Au terme d’une longue éclipse, l’Integra revient. Pour le meilleur et pour le pire.

Le nom, c’est l’émotion !

Depuis plus de 20 ans, on croyait l’Integra installée dans son rôle de voiture passée à la postérité. Erreur. L’Integra (le nom, à tout le moins) est un bel exemple de ce que l’on appelle le marketing générationnel. Pour jouer sur le registre émotionnel, cette Integra du XXIe siècle évite pourtant la reconstitution historique servile comme l’exotisme superficiel et gratuit. Ses disciples – nombreux – lui pardonneront-ils de ne pas avoir eu un œil dans le rétroviseur ?

Variation moderniste sur un thème trentenaire, l’Integra répond pourtant à une attente, comme en témoigne la frénésie – chez les adeptes du genre essentiellement – qui entoure son lancement en Amérique du Nord. Cette création, qui doit plus aux services de marketing qu’aux ingénieurs des bureaux d’étude, cultive la propension des jeunes générations à fort pouvoir d’achat à verser dans la nostalgie et l’autocélébration.

Il serait sans doute injuste de s’en tenir à ce froid constat, car l’Integra est l’un des noms (ou modèles, c’est selon) qui apportent le plus d’émotion dans le monde automobile actuel. Elle fait réagir. Et c’est exactement ce que veut son constructeur. Compréhensible, au temps de sa gloire (passée), l’Integra s’est écoulée à plus de 1 million d’exemplaires.

Au-delà de la tradition

Rarement une marque a mis en scène sa propre légende avec si peu de soin. Rien ne rappelle le modèle d’antan, à part le nom, timidement incrusté dans les pare-chocs. Comme si le fait de ranimer la flamme du souvenir exerçait une forme de méfiance de la part de la direction d’Acura. Cette dernière a été refroidie, il faut bien l’écrire, par l’accueil plutôt tiède des amateurs à l’égard de la version conceptuelle. Depuis, le constructeur nippon s’attache à délimiter le périmètre de la nostalgie. Cette mouture, en d’autres termes, n’entend pas procéder à une reconstitution historique. Si la nouvelle Integra ne respecte pas les apparences de son ancêtre, c’est pour mieux s’affranchir du poids de la tradition.

  • Rien ne rappelle le modèle d’antan, à part le nom, timidement incrusté dans les pare-chocs.

    PHOTO FOURNIE PAR ACURA

    Rien ne rappelle le modèle d’antan, à part le nom, timidement incrusté dans les pare-chocs.

  • À l’avant, on s’y sent naturellement mieux et en pays de connaissance. Le mobilier est, hormis une qualité des matériaux plus relevée, identique à celui d’une Civic Si...

    PHOTO FOURNIE PAR ACURA

    À l’avant, on s’y sent naturellement mieux et en pays de connaissance. Le mobilier est, hormis une qualité des matériaux plus relevée, identique à celui d’une Civic Si...

  • Le dégagement pour la tête est compté en raison de l’arc incurvé du pavillon.

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    Le dégagement pour la tête est compté en raison de l’arc incurvé du pavillon.

  • Acura prétend que l’Integra est la plus logeable de sa catégorie pour ce qui est de l’espace pour les jambes à l’arrière et du coffre.

    PHOTO FOURNIE PAR ACURA

    Acura prétend que l’Integra est la plus logeable de sa catégorie pour ce qui est de l’espace pour les jambes à l’arrière et du coffre.

  • Pour l’heure, on dénombre quatre versions de ce modèle, dont une seule retient les services d’une boîte manuelle. La plus chère.

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    Pour l’heure, on dénombre quatre versions de ce modèle, dont une seule retient les services d’une boîte manuelle. La plus chère.

  • Plus lourde et occupant plus d’espace sur la route qu’une Si, l’Integra filtre pauvrement les bruits de la route et de ses pneus.

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    Plus lourde et occupant plus d’espace sur la route qu’une Si, l’Integra filtre pauvrement les bruits de la route et de ses pneus.

