Fait à noter, le risque d’être admis dans un hôpital de soins prolongés était plus grand chez les ex-conducteurs que chez ceux qui ne conduisaient pas, cinq fois contre 3,5 fois. Ce n’était pas seulement une question de transport: le fait de n’avoir pas d’autre conducteur dans la maison n’augmentait le risque que 1,7 fois. Vivre seul n’augmentait le risque que 1,3 fois, et des symptômes dépressifs, que 1,3 fois.

Les conséquences sont particulièrement élevées chez les femmes, selon le Dr Taylor. «Chez les plus de 75 ans, souvent les femmes n’ont jamais conduit. Se retrouver avec un mari atteint de démence, et en plus avoir des problèmes de transport, peut faire vieillir une femme très rapidement. Souvent, il est difficile de prendre les transports en commun parce que le conjoint a des comportements socialement inappropriés.»

Pour atténuer l’impact de la fin de la conduite automobile, particulièrement à la campagne et dans les petites villes sans transports en commun, les auteurs citent en exemple un programme de taxi pour personnes âgées appelé «Independent Transportation Network». Ce programme offre des rabais aux personnes âgées si elles acceptent de faire du covoiturage et de prévoir leurs déplacements.

«On ne reconnaît pas suffisamment les difficultés qui accompagnent l’arrêt de la conduite automobile», expliquent les auteurs de l’étude, publiée dans la revue académique American Journal of Public Health.

Ils soulignent aussi que la perte du permis de conduire peut affecter l’estime de soi des personnes âgées. Privées notamment du sentiment de contrôle de leur vie, elles deviennent craintives et vulnérables et ne veulent plus vivre seules.

«Plusieurs études ont montré que le fait de conduire, d’avoir une interaction avec la géographie, constitue une stimulation cognitive très importante, explique Brian Taylor, ingénieur civil de l’Université de Californie à Los Angeles, qui a travaillé sur le phénomène des personnes âgées au volant. On sait que l’activité cognitive retarde la démence. C’est un peu comme l’atrophie musculaire. Évidemment, il faut aussi tenir compte du risque que constituent les personnes en phase prédémentielle qui conduisent une automobile. Mais il est clair que perdre son permis de conduire est un traumatisme qui peut marquer pendant plusieurs années.»

Les personnes âgées à qui on retire le permis de conduire risquent cinq fois plus d’être admises dans un hôpital de soins prolongés, conclut une nouvelle étude américaine.

La recherche de l’Université Johns Hopkins confirme les résultats d’autres études, qui observaient une aggravation des symptômes de démence et de dépression chez les personnes âgées qui cessent de conduire.

Ce phénomène n’est pas dû au fait que les personnes qui cessent de conduire sont souvent en moins bonne santé. Les chercheurs tiennent en général compte de cette possibilité. L’étude de Johns Hopkins, par exemple, constatait que les ex-conducteurs étaient en aussi bonne santé que les cobayes qui n’avaient jamais conduit, ou ceux qui continuaient à conduire.