Il existe, dans cet univers très particulier qu'est celui de la moto, des genres de règles non dites et non écrites. L'une d'elles «stipule» qu'une sportive de haut calibre mue par un 4-cylindres en ligne ne peut être que japonaise. Selon cette même règle, un constructeur non japonais «peut», s'il le désire, offrir une sportive de haut calibre, mais il devra le faire avec une autre configuration moteur. Ducati, KTM ainsi que la défunte et regrettée marque Buell, par exemple, ont tous choisi de doter leurs modèles de performance d'un bicylindre en V.

L'existence d'une règle implique évidemment un moyen de la faire respecter. Dans ce cas, il s'agit de l'humiliation dont serait couvert quiconque tenterait d'outrepasser ladite règle, humiliation provenant d'une incapacité flagrante à rejoindre le fabuleux niveau de performances établi par les machines japonaises.

 

Mue par un 4-cylindres en ligne plus puissant que n'importe lequel des moteurs japonais concurrents et équipée d'un système de gestion de la puissance tellement avancé qu'il rend préhistorique la technologie utilisée par les modèles asiatiques, la nouvelle BMW S1000RR est une déclaration de guerre en bonne et due forme de l'Allemagne contre le Japon.

 

Afin d'illustrer la mince probabilité de réussite d'une telle attaque, disons simplement que si l'auteur de ces lignes n'avait pas de ses yeux vu de quoi est capable la S1000RR, il n'y aurait pas cru, et ce, même malgré la fiche technique supérieure. Sur l'Autódromo Internacional do Algarve à Portimao, au sud du Portugal, une piste de calibre F1 toute neuve où BMW a laissé la presse mondiale évaluer sa nouveauté, la S1000RR a réussi l'impossible, c'est-à-dire établir clairement qu'elle est non seulement à la hauteur des sacro-saintes Suzuki GSX-R1000, Yamaha YZF-R1, Kawasaki ZX-10R et Honda CBR1000RR, mais qu'elle est aussi d'un calibre tel que les constructeurs japonais et leurs engins ont maintenant du rattrapage à faire.

 

La supériorité de la BMW est évidente à tous les égards. La puissance, par exemple, est fabuleuse, formidable. La S1000RR possède à la fois la capacité d'accélérer de manière furieuse et celle de paraître totalement calme et posée en le faisant. Il s'agit d'un outil de vitesse de la plus belle et de la plus pure espèce, d'une machine conçue non seulement pour aller vite en piste, mais aussi, et surtout, pour maîtriser la vitesse. Car si ses 193 chevaux annoncés ne représentent pas un avantage marqué sur les puissances que génèrent les machines japonaises, la façon avec laquelle cette puissance est gérée, elle, se veut l'arme secrète de l'allemande. La réalité est que la technologie derrière le système de gestion de la puissance dont est équipée la S1000RR n'existe pour le moment nulle part ailleurs dans l'univers de la moto de route. En comparaison, tout ce qui se fait de similaire actuellement semble utiliser de la technologie de réveille-matin.

 

Lorsque la puissance devient tellement élevée que l'humain peine à la doser et les pneus à la supporter, elle devient très vite contre-productive dans l'environnement de la piste où seul le chronomètre dit la vérité.

 

 

La S1000RR possède une série d'aides à la conduite extrêmement complexes qui permettent au pilote d'exploiter pleinement le potentiel offert, et de le faire d'une manière incroyablement calme. D'un côté, l'antipatinage, dont le degré d'intervention peut être ajusté à la volée selon quatre réglages différents, élimine carrément les risques de dérapage en sortie de virage. On peut littéralement enrouler complètement les gaz en pleine inclinaison et laisser le système gérer cette situation dont le degré de difficulté est normalement extraordinaire. D'un autre côté, la S1000RR possède également un système presque unique de freins antibloquants (seul Honda offre quelque chose d'aussi avancé sur ses CBR) permettant non seulement des ralentissements d'une force ahurissante, mais aussi d'une facilité presque enfantine. Comme c'est le cas à l'accélération, on n'a qu'à enfoncer les leviers et laisser l'électronique gérer une action qui exigerait habituellement une très grande dextérité.

 

En combinant une puissance prodigieuse à ces aides électroniques au pilotage et en mariant le tout à un châssis de premier rang, BMW a écrit l'histoire en battant les japonaises sur leur propre territoire. Et sa récompense ne s'est pas fait attendre puisque chacune des S1000RR importées au Canada a très vite trouvé preneur, une situation décidément inhabituelle chez ces motos. Il est aussi certain que les Japonais riposteront. Mais d'ici là, l'Empire aura reçu une belle leçon d'humilité.

 

FICHE TECHNIQUE

Marque: BMW

Modèle: S1000RR

Prix: 17 300$

Garantie: 3 ans/kilométrage illimité

Moteur: 4 cylindres en ligne DACT de 999 cc refroidi par liquide

Transmission: à 6 rapports, entraînement final par chaîne

Poids en ordre de marche: 206,5 kg

Frein avant: 2 disques avec étrier à 4 pistons

Frein arrière: 1 disque avec étrier à 1 piston

Pneu avant: 120/70-17

Pneu arrière: 190/55-17

 

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la moto.

Les frais de transport et d'hébergement pour la réalisation de ce reportage ont été payés par BMW.

Photo BMW

BMW a écrit l'histoire en battant les japonaises sur leur propre territoire. Et sa récompense ne s'est pas fait attendre puisque chacune des S1000RR importées au Canada a très vite trouvé preneur, une situation décidément inhabituelle chez ces motos.