«Jamais au grand jamais je n'aurais pensé que Harley-Davidson sortirait une moto électrique!» Il fallait voir la mine du photographe de La Presse quand il est arrivé chez Léo Harley-Davidson, à Brossard.

L'étonnement de cet inconditionnel de l'auto électrique devant l'Éternel résume assez bien la réaction des gens quand on leur apprend l'existence du prototype LiveWire, la bécane électrique que le constructeur de Milwaukee trimballe un peu partout depuis l'an dernier pour mesurer l'accueil de sa clientèle, actuelle ou future.

Harley-Davidson est légendaire pour le son de ses intemporels V-Twin à calage irrégulier; le fait de voir le constructeur américain débarquer avec une moto électrique à la fine pointe de la technologie a de quoi étonner. Surtout que Harley est, par-dessus le marché, le premier grand constructeur à proposer une moto électrique aussi achevée.

Évidemment, Harley n'allait certainement pas sillonner les routes d'Amérique du Nord et d'Europe dans le cadre de sa tournée Project LiveWire Experience avec un prototype à l'assemblage douteux. Ainsi, les gens qui ont essayé la moto lors du passage de la caravane dans la région de Montréal - troisième arrêt canadien après Calgary et Vancouver - ont pu enfourcher une vraie moto, tout électrique soit-elle.

Plutôt légère avec ses 210 kg, la LiveWire est étroite et facile à prendre en mains, avec une position de pilotage redressée qui s'apparente à celle des motos de type standard - oui, les jambes sont repliées vers l'arrière. Elle accélère rondement, bien qu'il nous fût interdit de rouler en mode «Power», qui permet de boucler le 0-100 km/h en moins de 4 secondes.

Mais la puissance du moteur à courant alternatif de 72 chevaux et 52 livres-pied est néanmoins satisfaisante en mode «Range», qui privilégie une autonomie estimée pour l'instant à quelque 80 kilomètres, avec un temps de recharge de 3h30 min sur une fiche de 220 volts.

Guitare électrique et avion de chasse

L'objectif, avec la LiveWire, est de séduire une nouvelle clientèle, Harley-Davidson ne s'en cache pas. «Nous visons une clientèle plus jeune, plus urbaine, nous a expliqué le directeur général de Harley-Davidson Canada, Anoop Prakash. C'est un coup d'oeil vers l'avenir, il n'y a pas de doute. En fait, nous voyons la LiveWire comme s'il s'agissait d'une guitare électrique, alors que nos autres motos sont des guitares acoustiques.» Nous lui avons alors fait remarquer que lorsque Bob Dylan est apparu pour la première fois avec une guitare électrique, plusieurs ont crié au sacrilège.

«Nous ne croyons pas qu'une moto comme la LiveWire va gêner notre clientèle plus traditionnelle, a assuré M. Prakash. Après tout, ces motocyclistes ont déjà été jeunes, ils ont grandi avec la marque et sont heureux de voir arriver du sang neuf.»

Malgré sa motorisation et son allure sportive, la LiveWire se veut une Harley-Davidson pur jus. C'est du moins l'objectif de la direction. «Les trois principaux éléments de l'ADN de Harley-Davidson sont l'allure, le son et les sensations, a énuméré Anoop Prakash. Pour ce qui est du son du moteur électrique, il a été développé en nous inspirant d'un avion de chasse qui décolle d'un porte-avion. Quant au style, il s'inspire de l'héritage sportif de la marque, avec le moteur mis en valeur en plein centre du châssis, comme les V-Twin des autres Harley-Davidson.»

Le design est par ailleurs musclé, avec un cadre d'aluminium anodisé en treillis qui n'est pas sans rappeler celui de la V-Rod et des défuntes Buell. Quant aux sensations, les réactions autour de nous étaient unanimement bonnes - malgré le fait qu'il soit impossible pour un moteur électrique d'offrir les vibrations d'un V-Twin américain.

Harley-Davidson n'a pas encore décidé s'il allait donner suite à son prototype LiveWire. Certains diront que sa tournée d'essais est une opération de marketing bien ficelée - Harley est passé maître dans le domaine -, mais il serait franchement regrettable que tout cela se termine en queue de poisson. Anoop Prakash se fait rassurant: «Il n'y a pas d'échéancier, simplement parce que nous voulons nous y prendre de la bonne façon. Mais nous ciblons 2020 comme date de commercialisation, a-t-il laissé glisser en fin d'entrevue. Et notre objectif est de rendre la moto la plus accessible possible. Évidemment, il s'agira d'un modèle haut de gamme, mais nous voulons qu'elle s'inscrive au sein de notre gamme normale.»