« J’ai les goûts les plus simples du monde, je me contente du meilleur. » C’est la citation d’Oscar Wilde, un peu pompeuse, mais à propos, qui coiffe un court mot du fondateur d’Alpina, Burkard Bovensiepen, sur son site internet. Collaboratrice de longue date de BMW, l’entreprise allemande œuvre dans la haute couture automobile. Elle modifie à la main certains modèles du constructeur, produisant à peine 1700 exemplaires par année. Nous avons pris le volant de sa dernière création, l’Alpina B8, pour bien saisir ce travail d’orfèvre.

Le design

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Les jantes de cette BMW Alpina B8, constituées de multiples rayons fins, captent inévitablement l’attention.

Alpina tient en vie une tradition européenne vieille de près d’un siècle. S’inspirant des grands carrossiers qui ont construit l’imaginaire automobile, elle prend comme canevas des modèles BMW existants et laisse aller sa magie. Certes, dans le cas de cette B8, l’exercice nécessite une attention soutenue pour déceler les différences avec la M850i Gran Coupé de série. Le somptueux vert sombre métallique qui drape la robe de la voiture d’essai est un indice, tout comme la présence des lettres Alpina en caractère gras sur le becquet avant et le couvercle du coffre arrière. Les jantes, constituées de multiples rayons fins, captent inévitablement l’attention. Le bouclier avant a de plus été resculpté pour augmenter l’apport en air et favoriser le refroidissement de la mécanique plus ardente. C’est fait avec doigté et goût tout en préservant la gracieuse silhouette de cette berline-coupé qui constitue sans doute en elle-même le travail le plus abouti et ambitieux visuellement que propose BMW à l’heure actuelle.

À bord

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE INTERNET DE BMW CANADA

L’habitacle de la BMW Alpina B8

Première constatation alors que l’on s’assoit dans l’habitacle : cette B8 ne fait pas le meilleur usage qui soit de l’espace intérieur. Malgré sa longueur qui dépasse les 5 m, ses deux places arrière sont comparables à celles d’une Série 3 avec moins de dégagement pour la tête. À l’avant, c’est toutefois très spacieux et particulièrement agréable pour les personnes de grande taille en raison du grand dégagement pour les jambes. L’habitabilité générale cède néanmoins le pas à l’exercice de style, qui est aussi bonifié par les artisans d’Alpina. Le volant expose le logo du petit manufacturier, tout comme le petit pommeau du bras de vitesses, constitué d’une pièce de cristal. Du reste, c’est du BMW pur jus, avec l’usage de formes polygonales pour sertir la planche de bord. Les cuirs tapissant les diverses surfaces sont d’une qualité irréprochable et l’assemblage sans plis apparents ne laisse aucun doute sur le polissage du produit. L’ergonomie du combiné de commandes physiques est sans faille, ce qui est en voie de disparition chez les rivales.

Sous le capot

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Le V8 biturbo de 4,4 L a été modifié par Alpina pour produire 612 ch.

En comparant la fiche technique de la BMW M8 à celle de l’Alpina B8, on serait tenté d’affirmer qu’elles se partagent la même mécanique. Or, il n’en est rien. L’Alpina B8 doit sa force de frappe au V8 biturbo de 4,4 L codé N63, le cœur de la M850i. Il a été révisé en profondeur dans les ateliers d’Alpina pour en extirper 612 ch produits sans interruption de 5500 à 6500 tr/min, un gain de 89 ch. C’est l’évidence même, l’éloquence de cette motorisation s’exprime par son extraordinaire poussée doublée d’une grande délicatesse dans ses manières. Sa discrétion cède le pas à une trame sonore de baryton lorsque les clapets du système d’échappement Alpina s’ouvrent. La musique est harmonieuse en l’absence de superposition synthétisée et l’intensité est bien dosée. La boîte ZF brille quant à elle toujours avec éclat, mais on laisse triller ses huit rapports par elle-même en raison de touches peu agréables à manier derrière le volant.

Derrière le volant

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Le rouage intégral xDrive assure un niveau de motricité exceptionnel et permet de faire pivoter ses 2,2 tonnes avec une aisance naturelle de véhicule à propulsion.

BMW Canada a eu l’audace de nous prêter cette Alpina B8 en plein hiver québécois. On pourrait sans doute juger le contexte comme étant largement défavorable pour une berline sportive de ce statut. Certes, un nid-de-poule aura eu raison d’un pneu au flanc – trop – mince durant la semaine d’essai, mais cette B8 a excellé dans des conditions très difficiles. Son rouage intégral xDrive assure un niveau de motricité exceptionnel et permet de faire pivoter ses 2,2 tonnes avec une aisance naturelle de véhicule à propulsion. La direction arrière, un élément largement utilisé chez les rivales de son segment, en est aussi en partie responsable. Hélas, on ne se sent pas toujours impliqué dans l’exercice, la direction ayant un toucher exempt de tout élément communicatif au nom d’une forme de raffinement. La duveté du roulement est toutefois une grande force de la B8, la rendant beaucoup plus civilisée que les créations préparées par la division M de BMW.

