Il n'est peut-être pas de constructeur plus extravagant que Buell, dont les modèles étaient jusqu'à tout récemment presque tous mus par un rustique V-Twin Harley-Davidson. Bien qu'un tel choix mécanique constitue une certaine garantie en matière de caractère et d'individualisme, l'envers de la médaille est que seule une poignée d'inconditionnels de sensations différentes se sont traditionnellement intéressés aux produits Buell.

Mue par un moderne et puissant V-Twin Rotax de 146 chevaux, la nouvelle 1125CR est la première Buell ayant le potentiel d'intéresser un public beaucoup plus large que celui qu'attirent les modèles habituels de la marque. En fait, même si la firme d'East Troy, au Wisconsin, ne l'avoue pas ouvertement afin de ne pas froisser sa très patriotique clientèle américaine, la nouvelle CR a pratiquement été construite sur mesure pour séduire le marché européen, qui glisse toujours entre les mains du géant Harley-Davidson à qui appartient Buell comme un savon mouillé.

L'appellation CR fait d'ailleurs référence à l'abréviation de Café Racer, un terme définissant un type de moto qui est aux Européens ce que le Chopper est aux Américains.

Épurer un modèle déjà existant

Il y a une certaine ironie derrière le fait que la Buell qui pourrait enfin percer l'immense et convoité marché européen ait requis un développement aussi simple. La moto de type Café Racer étant née de la volonté d'épurer un modèle déjà existant en lui retirant tout ce qui pourrait être superflu, le constructeur américain a tout simplement visé sa plus récente sportive, la 1125R, à laquelle il a retiré le carénage et les poignées basses et sur laquelle il a installé un petit saute-vent et guidon de type Clubman.

Le résultat impressionne, car malgré le fait que la nouvelle CR soit techniquement très proche de la R, l'expérience de conduite qu'elle renvoie s'avère marginalement différente. La CR propose même un comportement particulier lorsqu'on la compare aux autres montures de style standard offertes sur le marché. C'est qu'au-delà de sa ligne dénudée et de son thème Café Racer, la 1125CR reste par défaut une sportive de haut niveau. Lors du lancement du modèle, à Berlin en Allemagne, Buell avait d'ailleurs réservé un circuit afin de démontrer le talent de pistarde de sa nouveauté, une qualité relativement peu commune dans cette classe. Et quelle pistarde!

Les sportives extrêmes capables de découper un circuit routier ne sont certes pas une rareté, mais celles ayant la capacité de le faire avec une aisance aussi naturelle ne sont pas légion. La vérité est qu'on ne devrait pas s'étonner de ce genre de qualités vu la nature sportive du modèle duquel la CR est dérivée, mais j'ai quand même été très impressionné d'arriver, et ce, de manière presque instantanée, à pousser aussi fort et à atteindre un rythme de pilotage aussi élevé sur un circuit totalement inconnu.

La 1125CR offre une telle facilité de pilotage en piste grâce à une multitude de qualités comme une injection révisée par rapport à la 1125R et désormais parfaitement au point, comme une légèreté de direction phénoménale, et comme une précision et un aplomb extraordinaires en pleine inclinaison. Mais c'est surtout grâce à la manière avec laquelle chacune de ces qualités complète l'autre, que l'ensemble s'avère aussi efficace.

Comme une standard est avant tout une monture à vocation routière, une bonne partie de la présentation s'est déroulée sur les routes secondaires de la campagne allemande. Dans cet environnement, les capacités sportives de la 1125CR sont demeurées bel et bien présentes sous la forme d'une tenue de route incisive et de performances très élevées.

 

J'ai d'ailleurs facilement atteint tout près de 250 km/h sur l'autobahn, ce qui n'a rien de banal pour une monture sans carénage. Heureusement, la 1125CR n'est pas trop sportive et, sur la route, elle propose non seulement un degré de confort correct, mais aussi une large distribution de puissance favorisant autant les mi-régimes que les tours très élevés. Une suspension plutôt ferme sans toutefois qu'on puisse la qualifier de rude, une selle décente à moyen terme, mais pas exceptionnelle sur long trajet et un niveau de vibrations mécaniques un peu trop élevé à haut régime sont pratiquement les seuls reproches qu'on puisse formuler à son égard en matière de comportement. Par ailleurs, d'un point de vue subjectif, sa ligne ne fait pas l'unanimité, comme c'est en fait le cas de presque toutes les Buell produites à ce jour.

Erik Buell, un genre de génie fou

Erik Buell, l'homme qui a fait naître la marque portant son nom et qui est aujourd'hui responsable de chacun des modèles de la gamme, est un genre de génie fou dont les idées sont très inhabituelles, voire carrément inusitées. Mais ce sont les résultats qui importent et dans le cas de la nouvelle 1125CR, le verdict est éloquent. Saura-t-elle enfin donner à nos difficiles amis européens ce dont ils ont besoin pour enfin considérer un produit américain? Disons que si elle n'y arrive pas, la raison sera beaucoup plus culturelle que technique.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto.

 

FICHE TECHNIQUE

Marque : Buell

Modèle : 1125CR

Prix : 14 929 $

Garantie: 2 ans/kilométrage illimité

Moteur: bicylindre en V DACT de 1125 cc refroidi par liquide

Transmission : à 6 rapports, entraînement final par courroie

Poids : 168 kg

Frein avant : 1 disque avec étrier à 8 pistons

Frein arrière : 1 disque avec étrier à 2 pistons

Pneu avant : 120/70-17

Pneu arrière : 180/55-17