Le succès du Soul de Kia fait des envieux. À commencer par Nissan qui lui opposera dans quelques semaines un véhicule tout aussi anticonformiste, le Juke. Croisement improbable et pourtant bien réel entre une sous-compacte et un tout-terrain, le dernier-né du constructeur japonais intrigue avec «ses yeux dans la bouche».

Révélé dans sa forme définitive au salon de Genève, le printemps dernier, le Juke met en avant l'originalité de son style ainsi que ses performances écologiques. En lançant ce véhicule de loisir urbain (VLU), Nissan fait toutefois le pari que ce croisement inusité correspond aux attentes des consommateurs en quête d'un véhicule compact aux formes d'un VUS.

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Outre le Soul, qui, à nos yeux, appartient à la même catégorie et a sans l'ombre d'un doute le plus contribué à son essor jusqu'ici, le Juke affrontera le Jeep Compass ainsi que le Suzuki SX-4. Ce modèle devra aussi se mesurer au Countryman de Mini, un autre nouveau venu dans le créneau des VLU. Pourtant, à l'occasion de son point de presse, la direction canadienne de Nissan a affirmé que le Juke s'attaque également à la Matrix (Toyota), à la 3 Sport (Mazda) ainsi qu'à la GTi (Volkswagen).

Assemblé au Japon et en Angleterre, le Juke est issu d'une plateforme connue, à savoir celle de la Versa, issue de l'alliance Renault-Nissan. Flexible, celle-ci permet de lui accoler un rouage à quatre motrices. Ce dernier, baptisé All-Mode 4x4i, s'avère étonnamment sophistiqué puisqu'il comporte une fonction de régulation électronique. C'est-à-dire? En plus de transférer chevaux et couple entre les trains avant et arrière, le All-Mode 4x4i autorise également le transfert de puissance entre les roues arrière dans le but d'atténuer notamment le sous-virage. Ce dispositif extrêmement compact n'ajoute que 29 kilogrammes au poids du Juke, ce qui en théorie ne devrait pas affecter lourdement la consommation de carburant qui, selon ses concepteurs, calquera celle de la Sentra animée du moteur 2 litres.

Classiquement suspendu à l'avant par une paire de jambes de force de type McPherson, le Juke retient à l'arrière les services d'une barre de torsion sur ses versions deux roues motrices ou à bras multiples sur les livrées équipées d'un rouage à quatre roues motrices.

Puisqu'il en est question, aussi bien décortiquer immédiatement la gamme. Celle-ci comporte deux livrées (SV et SL). Toutes deux sont proposées avec le rouage à quatre roues motrices à prise temporaire - celui-ci entraîne dans les deux cas un surcoût de 1800$. Cependant, pour retenir ses services, il faut impérativement s'offrir aussi la boîte automatique à variation continue (CVT), seule transmission homologuée et offerte pour transmettre la puissance aux quatre roues. À noter que les versions tractées (roues avant motrices) proposent, sans frais supplémentaires, une boîte manuelle à six rapports.

Contrairement au marché européen, où le Juke soulève son capot à trois mécaniques (atmosphérique, suralimentée et diesel), Nissan en retient une seule au Canada: un quatre cylindres 1,6 litre suralimenté par turbocompresseur. Totalement inédit sur notre marché, ce moteur alimenté au moyen d'un système d'injection directe entre de facto dans le club des véhicules offrant plus de 100 chevaux au litre.

Tout change

Une fois de plus, les concepteurs de Nissan ont pris au pied de la lettre le concept, très actuel, de «crossover» que l'on peut définir comme une opération de métissage de plusieurs espèces automobiles à travers un seul modèle.

Derrière ses portes, ce modèle à la personnalité transversale distille un léger parfum d'aventure avec sa présentation décalée. Peinte en rouge ou en gris, la console centrale reprend vaguement les formes d'un réservoir de moto. Autre particularité, unique à ce modèle, le système de contrôle dynamique baptisé I-CON auquel on accède par l'intermédiaire d'un menu regroupant également les fonctions de climatisation et d'information difficile à consulter, surtout en plein jour. Ce dispositif permet de sélectionner l'un des trois paramètres (Normal, Sport ou Éco) pour adapter le comportement du véhicule à sa conduite en modifiant l'assistance (direction), le passage (boîte de vitesse) et la réactivité (accélérateur) selon le type de conduite.

