C'est l'histoire d'une légende automobile, aux gloires aussi nombreuses que les tourments. Née en 1913, Aston Martin a connu des moments de triomphe, notamment dans les courses d'endurance, mais a aussi connu de nombreuses humiliations, plusieurs attribuables à sa trésorerie chétive. Mais la marque britannique a retrouvé un nouvel essor, d'abord chez Ford (1987-2007) et maintenant chez Prodrive, comme en fait foi le renouvellement complet de son portefeuille de modèles.

De la Vantage à la DBS en passant par la One-77, toutes les Aston Martin reprennent mot pour mot le slogan de la marque: «Power, Beauty, Soul» (Puissance, Beauté, Caractère). Y compris la Rapide, première berline dont les traits ont pris naissance à 140 km de Londres, dans le quartier historique de Warwickshire.

L'alliance sport et luxe surprend toujours et, pourtant, elle figure au catalogue de presque toutes les marques de prestige. Le créneau est étroit, certes, mais suffisamment lucratif pour inciter Maserati, Porsche et maintenant Aston Martin de s'y engager. L'amateur de haut de gamme, dit-on, avoue une préférence marquée pour les versions les plus performantes.

Avant de se laisser enivrer par la musique du douze-cylindres dont est dotée la Rapide, il convient toutefois de laisser aux pupilles le temps de s'imprégner des formes sensuelles de cette automobile qui reprend la physionomie de la DB9 (normal, elle en dérive), mais en plus long pour y intégrer deux - très petites - portes additionnelles. On retient son souffle à l'entrée comme à la sortie.

Pis encore, une large poutre centrale qui prend ici la forme d'une console divise littéralement les passagers assis derrière. Ajoutez à cela des glaces minuscules et un espace étriqué et vous avez là les conditions parfaites pour acquérir une phobie des espaces clos. Mais avant de céder à la panique, prenez au moins le temps de détailler la présentation de cet habitacle taillé sur mesure pour un épicurien.

La chaude sensation de volupté quand vous vous installez à bord ne provient que de la splendeur des cuirs odorants, des moquettes haute laine et de l'élégante sobriété des aménagements. On ne s'y sent pas toujours à l'aise, mais ça épate le chaland convaincu désormais de pouvoir partager son plaisir de rouler en famille au volant de cette anglaise.

Le V12 avale les six rapports de la boîte avec célérité ou lenteur, selon le programme choisi et l'endurance de vos vertèbres à se faire plaquer ou pas contre le dossier de votre baquet. Les aiguilles des deux principaux compteurs s'affolent et la Rapide ne fait pas mentir son nom. Sa conduite révèle un tempérament bien trempé et elle se déplace, peu importe la vitesse, avec une suprême élégance. Elle vire plat, freine sur un «10 cents» (merci aux disques en carbone!) et sa suspension pilotée, gracieuseté cette fois de la DBS, permet de filtrer plutôt efficacement les irrégularités de la chaussée. À la condition que celle-ci ne soit pas enneigée. Dans quel cas, la Rapide - une propulsion comme toutes les autres Aston, d'ailleurs - devra attendre le retour du printemps.