Un mercredi soir du mois de mars. Une quarantaine de femmes sont réunies chez Moto internationale - Harley-Davidson Montréal - pour une soirée de filles pas comme les autres.

Interdite aux hommes, la Fête de garage pour femmes de Harley-Davidson, un événement annuel chez le concessionnaire de la rue Saint-Jacques, attire de plus en plus les foules. Lors de la première, il y a quatre ans, une vingtaine de curieuses se sont présentées. Cette année, elles étaient une bonne quarantaine. Il a même fallu refuser les inscriptions de dernière minute!

 

De quoi il s'agit? D'une soirée d'initiation à la moto, avec ateliers, vin, fromages et petits sandwiches, pas de croûte. On y explique les détails du cours de moto, on démystifie l'engin, l'équipement nécessaire et le service requis. Les filles peuvent y poser toutes les questions qu'elles veulent, sans gêne et sans pudeur. «On est moins gênées entre nous, lance Lucie Lévesque, qui vient de finir son cours de moto, où, fait à noter, la moitié des élèves étaient des... filles. Tu sais que tu ne vas pas te faire reprendre par un gars. Parce que les gars, ils savent toujours tout...»

Une fois la soirée finie, les filles repartent avec un petit sac cadeau, qui contient une casquette pour femmes, le jargon de Harley Davidson simplifié et une liste de l'équipement nécessaire à acheter.

«Cette année, les filles sont venues en gang, à cinq, avec leurs amies, c'était vraiment l'fun!» indique Chantal Cournoyer, responsable de la publicité et des événements du concessionnaire.

Toute menue, le cheveu bien placé, avec son petit chemisier noir cintré et son délicat gilet gris, rien ne laisse deviner sa passion pour la moto. Et pourtant. Son premier «bicycle», elle l'a acheté il y a 18 ans. «J'avais 24 ans, c'était une Harley. Mon père voulait me tuer», se souvient-elle.

Vrai, l'univers de la moto a longtemps été quasi exclusivement masculin. Les motos, signées Harley-Davidson de surcroît, c'était pour les motards. Les criminels. Le Salon de la moto, jadis la chasse gardée des hommes, voit de plus en plus de femmes se présenter chaque année. Cette année, elles représentaient près du quart des visiteurs.

 

Aujourd'hui, les filles comptent pour 14% de la clientèle de chez Moto internationale, un chiffre en augmentation constante. Chez Deeley Harley Davidson Canada (où - coïncidence? - la publicité placée sur la ligne téléphonique en attente met en scène une femme, à la voix suave, qui vante les mérites des bancs ajustables, plus confortables...), on estime que le nombre de conductrices a augmenté de 24% en cinq ans, les femmes représentant désormais 13% de la clientèle.

Que s'est-il passé? «Les femmes font moins d'enfants, ont des salaires plus élevés, sont plus autonomes, avance Chantal Cournoyer. Ce sont des femmes de 20, 30, 40 ou 50 ans qui ont envie de triper. Parfois c'est leur mari qui a une moto, mais elles ne veulent plus s'asseoir à l'arrière.»

C'est d'ailleurs le commentaire qui revient le plus souvent. «De plus en plus de femmes se rendent compte qu'elles aiment avoir le contrôle. Elles aiment conduire, décider où elles vont et à quelle vitesse!» renchérit Jo-Anne Farquhar, responsable des communications du Conseil de l'industrie de la motocyclette et du cyclomoteur. D'après l'organisme canadien, le nombre de conductrices aurait augmenté de 12% au cours des dernières années. Au Québec, l'Association des concessionnaires de véhicules de loisirs du Québec, qui regroupe tant les motos que les scooters, évalue que les femmes représentent aujourd'hui 20% des conductrices.

Il faut dire qu'Harley n'est pas le seul fabricant à cibler explicitement ces dames. Depuis deux ans, chez BMW, on a abaissé la suspension de certains modèles, conçu des selles plus basses, organisé des journées d'essais routiers pour femmes seulement. Et la plupart des marques font de même.

Parce qu'il faut bien l'avouer, les filles ne conduisent généralement pas comme les gars. «Moins cowboy, résume Chantale Cournoyer. Les gars aiment montrer leur bicycle. Nous autres, les filles, on est fière de montrer qu'on conduit notre bike!»