S’installer à bord de cette camionnette s’inscrit à l’exact opposé de l’expérience de conduite trop neutre que propose la (trop) grande majorité des voitures modernes.

Après tant de modèles neutres, voire neurasthéniques, qui défilent dans ces pages, on commençait à redouter que l’industrie ne soit définitivement gagnée par la monotonie. Heureusement, il y a le Frontier, troisième du nom. Une camionnette qui, sous le vernis, ne craint pas d’afficher ses particularités, ses aspérités. Et même ses défauts.

Et si la perfection était ennuyeuse ? Et si l’automobile se nivelait par le haut, avec des véhicules à ce point dépourvus de défauts qu’ils finissent par perdre toute saveur ?

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S’installer à bord de cette camionnette s’inscrit à l’exact opposé de l’expérience de conduite trop neutre que propose la (trop) grande majorité des voitures modernes.

C’est le point de vue exprimé par le philosophe et essayiste américain Mattew Crawford dans son dernier bouquin, Why We Drive (Pourquoi conduisons-nous).

Les véhicules modernes très ennuyeux à conduire. Tout est fait pour nous isoler de la route ».

Extrait de Why We Drive, de Mattew Crawford

Il a parfaitement raison, mais il existe, par chance, des exceptions.

Pas ennuyeux du tout

Le Frontier en est une. Agréable et excitant d’en prendre le volant ? Non, mais cette camionnette se charge de nous ramener à l’époque imparfaite, il est vrai, où la vigilance et le sens de l’anticipation de l’automobiliste étaient mis à profit.

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Le Frontier compte sur « d’indispensables » aides à la conduite comme les capteurs d’angle mort et l’ensemble des éléments qui composent le « bouclier 360 » de Nissan.

Bien entendu, le Frontier compte sur « d’indispensables » aides à la conduite comme les capteurs d’angle mort et l’ensemble des éléments qui composent le « bouclier 360 » de Nissan. Qu’à cela ne tienne, le Frontier demeure un dur. La fermeté de sa direction, dans les enchaînements à basse et à moyenne vitesse, veille à nous le rappeler.

Tout comme sa capacité de remorquage, rehaussée, qui lui permet de se détacher des jeunes pousses (Hyundai Santa Cruz, Ford Maverick) et de rivaliser plus adéquatement avec ses concurrents naturels (voir écran 4).

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Nissan a placé un ramassis d’interrupteurs dans la partie obscure du tableau de bord qui oblige à quitter la route des yeux.

On n’en attendait pas moins d’un véhicule dont la dernière refonte remonte à plus de 15 ans… Le Frontier nouveau fait mieux que son prédécesseur (le contraire aurait été navrant), mais roule un peu à contresens de la circulation.

Meilleur que le précédent ? Bien sûr

Prenez son moteur, par exemple. D’une cylindrée de 3,8 L, il a fait l’objet d’une réingénierie complète, mais se trouve toujours privé du plus élémentaire dispositif de coupure automatique à l’arrêt. Pourtant, plus de 90 % de ses composants portent le sceau de la nouveauté.

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D’une cylindrée de 3,8 L, son moteur a fait l’objet d’une réingénierie complète, mais se trouve toujours privé du plus élémentaire dispositif de coupure automatique à l’arrêt.

Qu’il soit le plus puissant de sa catégorie ne veut rien dire. Dans le segment où le Frontier évolue, la force de couple fait foi de tout. Pour s’en convaincre, juste à consulter la fiche technique du Ford Ranger. Celui-ci, avec un quatre-cylindres suralimenté, produit plus de couple (310 lb-pi) et autorise une charge de remorquage plus élevée. Et, tout aussi important, il ingurgite près de 2 L/100 km de moins que le Nissan.

Le Nissan Frontier 2022 en bref

Fourchette de prix : de 39 998 $ à 49 498 $
Visible dans les concessions : maintenantOn aime

Présentation moderne (style)
Réelles aptitudes pour le remorquage
Solutions éprouvées

On aime moins

Places arrière étriquées
Direction qui exige du muscle
Certaines fonctionnalités remontent à une autre époque

Notre verdict

Authentique, mais suranné

Dès lors, et pour ces raisons, on pourrait reprocher à Nissan de manquer d’audace. Et le constructeur japonais pourrait de son côté s’en excuser en invoquant ses récents ennuis financiers, le coût de la transition énergétique, et quoi encore. Nissan préfère arguer que ce V6 consomme moins qu’autrefois tout en demeurant robuste et fiable. Des critères qui séduiront assurément les adeptes de ce modèle.

Dans l’état actuel des choses, ce V6 de 3,8 L offre donc un rendement largement satisfaisant pour mettre à mal la motricité du Frontier lorsque sa benne est vide, ou encore pour étourdir la boîte de vitesses. Il arrive parfois à celle-ci de ne plus savoir à quel rapport (elle en compte maintenant neuf, soit quatre de plus qu’avant) se vouer face aux dénivellations et aux sinuosités qui caractérisent nos routes.

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Le Frontier nouveau fait mieux que son prédécesseur (le contraire aurait été navrant), mais roule un peu à contresens de la circulation.

Adapté aux réalités du marché nord-américain — la précédente génération dérivait plus étroitement du Nissan Navara commercialisé sous d’autres latitudes —, le Frontier se démarque de son prédécesseur pour la qualité de son insonorisation et de ses éléments suspenseurs.

Ceux-ci adoucissent les irrégularités de la chaussée et limitent les « coups de raquette » ressentis au passage des déformations. Il y a mieux (Honda Ridgeline), mais pire (Toyota Tacoma).

