Pour un Québécois, conduire une voiture à Paris ou à Rome est une expérience souvent éprouvante. La chaussée est plus étroite, la conduite plus agressive. Et il faut faire attention aux scooters et motos qui filent entre les autos à gauche et à droite.

Pour un Québécois, conduire une voiture à Paris ou à Rome est une expérience souvent éprouvante. La chaussée est plus étroite, la conduite plus agressive. Et il faut faire attention aux scooters et motos qui filent entre les autos à gauche et à droite.

Depuis quelques années, un débat au sujet des «deux-roues motorisés» agite justement Paris. Les policiers se sont mis en tête de punir ceux qui se faufilent entre les voitures, une pratique mystérieusement appelée «remontée de file». La mairie, elle, veut plutôt encadrer la pratique, s'inspirant d'une «charte du scooter» mise au point aux Pays-Bas.

Tout a commencé avec l'augmentation du nombre de voies réservées pour des autobus, depuis l'élection du maire Bertrand Delanoë en 2001. «Les voies réservées ont obligé la Ville à rétrécir les autres voies, explique en entrevue téléphonique Henri de Vogüé, président de la Fédération française des motards en colère (FFMC). En même temps, le nombre de deux-roues motorisés a considérablement augmenté à cause d'un assouplissement des règles d'obtention du permis pour les moins de 125 cc.»

En France, les automobilistes qui ont un permis depuis plus de deux ans peuvent conduire sans test supplémentaire une motocyclette de moins de 125 cc. Au Québec, seuls les scooters, dont le moteur fait moins de 50 cc, peuvent être conduits sans permis de moto.

Compromis

Après quelques opérations policières contre les «remontées de file», la FFMC a pris contact avec les autorités pour trouver un compromis. Les tractations ont notamment réuni la mairie de Paris et le préfet de police. Pour la mairie, c'était l'occasion idéale de s'attaquer au problème de l'accidentologie des deux-roues motorisés, qui sont mêlés à la moitié des accidents alors qu'ils ne constituent que 10 à 15 % du trafic.

À noter, les accidents de moto n'inquiètent pas seulement les autorités parisiennes ou la SAAQ au Québec. Même Rome, le paradis du scooter libre, a réussi depuis 2001 à imposer le port du casque.

À Paris, une charte du deux-roues motorisé a été mise au point. Selon un porte-parole de la mairie, la charte prévoyait notamment que les remontées de file aient lieu seulement quand le trafic est immobile ou presque, et que sur le Périphérique, elles soient limitées à l'espace entre la deuxième et la troisième voies. «De cette manière, les automobilistes savent mieux à quoi s'attendre, dans les voies où sont susceptibles de passer scooters et motos», explique le porte-parole de la mairie, qui ne voulait pas être identifié à cause de règles administratives.

Le «différentiel de vitesse» a posé problème. Il s'agit de la différence de vitesse entre les scooters qui remontent les files et les voitures avançant à pas de tortue. La FFMC voulait qu'il soit au maximum de 20 km/h, mais la mairie jugeait que c'était trop élevé. Finalement, la charte mentionne que le différentiel ne doit pas être trop élevé.

«Nous pensons qu'une différence de 20 km/h permet à la fois aux automobilistes de réagir aux remontées de file, et aux motocyclistes de remercier du regard les automobilistes qui se déplacent légèrement pour leur laisser la voie libre», commente M. de Vogüé.

À la dernière minute, cependant, le préfet de police n'a pas voulu signer la charte. Selon la mairie, le ministre de l'Intérieur ne veut pas créer le précédent d'adapter le code de la route à des exigences locales. Depuis quelques années, les remontées de file apparaissent dans des villes de province, à cause de l'augmentation des immatriculations de deux-roues motorisés. «Quoi qu'il en soit, nous allons signer la charte avec les associations, sans la préfecture, indique le porte-parole de la mairie. De toute façon, le préfet ne peut pas sévir systématiquement contre la remontée de file, qui est bien trop répandue pour être réprimée sans des effectifs policiers considérables.»

La FFMC a maintenant trouvé d'autres croisades. Elle mène maintenant la charge contre l'interdiction, pour les scooters, de circuler dans les voies réservées aux autobus. Et elle note avec inquiétude la sévérité grandissante des «aubergines», les préposés au stationnement, contre les scooters garés sur les trottoirs.

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