Le géant imparfait
La sixième génération du CR-V ne bouscule rien. Peine à se réinventer aussi. Pourquoi le ferait-il ? Ne présente-t-il pas un rapport encombrement/habitabilité toujours des plus avantageux, un dossier de fiabilité des plus reluisants et une valeur résiduelle pratiquement inoxydable ? Oui, mais la concurrence progresse rapidement. Et ce Honda n’y prête malheureusement pas assez attention.
Il y a longtemps qu’il ne porte plus sa roue de secours en bandoulière, que sa portière arrière ne bat plus du côté trottoir ou qu’une table de pique-nique se dissimule sous le plancher de son coffre. Le CR-V a changé. Et en mieux, ne manqueront pas de se féliciter les stratèges de Honda. Le CR-V est confortablement installé – avec le RAV4 de Toyota – au sommet des modèles les plus vendus de la planète. Aujourd’hui, près de 30 ans plus tard, le septième du nom semble se trouver aux antipodes de son positionnement original. Ce véhicule qui se prétendait « récréatif » s’est considérablement allongé par rapport au modèle initial, a fortement grossi et ressemble à un VUS familial traditionnel. Et il est aussi beaucoup plus cher.
En toute franchise, les précédentes générations avaient déjà amorcé le mouvement. Mais en découvrant la dernière mouture, on ne peut refréner une bouffée de déception teintée de nostalgie. Le CR-V originel était autrement plus pétillant que ce très conventionnel utilitaire qui aujourd’hui s’efforce de ne pas paraître empesé.
VUS terne
Le premier contact avec ce « nouveau » produit de Honda aura donc été un peu rude. Les choses ont commencé à s’arranger au bout de quelques kilomètres. Le CR-V apparaît alors moins pataud qu’on aurait pu le redouter. La direction alerte et précise, couplée à un train avant pas pesant pour un sou, rend la conduite agréable. Qu’à cela ne tienne, le CR-V a complètement perdu le petit supplément d’âme qui le caractérisait – et le différenciait de la concurrence.
Le CR-V nouveau gagne en confort, mais reste cependant moins agile et plus sujet au roulis. Le diamètre de braquage surprend agréablement, tout comme le niveau d’insonorisation, autrefois le talon d’Achille de ce modèle.
Le consommateur a le choix du mode d’entraînement (deux ou quatre roues motrices), mais pas du groupe motopropulseur. Celui-ci, unique à toutes les configurations à l’exception de la version hybride, est une vieille connaissance : un quatre-cylindres de 1,5 L suralimenté annexé à une boîte automatique à variation continue (CVT). Cette dernière, d’un rendement impeccable, est sans doute la plus agréable actuellement sur le marché. Cela dit, moteur et transmission ne progressent pas si le couple maximal se manifeste un peu plus tôt. Peu de consommateurs apprécieront (et détecteront) cette différence.
Dans sa configuration à quatre roues motrices (populaire, mais plus chère encore), le CR-V se révèle toujours inapte à franchir les ornières (surtout avec ses pneus standards). En revanche, il s’accommode plutôt bien des chaussées glissantes, voire neigeuses, de la route. À ce chapitre, soulignons l’algorithme révisé du rouage intégral à prise temporaire qui achemine désormais 50 % du couple (10 % de plus qu’autrefois) au train arrière.
Un brin plus lourd, le CR-V de dernière génération ne consomme pas moins d’essence, ni n’accélère plus vite, ni ne freine mieux que son prédécesseur. Où est le progrès ?
Et comment justifier l’addition déjà corsée de ce véhicule ? Le CR-V s’élève et déserte peu à peu sa catégorie traditionnelle pour se positionner dans une catégorie plus élitiste et, sans doute aussi, financièrement plus rentable. Pour son constructeur, s’entend.
Dans la norme
Si la conduite d’un CR-V ne crée aucune surprise, la présentation intérieure non plus. En prenant du volume, le CR-V demeure un véhicule très spacieux.
Les places arrière où le plancher est presque aussi plat que celui d’un véhicule électrique et le coffre (quand les dossiers de la banquette sont rabattus) sont les premiers bénéficiaires de ces nouvelles mensurations. À l’avant, les fauteuils se révèlent toujours aussi confortables pour les voyages au long cours et l’ergonomie des commandes ne s’attire aucune critique particulière.
Le système d’infodivertissement s’apprivoise aisément, mais la présentation intérieure générale manque de cachet, de modernisme. Il n’en faut pas plus pour trouver ce modèle un peu surfait face au rayon d’utilitaires sophistiqués qui ne cesse de se garnir.
Consultez le site de Honda CanadaHonda CR-V
Fourchette de prix
De 34 790 $ à 45 340 $
À partir de 48 890 $ en déclinaison hybride
Consommation
8,8 L/100 km
On aime
Rapport encombrement/habitabilité
Confort de roulement
Insonorisation améliorée
On aime moins
Prix en hausse
Rouage intégral optionnel
Agrément de conduite (très) moyen
Notre verdict
Le succès rend parfois frileux.
Fiche technique
Moteur
- L4 DACT 1,5 L turbocompressé
- 190 ch à 6000 tr/min
- 179 lb-pi de couple entre 1700 et 5000 tr/min
Performances
- Poids : 1583 kg (LX Traction) / 1635 kg (LX AWD)
- Accélération 0-100 km/h : 8,7 s
- Capacité de remorquage : 680 kg
Boîte de vitesses
- De série : automatique à variation continue (CVT)
- Optionnelle : aucune
- Mode d’entraînement : traction ou rouage intégral
Pneus
- 235/65R17 (LX)
- 235/60R18 (Sport et EX-L)
Capacité du réservoir, essence recommandée
- 53 L
- Ordinaire
Dimensions
Empattement : 2700 mm ; longueur : 4695 mm ; hauteur : 1680 mm1 ; largeur : 1940 mm2
1 AWD : 1690 mm 2 Rétroviseurs extérieurs inclus
Réclamer avec insistance
Depuis le temps que vous la réclamiez, la voilà : la déclinaison hybride du CR-V. Voilà pour les fleurs. Le pot, maintenant. Celle-ci est offerte à partir de 48 890 $ (seule la livrée la plus luxueuse y a droit) et fait appel à une mécanique hybride classique (lire sans fil). Cette dernière peut difficilement rivaliser avec la concurrence qui propose, dans la même fourchette de prix, des motorisations plus efficaces (et rechargeables de surcroît) en mesure de parcourir jusqu’à 60 km en mode tout électrique.
La bonne recette
À ses débuts en 1995, on ne parlait guère de VUS. Le CR-V, pour Comfortable Runabout Vehicle, a pourtant mis peu de temps à s’imposer en raison de sa polyvalence et de sa position de conduite surélevée rassurante. Aujourd’hui, le CR-V est le modèle le plus vendu de la marque japonaise dans le monde, ce qui explique en partie la frilosité de ses concepteurs à le faire évoluer de façon spectaculaire.
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