C’était il y a six ans et demi. Bentley dévoilait au Salon de l’auto de Francfort son tout premier VUS, donnant naissance à une nouvelle race de véhicules haut perchés couverts d’un vernis supplémentaire de luxe. Le Bentayga est immédiatement devenu une figure controversée, plusieurs craignant le début de l’érosion d’une institution anglaise. Nous avons pris le volant de ce VUS récemment retouché pour mieux saisir ce concept qui déborde de la normalité par son opulence, sans toutefois déboussoler.

Le design

PHOTO FOURNIE PAR BENTLEY

Les ailes arrière amplifient la carrure au moyen d’une ligne ascendante qui s’intègre aux portières.

Le Bentayga prend pour base une plateforme modulaire partagée entre autres avec les Audi Q7 et Lamborghini Urus. Cela induit inévitablement des limites sur l’élan artistique de ses créateurs avec ces fameux hard points, des balises techniques indéplaçables, qui donnent un coup d’œil un peu curieux en angle trois quarts avant avec le museau un peu court. Les phares circulaires avant s’assurent d’insuffler l’identité Bentley au VUS, complétés par une grande calandre rectangulaire tressée. Le plan latéral expose une attention certaine au relief, surtout au niveau des ailes arrière qui amplifient la carrure au moyen d’une ligne ascendante qui s’intègre aux portières. La partie arrière met quant à elle l’accent sur les formes ovales des feux, un ornement directement inspiré de la Continental GT complété par les pots d’échappement aussi ovales de la livrée Speed mise à l’essai. Est-ce aussi mémorable que les voitures de la marque ? Sans doute pas, en raison de la complexité de draper un VUS d’un design évocateur. Mais l’ADN est perceptible.

À bord

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L’habitacle du Bentley Bentayga Speed adaptable aux désirs de la clientèle. Ici, on emploie la fibre de carbone et de l’Alcantara pour un rendu plus moderne et sportif.

Elle est très loin, l’époque où le VUS était foncièrement un outil pour emprunter des routes peu carrossables. Le Bentayga le rappelle dans son traitement très sophistiqué et posé du luxe. Encore là, on décèle des partages de composants avec Audi plus notables que dans la grande berline Flying Spur. Cependant, la richesse et la finesse des cuirs aromatiques s’agençant magnifiquement bien avec l’aluminium machiné nous font oublier ces détails futiles. Les agencements possibles, qui peuvent inclure de somptueuses boiseries de diverses essences, sont innombrables. À l’accueil, notre œil est attiré par la magnifique pièce centrale ailée faisant office à la fois d’écrin ouvert pour l’horloge et de buse de ventilation. Le volume de l’habitacle est indéniable, permettant d’asseoir quatre adultes de grande taille, ce qui est permis grâce à l’empattement qui frise le 3 m de longueur. Le coffre arrière n’est cependant guère impressionnant, avec ses 484 L de capacité, soit 85 L de moins qu’une… Mazda3 Sport.

Sous le capot

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Le W12 de 6 L biturbo du Bentayaga est utilisé par Bentley depuis 2003.

Inscrit sobrement sur le bas des portières avant en police fine et italique, le terme « Speed » (vitesse) expose le rang privilégié dont jouit l’exemplaire essayé. Pour assurer la volonté de vélocité, un cœur à la fois exotique et connu bat selon un ordre d’allumage à 12 chiffres. C’est un W12, dont l’aspect ramassé est assuré par le mariage de deux V6 d’un angle d’à peine 15 degrés et dotés chacun d’une seule culasse. Deux turbocompresseurs augmentent l’apport d’air pour pousser la puissance maximale à 626 ch et le couple à 664 lb-pi. Certes, la composition est techniquement très complexe, mais jamais on n’en décèle l’aspect ardu de son développement derrière le volant. Ce moteur est d’une onctuosité fascinante, pouvant dégainer sans prévenir tout en tamisant admirablement bien cette puissance, lorsqu’il le faut. Cela émousse sans doute l’aspect sensoriel de la chose, mais il y a une expertise là-dedans qui inspire l’admiration.

Derrière le volant

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La suspension pneumatique est dotée de barres antiroulis réglables pour contrer les effets des 2,5 tonnes placées haut.

La position de conduite est évidemment haute, corollaire au statut d’exception du véhicule. Mais cela ne guide heureusement pas l’expérience de conduite. Ce Bentayga donne une leçon d’adresse à tous ces VUS de performance inutilement fermes pour cultiver un quelconque semblant générique de sportivité. Il y a du flegme anglais dans la légèreté lorsqu’on l’oriente. De la direction au levier de vitesses en passant par l’actionnement des pédales, on perçoit un désir d’isolement des tracas extérieurs. On doit cela en grande partie à la suspension pneumatique dotée de barres antiroulis réglables pour contrer les effets des 2,5 tonnes placées haut. Vous l’aurez donc compris : le plaisir ne se cultive pas ici en faisant corps avec la machine, mais plutôt dans la manière dont elle se complaît à satisfaire les désirs d’opulence du conducteur. Le tout se marie admirablement bien avec la boîte automatique ZF (8 rapports) et le W12 dont l’assurance n’a d’égale que la forte poussée fournie, traduite par un cabrement notable du VUS.

