Pigeon Performance a peu de concurrents. Il y avait Aurora, en Ontario, mais l’entreprise a fermé ses portes. Un entrepreneur québécois tenterait sa chance dans le même créneau. «Ce qui me flatte, affirme Michel Pigeon, c’est que des gens tentent de reproduire mes voitures… qui sont déjà des reproductions! J’y mets tous les efforts pour demeurer le meilleur constructeur de reproductions au pays. Lorsque j’ai vu une de mes Cobra offerte comme voiture d’occasion par un important marchand de voitures exotiques et que, sous la réclame, c’était indiqué que cette Cobra venait des ateliers Pigeon, ce fut ma consécration!»

La Ford GT

Malgré le succès, l’entrepreneur de Sainte-Julienne n’était pas encore satisfait. Michel Pigeon est un fanatique de la marque Ford. L’idée de posséder une de ces fameuses Ford GT le hantait depuis l’âge de 10 ans. Mais à près de 200000 l’unité, il ne pouvait se le permettre. Il a décidé de reproduire une GT40 à partir de moules anglais pris d’une véritable GT40 de compétition des années 60. Très habile de ses mains, il a commencé à en faire la structure en aluminium. Sa première GT40 est sortie récemment de ses petits ateliers de Sainte-Julienne. Celle-là, c’est la sienne. Mais certains clients en ont réclamé une semblable: il s’est mis au travail et il est en train de compléter des ensembles pour ceux qui veulent faire leur propre GT40. S’il s’occupe des travaux de finition, il estime le prix de la voiture à quelque 100 000. Son choix de motorisation se porte bien évidemment vers les Ford V8, les Windsor 351 de 5,8 litres surtout.

Une passion qui a un prix

Ce n’est pas facile d’être un petit constructeur d’autos au Québec. Les divers ordres de gouvernement ne lui rendent pas la vie facile même s’il croit que les inspections de la SAAQ devraient être plus sévères. «Ce n’est pas un moyen de devenir riche, souligne-t-il. En vérité, je le fais d’abord par passion», ce que sa compagne Dominique confirme. Pour joindre les deux bouts, il continue de gérer son garage de performance qui attire surtout les gens du coin. Il peut compter sur trois employés, mais c’est lui qui se lève tous les matins et qui ne termine guère avant le coucher du soleil pour compléter les travaux. Il s’occupe aussi de sa propre publicité, parcourant les expositions et les évènements les fins de semaine.

Il n’est pas seul dans Sainte-Julienne à être passionné de performance. Même le restaurateur du coin a deux voitures extraordinaires dont une réplique de Lamborghini. Le concessionnaire Ford et les magasins de pièces d’auto sont également ses complices.

C’était comme si la petite ville de Sainte-Julienne au nord de Montréal était la capitale québécoise de la construction automobile. En plein centre, on y trouve l’atelier de Pigeon Performance. Tout autour, des concessionnaires d’autos, des postes d’essence, des magasins de pièces d’auto. Michel Pigeon est à la tête de Pigeon Performance depuis environ 25 ans. Il a toujours aimé la mécanique. Avant de s’installer à Sainte-Julienne, il a travaillé dans l’entrée de garage de son père, à Pointe-aux-Trembles. Quel soulagement pour son père lorsque son fils lui apprit qu’il déménageait! Il l’a même aidé à construire son premier garage, un petit emplacement qui allait grandir pour devenir l’édifice de 6800 pieds carrés d’aujourd’hui.

En plus de la mécanique, Michel Pigeon rêvait de posséder une légendaire Cobra, mais aussi de la construire. La Cobra est la voiture la plus reproduite au monde. Ce monstre sacré de l’automobile a vu le jour en 1963 alors que le pilote de course texan Carroll Shelby a installé un Ford V8 dans la caisse d’une petite auto sport anglaise à deux places, l’AC Ace. Shelby est passé du V8 260 au 289 puis au puissant 427. C’est cette dernière version qui fait l’envie des amateurs de sportives. C’est exactement celle-là que Michel Pigeon reproduit.

C’est ce qu’il fait toujours à Sainte-Julienne. Il reproduit des Cobra 427. En fait, il fabrique une réplique de la carrosserie en fibre de verre, puis il en construit un châssis original dont la plupart des pièces de suspension sont issues de Corvette récentes. Les clients de Pigeon Performance achètent cet ensemble et commencent l’assemblage de leur bijou. La voiture part et revient quelques fois à Sainte-Julienne alors que Michel en termine les détails finaux incluant la peinture. Il aimerait bien faire la voiture au complet, mais ses clients aiment aussi y ajouter du leur, question de dire qu’ils l’ont construit eux-mêmes, cette Cobra. Jusqu’ici, Michel Pigeon a construit et livré 159 Cobra. Toutes sont sur la route, selon ses dires. Elles ont toutes passé l’inspection gouvernementale dans la catégorie des «voitures artisanales». Notons que les cadres Pigeon sont numérotés. D’ailleurs, c’est Pigeon qui s’occupe lui-même des inspections. Et il précise que ses autos ne sont pas des autos en kit, mais bel et bien des reproductions!