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« Voiture émotionnelle », la nouvelle Integra n’est pas aussi chaleureuse qu’on le souhaiterait. Sa tenue de route est irréprochable, on ne saurait en dire autant de son aînée, mais les sensations de conduite que l’on éprouve à son volant sont, somme toute, très classiques. Peut-être devons-nous attendre la confirmation d’une Type S, une déclinaison plus explosive, dont on murmure sous le ton de la confidence la sortie dans quelques mois ?

Pour l’heure, on dénombre quatre versions de ce modèle, dont une seule retient les services d’une boîte manuelle. La plus chère. Si la direction d’Acura avait pour objectif de mécontenter les disciples de ce modèle, elle ne s’y serait pas prise autrement. En apparence maladroite, cette stratégie correspond – la mémoire est une faculté qui oublie, vous savez – à l’époque des premières Integra. Tout le monde fantasmait sur les GS-R ou encore les Type R, mais ce sont les sages LS, GS et RS qui réalisaient l’essentiel des ventes.

Signe des temps, les livrées les plus accessibles financièrement retiennent les services d’une boîte automatique à variation continue (CVT). Un « luxe » que n’offre pas la Civic Si avec qui l’Integra a beaucoup en commun.

Par conséquent, si vous souhaitez bénéficier des performances dynamiques d’une Civic Si, mais préférez danser sur deux pédales plutôt que trois, l’Integra de base (34 350 $) représente une très bonne affaire. En contrepartie, si les « embraye-débraye » en pleine heure de pointe représentent pour vous un moment de détente plutôt que de tension, la Si est l’occasion à saisir.

Même si l’Acura comporte certains avantages (garantie plus généreuse, suspension plus prévenante et habillage intérieur plus soigné), on peine à trouver la justification à débourser quelque 10 000 $ de plus pour l’acquérir, pour peu que la performance pure se trouve au cœur de vos préoccupations.

Plus lourde et occupant plus d’espace sur la route qu’une Si, l’Integra filtre pauvrement les bruits de la route et de ses pneus. Ces derniers, au demeurant, sont d’une efficacité très moyenne et Acura aurait, pour ses versions haut de gamme, pu investir plus de ressources (lire $) dans des pneumatiques plus adhérents et aussi moins sonores. Certains répliqueront qu’il suffit d’augmenter le volume de la chaîne stéréo qui, sur le modèle essayé, bénéficiait de 16 haut-parleurs. À ce sujet, saluons la dotation élevée de caractéristiques de série, mais regrettons aussi au passage cette choquante décision d’imposer un supplément (550 $) sur chaque teinte extérieure à l’exception d’« argent lunaire métallique ». C’est dit !

Acura prétend que l’Integra est la plus logeable de sa catégorie pour ce qui est de l’espace pour les jambes à l’arrière et du coffre. Bien vu, mais l’ennui est que le dégagement pour la tête est compté en raison de l’arc incurvé du pavillon. Ce dernier rend également plus problématiques l’entrée et la sortie. À l’avant, on s’y sent naturellement mieux et en pays de connaissance. Le mobilier est, hormis une qualité des matériaux plus relevée, identique à celui d’une Civic Si...

Une question d’efficacité

L’attrait suscité par l’Integra de « l’ancien temps » résidait dans ses performances enjouées et dans la sensation de maîtrise qu’elle procurait. En digne héritière, la nouvelle promet de faire mieux encore.

Le groupe motopropulseur de l’Acura est en tout point identique à celui de la Si, mais le châssis (cela comprend les éléments suspenseurs) a fait l’objet de certaines transformations. Contrairement à la mécanique qui l’animait autrefois, l’Integra d’aujourd’hui apparaît tellement plus ronde, efficace et réactive. Et surtout plus agréable à exploiter dans des conditions routières réelles alors que, dans les moutures précédentes, le moteur exigeait de tourner à des régimes de rotation élevés pour que les chevaux-vapeur consentent à galoper à la vitesse grand V. À ce plaisir s’ajoute la boîte manuelle. Un régal. Précise, remarquablement étagée et en prime dotée d’un embrayage facile à moduler.