Les technologies embarquées

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Le système d’infodivertissement du Bentley Bentayga est basé sur la dernière génération du MMI d’Audi.

Quiconque a passé du temps à bord d’une Audi de dernière cuvée se sentira très à l’aise dans les diverses manipulations à faire pour naviguer dans le système d’infodivertissement du Bentayga. Ayant récemment fait l’objet d’une refonte technologique totale, il s’assure de rendre le tout intelligible avec une disposition simple et adaptée à Bentley dans sa présentation. On aime grandement la présence de touches tangibles, qui auraient toutefois pu être métallisées pour cultiver l’image d’orfèvre de la marque et justifier encore plus la facture de l’objet. L’instrumentation numérique complète le tout avec une lisibilité irréprochable, un qualificatif que l’on peut également apposer à la sonorité de la chaîne Naim de 1780 W. L’option de 10 855 $ nous plonge dans des tonalités précises et pures, tout en assurant l’immense puissance, essentielle au caractère immersif.

Le verdict

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On ne peut affirmer qu’il y a entièrement l’aura extraordinaire des Flying Spur et Continental GT dans cette réalisation, mais Bentley arrive justement à canaliser son identité dans un format différent et nécessaire pour assurer sa rentabilité.

Le fait de créer un VUS induit inévitablement des concessions, dont les amateurs du registre n’ont qu’à faire. Le poids, le centre de gravité élevé et la disposition des divers composants rendent l’exercice plus complexe pour quiconque tente de produire une œuvre qui déborde de l’ordinaire. Force est d’admettre que ce Bentayga réussit à nous imprégner du faste attendu dans une formule plus haut perchée. Certes, on ne peut affirmer qu’il y a entièrement l’aura extraordinaire des Flying Spur et Continental GT dans cette réalisation, mais Bentley arrive justement à canaliser son identité dans un format différent et nécessaire pour assurer sa rentabilité. Il y a évidemment l’aspect excessif de la chose qu’on ne peut taire ; il est difficile de justifier dans le contexte actuel l’achat d’un douze-cylindres trimballant une masse aussi imposante. Pour ça, il faudra attendre que Bentley fasse sa transition électrique, prévue pour être achevée d’ici la fin de la décennie.

Carnet de notes

De loin le modèle le plus populaire

À son bilan de 2021, Bentley a précisé que 40 % des 14 659 ventes comptabilisées revenaient au Bentayga. C’est la cinquième année consécutive que le modèle trône au sommet des ventes de la marque anglaise.

Des performances dignes de sportives

D’après les données de Bentley, le Bentayga peut abattre le 0-100 km/h en 3,9 s et plafonnera seulement à 306 km/h.

Des freins dignes d’un semi-remorque

Le Bentayga peut être équipé de disques carbone-céramique d’un diamètre de 17 po et doté de 10 pistons (!) pour freiner son poids énorme à haute vitesse.

Une consommation bien évidente

Malgré la désactivation de la cylindrée, le W12 consomme beaucoup. Au cours de l’essai, la moyenne affichait 14,7 L/100 km, dans un contexte quasi parfait composé essentiellement de voies rapides. Heureusement, une version hybride rechargeable de 443 ch est au menu, mais ne peut théoriquement parcourir que 29 km en mode électrique.

Fort compétent pour remorquer

L’un des grands avantages du Bentayga comparativement aux autres modèles de la gamme Bentley, c’est sa capacité de remorquage chiffrée à 3500 kg, ce qui est tout de même environ 1000 kg de plus qu’un Ford Explorer.

Fiche technique

  • Modèle à l’essai : Bentley Bentayga Speed
  • Moteur : W12 DACT 6 L biturbo
  • Puissance : 626 ch de 5000 à 5750 tr/min
  • Couple : 664 lb-pi de 1500 à 5000 tr/min
  • Transmission : automatique à huit rapports
  • Architecture motrice : moteur longitudinal avant, rouage intégral
  • Consommation (ÉnerGuide) : 16,3 L/100 km (essence super)
  • Prix (avec options) : 368 300 $ (prix de départ de 308 300 $)
  • Concurrents : Aston Martin DBX, Lamborghini Urus et Mercedes-Maybach GLS
  • Du nouveau en 2022 ? : aucun changement majeur
Consultez le site de Bentley (en anglais)