J’ai possédé quantité de voitures depuis ce temps, mais celle-ci demeure associée aux souvenirs de mes 20 ans. Je vous remercie d’avoir écrit sur ce sujet.

Rétroviseur fera relâche pour les deux prochaines semaines.

Le vent doux du Zéphyr

Voici l’extrait d’un courriel qui nous a été adressé par Madeleine Rivard-Leduc et qui résume éloquemment les émotions que suscite parfois l’automobile ancienne:

Votre article sur les voitures Consul et Zéphyr a jeté un baume sur la cuisante peine d’amour que m’a fait vivre ma Consul décapotable 1961. C’était ma première voiture, chèrement acquise et si ravissante! Elle était bleue avec le toit et l’intérieur blancs. Elle m’a donné deux années remplies de quelques plaisirs, mais surtout d’ennuis majeurs. Par temps froid, non seulement elle refusait de démarrer, mais ses roues figeaient, au point que quatre hommes ne pouvaient la faire rouler sur une pente descendante. Par temps humide ou de pluie, elle ne démarrait pas non plus. Elle m’a coûté une fortune en réparations de tous genres. Et pourtant, j’adorais ce «citron capricieux» qui avait ses bonnes heures! Vos propos sur l’étanchéité de la toile m’ont bien fait rigoler, car c’est lors d’un voyage de Sherbrooke à Trois-Rivières, sous une pluie diluvienne, où j’ai dû déployer un parapluie à l’intérieur de la voiture, que cette dernière a signé son arrêt de mort, après deux années de comportements erratiques.

J’ai été heureuse d’apprendre par votre plume que certaines de ces voitures ont fonctionné adéquatement à une certaine époque. Car malgré tous les pépins que m’a occasionnés ma petite Consul, j’en conserve un souvenir attendri, tel celui qu’on réserve à un enfant charmant mais gaffeur, ou à un amant imprévisible et fantasque.

Cet anniversaire passé relativement sous silence n’a donné lieu qu’à quelques timides manifestations lors du récent Grand Prix de France, à Magny-Cours. Parmi les personnalités présentes, le pilote français Jean-Pierre Jabouille, vainqueur de l’épreuve en 1979, une course d’anthologie marquée par la lutte épique entre la Ferrari de Gilles Villeneuve et la Renault de René Arnoux. «Malheureusement, je ne suis pas sûr que cela continuera encore longtemps», déclarait Jabouille au sujet de l’avenir de la Formule 1 en France. «Les lois françaises contre les cigarettes sont telles qu’il est dur de lutter face à des pays émergents comme la Chine ou la Turquie, qui attirent les manufacturiers. Il existe aujourd’hui plusieurs rendez-vous européens qui sont menacés…»

Une procession

Même son de cloche de la part du quotidien londonien The Guardian, qui déplore le profond ennui que génère la Formule 1 moderne. «Une procession menée par Ferrari, le seul épisode de dépassement se déroulant dans les puits, lors d’un ravitaillement. Pour ce 100e anniversaire du Grand Prix de France, point de ballons, point de gâteau d’anniversaire, ni même une bannière ou une couronne de lauriers décernée au gagnant de cette course historique… Pour le téléspectateur qui "zappe" entre le Tour de France, le GP Moto et le GP F1, rien ne distingue cette course historique des 10 autres épreuves de la saison ni de la multitude d’épreuves de l’ère Schumacher. Quel contraste avec les célébrations du centenaire du Tour de France, il y a trois ans… Précisons cependant que les responsables du Tour témoignent d’un respect véritable envers leur propre histoire, tandis que les propagandistes de la Formule 1 sont tellement dépourvus qu’ils vont jusqu’à demander aux amateurs comment la rendre plus intéressante. Une façon serait d’abolir tous ces règlements visant à réduire les coûts et qui ne font que tuer l’intérêt de la course. Un exemple: la formule unique pour les moteurs, le 10 cylindres en V, qui met fin à la variété des solutions techniques. Pendant près de 90 ans, les Grands Prix de Formule 1 vibraient au son des huit cylindres en ligne de Bugatti et de Mercedes, des V12 de Ferrari et de Matra, des quatre cylindres BMW, des V16 BRM, des six en ligne Maserati, du 12 à plat Alfa et du vénérable V8 Cosworth, une merveilleuse cacophonie mécanique remplacée aujourd’hui par le hurlement uniformisé des V10…»

Du caractère, svp

Et The Guardian poursuit: «Le meilleur moyen de faire renaître l’intérêt serait de limiter la F1 aux circuits dotés d’un certain caractère. Ce ne sont pas les vedettes ni les poseurs qui distinguent le Grand Prix de Monaco, mais le caractère unique du circuit. Même chose pour Monza et Spa qui datent d’avant-guerre, et pour Le Mans et Indianapolis, qui présentent des défis qui leur sont propres. Comparé à ces tracés historiques, le circuit de Magny-Cours ressemble à s’en méprendre aux pistes situées en Turquie ou en Chine ou dans l’un de ces pays où Bernie Ecclestone a décidé d’exporter la F1 sous les bons auspices d’un promoteur local. Pourtant, il existait des courses à Tripoli et à Casablanca, et elles différaient de celles de Silverstone et du vieux Nürburgring. Aujourd’hui, Hermann Tilke, l’architecte de Bernie, peut construire en plein désert un circuit qui mime celui qui niche dans les vignobles… Le véritable coupable de cette déchéance: la cupidité des promoteurs et leur quête insatiable de nouveaux marchés, qui ont fini par leur faire perdre le contact avec l’essence du sport. Une course comme celle de dimanche dernier, aussi dénuée d’intérêt que le circuit qui l’accueillait (Magny-Cours), est une insulte à un passé si bêtement oublié». Amen.

À peine un mois s’est écoulé depuis le 29 juin, qui marquait le 100e anniversaire du premier «Grand Prix» disputé sur une piste proche du Mans. Organisée en 1906 par l’Automobile Club de France (ACF), cette épreuve opposait quelques «fous du volant» (comme on les appelait à l’époque) qui devaient boucler en deux jours, sous une chaleur accablante, les 12 tours d’un circuit triangulaire de 103 km. C’est le Hongrois Ferenc Szisz qui couvrira les 1 236 km du parcours à plus de 100 km/h de moyenne au volant de sa Renault. Avec cette première course sur circuit fermé de l’histoire naît le terme «Grand Prix», une appellation aujourd’hui universelle désignant plus particulièrement les courses de Formule 1.

La rue Lepic

Rappelons que c’est dans un petit atelier à Billancourt, au sud-ouest de Paris, que les Louis et Marcel Renault préparaient leurs frêles machines. Le désir de prouver leurs capacités les a poussés en 1898 à faire grimper la rue Lepic, au cœur de Montmartre, à une voiturette Renault. Ce même désir les pousse ensuite à rafler la victoire dans le Paris-Vienne 1902 avec une voiture légère contre des adversaires plus lourds et plus rapides, puis à s’aligner au Grand Prix 1906. Cet engagement marquait alors le retour de Louis Renault à la compétition après la mort de son frère Marcel en 1903. Là encore, le but était de démontrer la supériorité technique et l’ingéniosité des produits Renault. Cent ans plus tard, ce désir d’afficher une supériorité technique vit encore.

Depuis lors, aux Chiron, Fangio, Ascari, Brabham, Hill, Clark, Stewart, Lauda et Prost ont succédé les Senna, Mansell, Villeneuve et Schumacher, tandis que la télévision a porté les images du Grand Prix à l’ensemble de la planète.