Cela dit, si le tandem moteur/boîte manuelle fait de belles étincelles, le comportement routier est nettement plus efficace. Quoique fermes, les suspensions se révèlent suffisamment prévenantes et n’entraînent plus comme auparavant des écarts de trajectoire importants, surtout dans les virages bosselés. Le train avant de l’Integra est solide et incisif alors que celui de son ancêtre était souvent victime de pertes de motricité. La direction rapide taille les courbes avec précision et procure le sentiment d’avoir la mécanique parfaitement en main. Un reproche toutefois, le rayon de braquage est étonnamment grand pour une aussi petite voiture. Et si l’Integra vous porte à croire que vous pourriez vous mesurer à Max Verstappen, le système de freinage a heureusement la puissance voulue pour modérer vos pointes d’audace.

« Les disparus embellissent dans le souvenir », écrivait Saint-Exupéry. Après avoir conduit la nouvelle, on s’interroge.

Consultez le site d’Acura Canada

Acura Integra

Fourchette de prix

De 34 350 $ à 42 550 $

Modèle à l’essai

Elite A-Spec

Consommation

8,6 L/100 km

On aime

Boîte manuelle soyeuse
Moteur progressif
Châssis équilibré

On aime moins

Nomenclature de la gamme
Niveau sonore élevé
Places arrière étriquées

Notre verdict

Vous aimez la boîte manuelle ? Offrez-vous plutôt une Honda Civic Si.

Fiche technique

PHOTO FOURNIE PAR ACURA

Acura Integra

Moteur

  • L4 DACT 1,5 L turbocompressé
  • Puissance : 200 ch à 6000 tr/min
  • Couple : 192 lb-pi entre 1800 et 5000 tr/min

Performances

  • Poids : 1415 kg
  • Rapport poids/puissance : 7,07 kg/ch
  • Accélération (0-100 km/h) : 7,3 s

Boîtes de vitesses

  • De série : manuelle à 6 rapports (Elite A-Spec)
  • Optionnelle : automatique à variation continue (CVT)
  • Mode d’entraînement : traction

Pneus

  • 215/50R17

Capacité du réservoir et essence recommandée

  • 46 L
  • Super

Dimensions

  • Empattement : 2736 mm
  • Longueur : 4735 mm
  • Hauteur : 1410 mm
  • Largeur : 1829 mm (rétroviseurs extérieurs exclus)

Jugement sans appel

PHOTO FOURNIE PAR ACURA

L’étude conceptuelle de l’Acura Integra

Chez Acura, toute l’attention est dirigée vers le retour de l’Integra au sein de la formation partante. Disons-le brutalement et sans préambule : l’affaire semble assez mal engagée pour ce modèle au nom mythique. Appelée à succéder à l’ILX, l’Integra avait, dans sa forme conceptuelle, été tièdement accueillie par les enthousiastes. Trop banale, pas assez affûtée aux yeux de ses détracteurs, la future Integra illustrait parfaitement la perte de substance de la marque. Jean-Marc Leclerc, président et chef de la direction de Honda Canada, est bien au fait des réactions et se porte naturellement à sa défense. Il avait estimé au cours d’une entrevue avec La Presse que « ce modèle mérite qu’on lui accorde la chance de se faire valoir ».

« Je me souviens »

PHOTO FOURNIE PAR HONDA

Acura Integra 1996

Les premières Integra s’habillaient de carrosseries à trois et à quatre portières. Mais c’est le coupé à hayon qui a su marquer les esprits. Surtout dans ses déclinaisons GS-R et Type R. Un coupé sportif amusant à conduire et relativement accessible. Peu de gens se souviennent des autocollants à la peau fragile sur lesquels glissaient les curseurs pour régler la température de l’habitacle. De la rouille qui mitraillait ses ailes arrière ou encore des fréquentes pertes de motricité du train avant sur chaussée humide. On a plutôt conservé le souvenir de son catalogue gorgé d’accessoires (mécaniques et aérodynamiques) et de l’émotion qu’elle procurait.

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La Presse publiera prochainement l’essai des véhicules suivants : Audi RS6, Genesis G80, Honda HR-V, Land Rover Defender, Subaru Solterra et Toyota Tundra. Si vous possédez l’un de ces véhicules ou en attendez la livraison, nous aimerions bien vous lire.

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