Le raz-de-marée économique de 2009 a fait nombre de victimes dans le secteur automobile. Certains noms, si grands qu'on les aurait presque cru infaillibles, sont même tombés de très haut.

Et pourtant, au milieu de tout ce cahot, d'autres ont très bien fait. «Saab vendait 100 000 voitures annuellement. Ces ventes ne se sont pas évaporées, elles se sont simplement déplacées. Quelqu'un a bénéficié de la chute de Saab», explique notre collaborateur Éric LeFrançois, indiquant à titre d'exemple que les ventes d'Audi, de BMW, de Hyundai et de Kia ont été excellentes l'an dernier, au même moment où d'autres constructeurs s'écroulaient.

 

Qu'en est-il dans l'univers de la moto? Comment ces véhicules à deux roues (et maintenant parfois trois...) sont-ils sortis de cette crise financière dont la sévérité a été telle qu'on l'a maintes fois comparée à l'effondrement de 1929?

 

Tout d'abord, la plupart des intervenants du milieu s'entendent sur le fait que le pire de la tempête semble derrière et que la situation paraît s'être stabilisée. Mais les cicatrices sont parfois profondes. Chez Harley-Davidson, par exemple, l'ajustement a été brutal. Les 350 000 motos que le mythique constructeur américain produisait annuellement il y a quelques années ne sont aujourd'hui qu'à peine plus de 200 000. Cela dit, même s'il s'agit d'une baisse très forte, il reste que des chiffres de ce genre demeurent exceptionnels au sein de l'industrie de la moto et qu'ils continuent de faire l'envie d'à peu près tout autre constructeur.

 

D'autres marques, en contraste, ont semblé immunisées, voire favorisées par cette crise. On pense par exemple à BMW et à Triumph, qui ont enregistré des gains très substantiels en termes de pourcentage en comparaison avec l'année précédente. Les produits de BMW et de Triumph n'étant pas des modèles «économiques», il serait maladroit d'attribuer leur succès au resserrement des budgets des amateurs de motos. Toutefois, tant les gammes de BMW que de Triumph ont offert dans les dernières années des réductions de prix intéressantes qui ont permis à bien des acheteurs d'envisager ces produits plutôt qu'une moto japonaise, parfois perçue comme un achat banal ou commun.

 

En examinant les ventes, et surtout les baisses de ventes, on se rend compte que la popularité de modèles qui se vendaient encore très bien il y a à peine deux ans, notamment les customs, commence à s'estomper. Un phénomène similaire semble également se manifester chez les sportives très pointues. Dans ce cas particulier, le Québec est encore plus durement touché que les autres marchés en raison de coûts d'immatriculation très élevés depuis quelques années. Il en coûte maintenant 1410$ pour immatriculer une moto définie comme «sportive» par la SAAQ, total qui pousse beaucoup de motocyclistes à envisager d'autres types de motos.

 

 

Tirer des conclusions claires et directement liées à la crise économique au sujet de la direction que le marché de la moto prendra dans les années à venir paraît presque impossible, puisque d'autres phénomènes se manifestent simultanément, comme celui d'un changement relativement profond des habitudes d'achat de la clientèle, celui du vieillissement des motocyclistes et celui de l'arrivée d'une nouvelle génération d'amateurs de motos, aussi timide soit-elle pour l'instant.

 

Bref, si l'on doit tirer une conclusion sur l'état actuel de la moto, ce serait en suggérant qu'après une période très prolifique d'une quinzaine d'années, la moto semble maintenant se chercher. Ce qui fonctionnait très bien avant n'est plus nécessairement valable pour l'avenir, et ce que les jeunes nouveaux arrivants souhaitent voir apparaître comme modèles n'est pas encore défini.

 

La recherche d'une réponse à cette énigme est évidente de la part des constructeurs. Certains commencent à mélanger les genres, comme KTM avec sa 990 Supermoto T ou Ducati avec sa Multistrada. D'autres tentent de trouver ce qui succédera aux sportives, comme Kawasaki avec sa Z1000. Et d'autres encore, comme BMW et sa S1000RR, font mentir tout le monde en obtenant un franc succès - même au Québec - avec des sportives extraordinairement puissantes et sophistiquées.

 

Tout pointe donc vers des années à venir fort intéressantes en matière de nouveautés puisque chaque constructeur tentera à sa façon de trouver la bonne manière d'aborder cette nouvelle période de l'univers de la moto.

 

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la moto.

Photo fournie par BMW

Parce qu'elles sont de plus en plus pointues, les hypersportives comme la toute nouvelle S1000RR de BMW suscitent de moins en moins l'intérêt des motocyclistes. Dans ce cas, toutefois, il s'agit d'un franc succès.

Photo fournie par KTM

La KTM 990 Supermoto T fait partie d'une catégorie émergente de montures qui prétendent être plusieurs types de motos en une.