom de son plus beau modèle d’avant-guerre: Jaguar.

Dès 1946, Lyon a repris la production civile et confié à son brillant ingénieur William Heynes le mandat de poursuivre la mise au point d’un moteur expérimental baptisé «série X». De la première version désignée XA, Lyon et son équipe sont arrivés à la configuration finale avec le XK coiffé d’une culasse hémisphérique à deux arbres à cames en tête (2 ACT), une formule généralement réservée à l’époque aux voitures de course.

En 1948, à l’approche du Salon de l’auto de Londres, à Earls Court (le premier salon d’après-guerre), Lyon a décidé de construire un concept de roadster animé par le nouveau moteur XK dans le but d’attirer l’attention du public sur le stand Jaguar et la nouvelle berline Mk IV. Confectionné à la hâte avec une carrosserie en aluminium façonnée à la main, le roadster XK120 a volé la vedette à la berline et remporté un succès instantané auprès du public. Précisons que le prix annoncé était bien meilleur que celui des voitures sport du moment, ce qui a fait affluer les commandes, plaçant Lyon dans l’embarras. En effet, la XK120 n’existait encore qu’en prototype et Lyon n’avait l’intention que d’en construire une ou deux centaines.

«J’étais adolescent la première fois que j’ai vu la Jaguar XK120. Je travaillais l’été à la buanderie Madame Blanche, et je suis resté saisi par cette voiture noire aux courbes magnifiques. Je la voyais à l’horizon et je restais là, jusqu’à ce qu’elle s’arrête devant moi. Le propriétaire – mon patron – avait remarqué l’intérêt que je portais à sa voiture et il me lançait les clés, à l’occasion, pour que j’aille en faire le plein ou pour la laver. Je me suis promis qu’un jour j’aurais aussi ma Jaguar XK120.»

La passion que porte Terrence Watson, de Montréal, à la marque Jaguar est inconditionnelle. «C’est en 1983 que je me suis procuré ma première Jaguar, une XKE 2+2 1974 qui appartenait à Dan Hill, l’auteur et interprète de la chanson Sometimes When We Touch. Elle n’était pas en très bon état, mais je l’ai remise à neuf et je m’en suis servi pendant plusieurs années. En fait, je roule en Jaguar depuis des années et aujourd’hui, j’en ai quatre, deux modernes et deux anciennes.»

La Jaguar du baron

La superbe XK120 1954 que nous avons pu admirer chez Jaguar Land Rover Laval, à l’occasion du lancement de la nouvelle XK, a appartenu en premier à un baron allemand qui vivait à Londres dans les années 50. Le baron von Distler a pris possession de la voiture chez Henlys of London, distributeur Jaguar. Quelques années plus tard, la voiture a débarqué à Toronto et c’est en 1983 que T.J. Watson l’a achetée et en a confié la restauration à un garage de Saint-Zotique. Malheureusement, quelque temps plus tard, le garagiste a disparu sans laisser de traces, mais la police a retrouvé la Jaguar «dans son garage en pièces détachées». Elle a par la suite passé trois ans dans un atelier près d’Ottawa, mais le travail a été mal fait et c’est ainsi qu’elle s’est retrouvée à Sainte-Anne-de-Bellevue, chez le renommé Richard Grenon, «un véritable génie», selon T.J. Watson.