Depuis quelques années, plusieurs villes européennes et américaines ont des autobus qui accostent automatiquement aux quais d'embarquement. Cette innovation est la première étape de l'automatisation de la conduite automobile.

Depuis quelques années, plusieurs villes européennes et américaines ont des autobus qui accostent automatiquement aux quais d'embarquement. Cette innovation est la première étape de l'automatisation de la conduite automobile.

«Tout comme les métros deviennent de plus en plus automatisés, l'automobile laissera à l'avenir moins de place à la conduite humaine», explique Michel Parent, de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, en France. La conduite automatisée permet de réduire la consommation de carburant en lissant les courbes d'accélération, de mieux gérer la congestion, et d'améliorer la sécurité. Le temps de réaction et l'inattention comptent parmi les principales causes des accidents, et ces deux facteurs sont nettement améliorés avec l'automatisme.»

Dans un récent numéro, le magazine Sciences et Avenir dressait une liste des lignes d'autobus partiellement automatisées. Les chauffeurs de l'autobus Civis, mis au point par Siemens, lâchent le volant à l'approche des arrêts: l'autobus se charge seul de se coller au maximum au trottoir. Il est notamment exploité à Rouen, Limoges, Las Vegas, Bologne et Milan. Aux Pays-Bas, les villes d'Eindhoven et de Rotterdam ont des navettes dont une partie du trajet est automatisée, sur des voies réservées. L'aéroport d'Heathrow, à Londres, veut avoir de telles navettes en 2010.

À la fin septembre, le magazine The Economist allait plus loin: un «Superbus» automatique, mis au point par l'Université de technologie de Delft, en Hollande, irait chercher ses clients à domicile et atteindrait des vitesses de 250 kilomètres à l'heure sur des voies réservées. Il s'agit d'une solution à mi-chemin entre l'automobile et le train, notamment parce que les sièges des passagers seraient inclinés et qu'il y aurait une porte par siège.

«Cette technologie s'implante tout d'abord dans les autobus parce que la gestion du temps y est plus importante que pour les propriétaires de voitures individuelles, explique M. Parent. Les manoeuvres à l'abord des arrêts sont aussi plus compliquées. Mais il y a déjà des voitures qui incluent certains automatismes. Par exemple, Lexus vient de lancer une voiture qui a un régulateur de vitesse capable de ralentir s'il y a une voiture plus lente, puis d'accélérer à la vitesse voulue, et qui en plus se gare de façon automatique. Nous sommes aussi à l'aube des voitures capables de "stop and go", de gérer automatiquement la conduite dans les embouteillages.»

L'automatisme aura des avantages indéniables. «Dans un test à Rouen, on a observé des différences de 15 % en consommation d'essence entre les conducteurs, dit M. Parent, Or, l'automatisation permettrait probablement de faire mieux que le meilleur conducteur. Il y a aussi la question de la vitesse: avec un régulateur de vitesse capable de réagir aux obstacles, on pourrait théoriquement augmenter la vitesse permise.»

La grande inconnue, qui freine le développement de ces systèmes, est la question de la responsabilité civile. «En théorie, il ne devrait pas y avoir de problème. Les assureurs sont satisfaits des protections. Mais tous les experts attendent la première cause, parce que les juges pourraient avoir des opinions différentes. Si tout va bien lors des premières expériences juridiques, ce genre d'accessoire va se généraliser.»

La clé de la sécurité de l'automatisme automobile est la redondance: entre deux et quatre systèmes se chargent de la même fonction, ce qui évite qu'un problème technique rende la technologie inopérante. «On sait très bien faire cela avec les avions, ou avec les rames de métro automatiques, qui ont en général quatre niveaux de redondance, dit M. Parent. Alors il n'y a pas de raison que l'automatisme ne soit pas aussi sécuritaire pour les automobiles. Déjà, il y a deux niveaux de redondance pour certaines technologies comme la direction assistée. C'est suffisant puisque la direction est toujours couplée mécaniquement avec le volant. Nous augmenterons le nombre de niveaux de redondance avec la direction assistée uniquement électronique, le "drive by wire". Déjà, il y a des camions à direction électronique en Allemagne, et ils ont quatre niveaux de redondance. Ça montre que l'industrie est sérieuse au chapitre de la sécurité.»

Déjà, les experts s'inquiètent de la baisse de la «compétence de conduite» qui accompagnera l'automatisation de la conduite. «Quand toutes les voitures auront le stationnement automatique, le conducteur qui se retrouvera avec une voiture dont le système est en panne aura beaucoup de difficulté à faire un créneau (un stationnement en parallèle), souligne M. Parent. Il y a aussi la question de la baisse du niveau de vigilance. On peut déjà parler des changements qu'a amenés l'ABS: les nouveaux conducteurs ignorent comment pomper les freins, quand il n'y a pas d'ABS. Quoiqu'à ce point de vue, on peut considérer qu'une bonne proportion de la population ignorait comment freiner efficacement sur une route glissante, même avant l'ABS...»

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