Les technologies embarquées

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Le bloc d’instrumentation numérique de la BMW Alpina B8

L’Alpina B8 hérite de la version la plus aboutie du système iDrive. On parcourt encore et toujours les menus au moyen d’une molette rotative dont la partie centrale est faite de cristal, le faste de l’objet l’obligeant. Des touches lisses le bordent pour assurer l’accès à diverses fonctionnalités. L’intuitivité de la navigation est sans doute le point fort de ce système. Il n’offre toutefois pas une présentation autant grandiose que chez Mercedes-Benz. L’écran tactile est appuyé par un second écran d’instrumentation qui a été visuellement adapté pour Alpina en montrant le logo du constructeur au centre. La sonorité qui émane de la chaîne Bowers & Wilkins optionnelle a en outre la profondeur nécessaire pour donner vie à tous les genres musicaux. Sur le plan de la sécurité, la clientèle n’a pas droit de série à tous les appuis de conduite actifs, malgré sa facture très élevée.

Le verdict

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Alpina a réussi, par une série de modifications, à cultiver une individualité à cette B8.

Avec une note frôlant les 160 000 $, plusieurs pourraient juger l’Alpina B8 outrancière. Elle ne cherche pas à gagner les cœurs d’une large clientèle. Il faut ainsi analyser ce produit un peu à la manière d’une montre de grand prix dont le raffinement s’apprécie par la précision de son mécanisme et sa beauté intrinsèque. Alpina a réussi, par une série de modifications, à cultiver une individualité à cette B8. Bien adaptée à une utilisation journalière au Québec, elle étale parallèlement une polyvalence indéniable assurant son utilisation annuelle. Sa très grande stabilité sur route enneigée en témoigne, appuyée par son roulement confortable empreint de finesse. Il y a néanmoins un aspect excessif et anachronique à l’usage d’un V8 biturbo en période de prise de conscience environnementale et inflationniste, malgré le brio de sa préparation et sa gourmandise acceptable. En somme, ces traditions automobiles artisanales demeurent nécessaires et captivantes, mais gagneraient sans doute à se moderniser.

Carnet de notes

Des performances qui décoiffent

Grâce à sa cavalerie fort fournie, l’Alpina B8 peut dégainer le 0-100 km/h en 3,4 s et atteindre une pointe de 323 km/h, selon BMW.

Un prix pour faire le pont

Avec une facture de 159 900 $, l’Alpina B8 cherche à faire le pont entre les marques de luxe et de grand luxe. C’est tout de même 42 000 $ de plus qu’une M850i, qui n’est pas elle-même considérée comme une aubaine. Un choix donc éminemment personnel, guidé par la rareté et le positionnement de la proposition axée sur le raffinement.

Des sièges extrêmement confortables

Le positionnement de cette voiture berline de grand tourisme valorise évidemment les longs trajets autoroutiers. Grâce à ses sièges magnifiquement bien sculptés à longues assises et réglables à souhait, elle enfile naturellement les kilomètres.

Une finition digne du prix

Le véhicule d’essai n’exposait aucun craquement ou bruit suspect, malgré ses 12 000 km bien comptés conduits dans des contextes tout sauf faciles. Une démonstration qui expose le haut niveau de finition.

Un constructeur à part entière

Alpina était considéré jusqu’à la semaine dernière comme un constructeur à part entière depuis sa naissance en 1965. L’entreprise familiale de taille modeste, qui modifie entre 1200 et 1700 véhicules par année, a été achetée par BMW et continuera d’opérer dans ses ateliers de Buchloe jusqu’en 2025.

Fiche technique

  • Modèle à l’essai : BMW Alpina B8
  • Moteur : V8 DACT 4,4 L biturbo
  • Puissance : 612 ch de 5500 à 6500 tr/min
  • Couple : 590 lb-pi de 2000 à 5000 tr/min
  • Transmission : Automatique à huit rapports avec mode manuel
  • Architecture motrice : Moteur longitudinal avant, transmission intégrale
  • Consommation (mesurée) : 11 L/100 km (octane 91)
  • Prix (avec options, transport et préparation) : 179 130 $
  • Concurrents : Audi RS7, Mercedes-AMG GT et Porsche Panamera
  • Du nouveau en 2022 ? : Nouveau modèle (Alpina B8)
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