Pour assouvir ses ambitions planétaires, Volkswagen doit absolument marquer des points en Amérique du Nord. Air connu. Il y a 30 ans, le constructeur allemand tenait le même discours qui l'avait conduit à «américaniser» sa production, allant même jusqu'à commercialiser une petite camionnette sur une base de Golf (Rabbit à l'époque). L'histoire se répétera-t-elle?

Volkswagen promet une offensive de mise en marché sans précédent au cours des deux prochaines années. Sa tournée de séduction américaine débute cet automne avec la Jetta, une compacte taillée sur mesure pour plaire aux goûts des consommateurs nord-américains, dit-on, et donc apte à bousculer les valeurs établies du marché. Pour ce faire, le constructeur de la voiture du peuple devait non seulement revoir sa copie, mais aussi veiller à son repositionnement. L'opération est plus complexe qu'elle ne le paraît puisque cette redistribution des rôles risque de confondre plus d'un consommateur.

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Soucieuse de combler le vide laissé - en entrée de gamme - par la City tout en préservant une clientèle déjà conquise (13 970 unités ont été écoulées l'année dernière), Volkswagen invite la nouvelle Jetta à faire preuve d'autant d'élasticité qu'une paire de bretelles. C'est à tout le moins le cas au chapitre de la fourchette de prix, dotée d'un écart de 11 000$ entre le modèle le moins cher et le plus dispendieux. Un écart susceptible de s'accentuer davantage avec l'addition d'une nouvelle version plus sportive encore le printemps prochain.

D'ici là, Volkswagen propose en guise d'apéritif une Jetta à 15 870$, ce qui représente une économie de 6105$ par rapport au modèle éponyme commercialisé en 2010. Voilà une comparaison bancale puisque, le patronyme mis à part, ces deux véhicules n'ont rien en commun. De fait, pour la première fois de son existence, la Jetta n'a rien d'une Golf affublée d'un coffre. Au contraire, elle adopte une architecture distincte à laquelle plusieurs composantes existantes et éprouvées - moteurs et transmissions - se rattachent. En outre, pour contenir encore davantage le prix d'entrée, Volkswagen a conçu un cahier des charges draconien où tout devait être fait pour faciliter la construction et réduire les coûts. À ce sujet, même si elle comporte le même nombre de versions que l'ancienne, la nouvelle Jetta se révèle nettement plus simple à assembler. En effet, exception faite de la couleur, le catalogue de la précédente génération dénombrait 148 configurations différentes (moteur, boîte, accessoires, etc.) contre 18 pour la nouvelle. Comme exercice de rationalisation, on peut difficilement faire mieux.

L'embarras du choix

Bien que le nombre de déclinaisons ait été restreint au maximum, la Jetta ratisse large, comme nous le disions un peu plus haut, et offre le choix entre trois moteurs (bientôt quatre), deux boîtes de vitesses, trois montes pneumatiques (15, 16 et 17 pouces) et pas moins de huit teintes extérieures. Ces choix s'agrémentent d'une multitude d'accessoires pouvant aller du démarrage à l'aide d'un bouton-poussoir au système de navigation par satellite. Ce n'est pas le choix qui manque mais, attention, la facture grimpe vite.

Tenez par exemple le modèle de base offert à 15 870$. L'offre paraît alléchante, mais hormis les baquets avant chauffants (275$) et le chauffe-moteur (300$), pas moyen d'obtenir la climatisation, la commande de téléverrouillage à distance ou encore le régulateur de vitesse. Pour obtenir tout cela, le concessionnaire de la marque vous orientera tout naturellement vers la version Comfortline vendue, elle, 19 075$ et enjolivera du même «coût» les pneus de jantes en alliage. En toute franchise, cette pratique commerciale est pratiquée par l'ensemble de l'industrie, y compris les constructeurs sud-coréens réputés pour offrir un rapport prix/accessoires défiant toute compétition.

En d'autres mots, la Jetta n'est ni mieux ni moins équipée que la concurrence. Seulement plus obsolète sur le plan technique, comme en fait foi la présence de l'increvable quatre-cylindres 2 litres sous le capot. Robuste et fiable, cette mécanique n'offre pas le rendement attendu d'une mécanique moderne, notamment au chapitre des performances et de la consommation. D'ailleurs, Volkswagen n'avait aucune unité de ce modèle à proposer à la presse au moment du dévoilement de la Jetta, préférant plutôt concentrer ses efforts de relations publiques sur les versions équipées du moteur cinq cylindres 2,5 litres. Celui-ci commande, il va sans dire, un déboursé additionnel qui porte maintenant la facture au-delà des 20 000$.

