Les mégacustoms japonaises ne figurent pas parmi les modèles les plus populaires, mais elles comptent assurément parmi les montures les plus caractérielles du marché. À sa façon, la M109R en fait une fois de plus la preuve.

Bertrand Gahel est l’auteur du Guide de la Moto.

Rares sont les customs de ce genre qui peuvent être qualifiées de confortables au long cours. La M109R ne fait pas exception à cette règle. Dotée d’une selle large et plutôt accueillante, et bénéficiant d’une protection au vent étonnante pour une telle moto, la dernière-née de la famille Boulevard pèche par une position de conduite cool mais agressive, et par une suspension arrière qui digère mal les irrégularités marquées de la route.

La nouvelle Boulevard M109R est une de ces motos qui provoquent des sentiments aussi forts que diamétralement opposés, mais qui ne laissent personne indifférent.

Alors que plusieurs adorent son style audacieux, voire caricatural, d’autres le rejettent avec vigueur. Au-delà des discussions stylistiques animées qu’elle risque de nourrir encore longtemps, son centre d’intérêt demeure sa mécanique, dont le tempérament custom respire de manière profonde au rythme d’une technologie sportive.

Malheureusement, l’injection, sans reproche dans toutes les autres circonstances, n’est pas la plus douce qui soit à la remise des gaz, ce qui se traduit par des à-coups réguliers et agaçants en conduite normale. Seul un pilotage minutieux arrivera à les minimiser.

Pas trop encombrante

Grâce à un centre de gravité bas et à une répartition des masses bien étudiée, la M109R ne se fait pas trop encombrante malgré ses imposants 315 kg à sec. L’installation d’un pneu arrière aussi large n’affecte pas trop le comportement, puisqu’à l’exception d’un effort au guidon légèrement plus élevé que la normale en virage, le mastodonte se manie avec une aisance similaire à celle qu’on attendrait d’une custom poids lourd habituelle.

En dépit de proportions décidément généreuses, la M109R demeure ainsi parfaitement vivable au jour le jour.

Le gigantesque pneu arrière de 240 mm de section (le premier du genre à être installé sur un modèle japonais de grande production) fournit une traction élevée.

Cependant, le faire fumer à l’apparition du feu vert tient du jeu d’enfant. Crissement strident, regards en coin des usagers de la route et longue trace noire au sol, voilà ce qu’offre la M109R si l’on relâche l’embrayage un brin hâtivement.

Ce genre d’accélération aussi féroce qu’immédiat compte pour une grande partie de l’agrément de conduite d’une mégacustom. À ce chapitre, la grosse Boulevard se mérite une note de 10 sur 10.

Nul ne peut nier les efforts déployés par Suzuki pour distinguer la M109R sur le plan visuel, qu’on apprécie ou pas ses proportions presque démesurées et ses rondeurs parfois peu subtiles; cependant, elle semble, a priori, n’apporter rien de nouveau. Après tout, ce genre de cylindrée est non seulement chose commune, mais il existe aussi des mécaniques bien plus grosses.

Peu de moteurs sur le marché ont une présence mécanique aussi crue et aussi intense que celui de la M109R. Au ralenti, on entend littéralement le gros V-Twin respirer, expirer.

Les montées en régime sont étrangement vives pour un moteur de telles proportions. On n’a pas affaire ici à un moteur au tempérament poli, dont chaque note et chaque pulsation sont le fruit d’un savant calibrage, mais plutôt à une brute issue de la technologie de course pour laquelle la marque Suzuki est surtout réputée.

Pas vraiment pratiques, plutôt chères et presque assez grosses pour avoir besoin d’une marche arrière, les mégacustoms sont presque un passage obligé pour les constructeurs japonais. Non pas parce qu’elles se vendent en grande quantité, mais parce qu’elles sont devenues, pour beaucoup, une mesure du savoir-faire d’une marque, un baromètre de son audace.

Dernière venue dans ce créneau, avec ses 1783 cc, la Boulevard M109R serait, selon les dires de Suzuki, la GSX-R des customs. Qu’est-ce qu’une telle affirmation peut bien vouloir dire?

Pour se démarquer parmi les mégacustoms, imiter ou proposer l’équivalent de produits existants ne suffit tout simplement pas. La clé du succès se trouve aux limites de l’exagération, bien au-delà des standards établis.