Obéir à sa vocation

Le plaisir de conduire est sans doute inexistant au sens propre, mais certains consommateurs adoreront se cogner les épaules contre ses portières, se faire torturer (juste un peu) les vertèbres au passage des saignées. Amateurs ou curieux découvriront, après quelques kilomètres, le plaisir de l’authenticité.

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Amateurs ou curieux découvriront, après quelques kilomètres, le plaisir de l’authenticité.

Nissan étant soucieux de faciliter le processus d’achat, tous les Frontier vendus au pays comportent un mode d’entraînement à quatre roues motrices auquel se marie une boîte de transfert. Cela dit, l’utilisateur a toujours le privilège de limiter aux seules roues arrière le soin de le mouvoir. À noter que la version PRO-4X bénéficie en exclusivité d’un différentiel à blocage électronique, d’amortisseurs Bilstein calibrés spécialement pour la conduite hors route et de plaques de protection pour préserver les organes vitaux du véhicule.

Dans la même veine, le Frontier enduit son plateau d’une doublure de caisse vaporisée à l’usine. Celle-ci comporte dans ses longerons supérieurs un système de rails pour river solidement le contenu de la benne qui, la nuit venue, s’éclaire pour peu que l’on ait coché l’option correspondante.

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La benne comporte dans ses longerons supérieurs un système de rails pour river solidement le contenu de la benne.

Quant à la capacité de remorquage, le Frontier fait preuve d’une rassurante stabilité, comme nous avons été à même de le constater en arrimant dans son dos une roulotte. La présence d’un dispositif qui applique imperceptiblement les freins dissuade le Frontier de faire valser son train arrière et la charge qu’il tracte.

Sous le vernis

Au premier regard, le Frontier ne manque pas de panache. À l’extérieur comme à l’intérieur. En regardant de plus près, le vernis craque. La colonne de direction refuse ostensiblement de s’étirer le cou. Elle accepte de le plier, cependant. Le frein d’urgence s’actionne toujours avec le pied et la cabine (ordinaire ou allongée) offre des dossiers arrière inconfortables pour de longues randonnées.

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La cabine (ordinaire ou allongée) offre des dossiers arrière inconfortables pour de longues randonnées.

Ah, il y a aussi ce ramassis d’interrupteurs posté dans la partie obscure du tableau de bord qui oblige à quitter la route des yeux. On peut difficilement réprimer un sourire face à cette série de détails oubliés à une époque où boutons, sélecteurs et autres commutateurs se bousculent pour trouver une place derrière les écrans tactiles.

Même si ces éléments en feront tiquer plus d’un, il y a cependant du positif à retenir. À commencer par la simplicité et l’accessibilité des principales commandes, de l’instrumentation. De la qualité des sièges (avant) et de l’abondance de rangements. L’essentiel, quoi ! En quittant le Frontier, la superficialité des véhicules modernes nous revient en tête.

La compétition donne du teint

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Sedona Blinson et Lyn Woodward, de l’équipe Wild Grace

Nissan doit beaucoup à Sedona Blinson et à Lyn Woodward, de l’équipe Wild Grace. En effet, celles-ci auront été les premières à étrenner le nouveau Frontier et les accessoires hors route (suspension, roues, échappement, pour ne nommer que ces trois-là) élaborés par Nismo. En effet, cet équipage féminin prenait part au Rallye des Rebelles, qui se déroule sur une distance de 2414 kilomètres (1500 milles) entre l’Arizona et la Californie. Elles ont terminé au sixième rang.

Origine d’une légende

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À ses débuts, Nissan se faisait appeler Datsun, ici la 420.

On raconte que la venue des minuscules camionnettes japonaises sur le marché nord-américain est attribuable aux jardiniers japonais de la Californie. L’histoire est belle et contient une part de vérité. À la fin des années 1950, où elle se faisait alors appeler Datsun, Nissan a importé ses premières camionnettes, en l’occurrence le modèle 220. Ce n’est que 10 ans avant qu’on lui assigne un successeur : la 420. Cette dernière était non seulement la première à proposer une charge utile d’une demi-tonne, mais aussi à offrir une benne allongée et une cabine multiplaces. Ainsi naissent les légendes.

Faites part de votre expérience

La Presse publiera prochainement l’essai des véhicules suivants : Ford Escape, Infiniti QX60, Porsche Macan, Toyota 86, Volkswagen Tiguan et Toyota Corolla. Si vous possédez l’un de ces véhicules ou en attendez la livraison, nous aimerions bien vous lire.

Fiche technique Nissan Frontier 2022

Moteur : V6 DACT 3,8 litres atmosphérique
Puissance : 310 chevaux à 6400 tr/min
Couple : 281 lb-pi de couple à 4400 tr/min
Poids : 2135,5 kg (Crew Cab PRO-4X)
Charge utile (benne) : 635 kg (1400 lb)
Capacité maximale de remorquage : 2944 kg (6490 lb)
Boîte de vitesses : automatique 9 rapports
Mode d’entraînement : 4 x 4
Pneus : 265/70R16 ; 265/65R17 ; 265/70R17
Capacité du réservoir : 79,4 litres
Essence recommandée : ordinaire
Consommation : 12,1 L/100 km
Empattement : 3550 mm (3200 mm)1
Longueur : 5692 mm (5338 mm)
Hauteur : 1825 mm (1831 mm)
Largeur : 1853,5 mm (1853,5 mm), excluant les rétroviseurs extérieurs

1 Les dimensions entre parenthèses sont celles de la version King Cab.