Il est également possible d'approcher les 30 000$ (taxes incluses) avec le jeu des options ou en choisissant tout simplement le moteur turbo-diesel (TDi), autre mécanique offerte et qui bénéficie de surcroît des boîtes les plus modernes (manuelle six rapports et semi-automatique à double embrayage). En effet, les autres versions retiennent les services d'une classique boîte à cinq rapports (manuelle) ou semi-automatique à six rapports. Jusqu'ici, vous me suivez? Tant mieux puisqu'il faut aussi savoir qu'une quatrième motorisation - un quatre-cylindres 2 litres suralimenté par turbocompresseur - se joindra au groupe le printemps prochain pour mouvoir la future version haut de gamme de ce modèle: la GLI. À noter, enfin, qu'une motorisation hybride (mi-essence, mi-électrique) figure au calendrier de mise au point de ce modèle, mais celle-ci ne sera vraisemblablement pas offerte avant 2012 ou 2013.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Le coffre de la Jetta fait honneur à la réputation des générations précédentes en proposant un volume équivalent à 440 litres, de quoi faire rougir bien des berlines des catégories supérieures.

Spacieux et déjà vu

Peu importe le groupe motopropulseur, la présentation intérieure demeure sensiblement la même d'une version à l'autre. On retient d'abord la qualité de l'assemblage qui ne manquera pas d'étonner tous ceux et celles qui pestent contre ces VW assemblées au Mexique. Ensuite, la bonne ergonomie des principales commandes, à l'exception notable de la commande d'ajustement des dossiers des baquets avant. À l'arrière, la Jetta figure assurément parmi les compactes les plus accueillantes sur le marché. Et l'une des plus confortables aussi. Quant au coffre, la Jetta fait honneur à la réputation des générations précédentes en proposant un volume équivalent à 440 litres, de quoi faire rougir bien des berlines des catégories supérieures.

Spacieuse et confortable, la Jetta se révèle également silencieuse. La rigidité de la caisse est étonnante tout comme sa maîtrise des mouvements de caisse. La Jetta prend peu de roulis et offre un comportement routier rassurant. En revanche, sa direction apparaît beaucoup trop légère et communique par le fait même trop vaguement la position des roues directrices. Cela risque de décontenancer les purs et durs de VW, habitués à faire davantage corps avec leur monture. Un autre élément qui nuit à la notion d'agrément de conduite - très subjective, j'en conviens - a trait à la suspension arrière plutôt trépidante sur une chaussée mal revêtue. Deux tares qui seront vraisemblablement gommées avec la venue de la version GLI, laquelle bénéficiera d'une direction à assistance électrique et d'une suspension arrière à bras multiples.

Faute de les avoir essayés, réservons nos commentaires sur les 2-litres (essence et turbo-diesel) pour plus tard et concentrons-nous plutôt sur le cinq-cylindres 2,5 litres qui devrait réaliser l'essentiel des ventes au pays. Bien que son rendement général ne pose pas problème, on a tout de même peine à croire que 170 chevaux galopent dans son bloc. Le temps d'accélération (0-100 km/h) obtenu est plutôt timide et les reprises le sont tout autant, surtout avec la boîte manuelle dont il faut baratter sans arrêt le levier pour tirer le maximum de ce moteur un peu poussif. La boîte semi-automatique (en option) ne fait guère mieux et doit rétrograder régulièrement - au moment des relances - pour jeter un peu de lest, lequel semble étouffer ce 2,5-litres.

Au final, cette nouvelle Jetta risque tout de même d'être surprenante. Elle mérite de se trouver sur la courte liste des acheteurs de compactes, mais à une condition: ne vous laissez pas emporter par la spirale des prix. Ici, la modération a bien meilleur goût et à défaut d'une berline «hop la vie!», vous bénéficierez d'une automobile qui offre un étonnant volume habitable (et utilitaire) et des éléments mécaniques éprouvés. Pour bien des acheteurs, cela suffit.

ON AIME

Le volume intérieur

Le coffre géant

Le comportement sans histoire

ON AIME MOINS

Le repositionnement risqué de ce modèle

Le faux bas prix

Les qualités dynamiques en baisse

CE QU'IL FAUT RETENIR

Fourchette de prix: 15 875$ à 26 655$

Version essayée: 2,5 Highline (23 980 $)

Frais de transport: 1365 $

Garantie de base: 48 mois/80 000 km

Consommation obtenue lors de l'essai: 9,2 L/100 km

Concurrents: Honda Civic, Mazda3, Toyota Corolla

Pour en savoir plus: www.vw.ca

SURVOL TECHNIQUE

Moteur: L5 DACT 2,5 litres

Puissance: 170 ch à 5700 tr/min

Couple: 177 lb-pi à 4250 tr/min

Poids: 1369 kg

Rapport poids/puissance: 8,05 kg/ch

Accélération (0-100 km/h): 8,8 secondes

Mode: Traction (roues avant motrices)

Transmission de série: Manuelle 5 rapports

Autres transmissions: Semi-automatique 6 rapports

Direction/diamètre de braquage: Crémaillère - 10,9mètres

Freins/ABS: Disque/de série

Pneus de série: 205/55R16

Capacité du réservoir: 55 litres

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Volkswagen Canada.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

On a peine à croire que 170 chevaux galopent dans ce cinq-cylindres de 2,5 litres. Le temps d'accélération obtenu est plutôt timide et les reprises le sont tout autant.