Si tous les témoins saluent l'originalité de la partie avant de ce véhicule qu'il sera difficile sinon impossible de confondre avec un autre dans le stationnement d'un centre commercial, l'enthousiasme sur la partie arrière tombe à plat tellement elle semble venue d'une autre table à dessin. Malgré des feux visiblement inspirés des 370Z et autres Maxima, des poignées de portes antérieures grimpées sur les montants, plusieurs lui trouvent - l'auteur de ces lignes y compris - une forte ressemblance avec le coupé C30 de Volvo à qui il reprend d'ailleurs la forme des ailes en «gouttières», code esthétique propre à la marque scandinave ou sino-scandinave, c'est selon.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Totalement inédit sur notre marché, le 1,6 litre turbo à injection directe du Juke entre de facto dans le club des véhicules offrant plus de 100 chevaux au litre.

À l'arrière, le confort est acceptable, sans plus, pour des passagers sveltes et menus, mais les plus grands s'y cogneront les genoux et la tête. Compte tenu des dimensions extérieures de l'engin, on s'attendait à pire encore. À l'avant, on trouve facilement ses aises, même si l'on regrette l'absence d'un véritable repose-pied. Peu de rangements cependant, aussi bien à l'avant qu'à l'arrière. Le volume du coffre n'est pas terrible lui non plus. Le plancher est parfaitement plat, mais le seuil s'avère élevé. De plus, il est nécessaire de rabattre en tout ou en partie les dossiers de la banquette arrière pour y loger un sac de golf ou deux.

En revanche, la présentation flatte l'oeil même si la variété des grains de garnissage ou quelques ajustages mériteraient encore un effort. S'installer à bord ne présente guère de difficultés. Le siège conducteur procure peu d'appui lombaire. La direction ne se règle qu'en hauteur mais la bonne position de conduite sera appréciée, la visibilité péchant seulement vers l'arrière où une caméra de recul garde l'oeil ouvert, mais seulement aux acheteurs de la version la plus huppée (SL).

Plus qu'une Versa

Il faut laisser de côté les a priori pour goûter les plaisirs réels du Juke, dont le comportement ne ressemble en rien à celui d'une Versa, surtout dans sa configuration à quatre roues motrices. Le Juke réussit à virer presque à plat, à bien freiner sans plonger et à obéir au coup de volant tout en proposant un agrément de conduite certain. D'accord, la direction à assistance électrique donne dans la légèreté et ne laisse pas toujours deviner l'emplacement des roues directrices. En revanche, elle contribue à l'agilité du véhicule et à sa facilité à se garer.

La version à roues motrices avant ne fait pas aussi bien. Le sous-virage (tendance à tirer tout droit) apparaît hâtivement, le train avant étant moins solidement ancré au sol, et la suspension arrière a tendance à trépider au contact d'une chaussée abîmée.

Considérant l'empattement et la nature de ce véhicule, le confort ne figurait visiblement pas en tête du cahier des charges de ses concepteurs. Le roulement est plutôt ferme et, sur le plan acoustique, les montants du pare-brise sifflent. Une particularité de notre modèle d'essai? À vérifier.

Le moteur s'exprime avec aisance, sans l'ombre d'un temps de réponse. Les accélérations sont franches - considérant la cylindrée - et les reprises tout aussi efficaces. Nissan recommande de l'essence super, mais le 1,6 litre accepte aussi de l'essence ordinaire. En s'abreuvant de cette dernière, les performances risquent toutefois d'en être affectées. Cela dit, on regrette tout juste que la commande des six rapports «virtuels» de la boîte CVT ne soit pas dupliquée au volant au moyen de palettes. Un moindre mal dans la mesure où cette transmission apparaît autrement plus recommandable à la boîte manuelle à la course trop longue, à l'étagement bourré de trous et à l'embrayage difficile à moduler.

Le Juke devrait, avec le temps, imposer une nouvelle façon de rouler. Ce défrichage sera réussi lorsqu'elle sera imitée par d'autres. Reste à savoir comment vieillira ce véhicule aux formes bizarroïdes qui ne manquera pas, pour plusieurs mois encore, de dévisser plusieurs cous sur son passage et de satisfaire ceux qui souhaitent rouler différemment.

ON AIME

Design audacieux

Rouage intégral performant

Agrément de conduite étonnant (4RM)

ON AIME MOINS

Les places arrière et le coffre étriqués

Embrayage peu progressif (manuelle)

Suspension arrière sautillante (traction)

CE QU'IL FAUT RETENIR

Fourchette de prix: 19 998$ à 26 648$

Frais de transport: 1560 $

Prix du modèle essayé: 29 248

Garantie de base: 36 mois/60 000 km

Consommation obtenue lors de l'essai: 9,8 L/100 km (estimation)

SURVOL TECHNIQUE

Moteur: thermique L4 DACT 1,6 litre turbocompressé

Puissance: 188 ch à 5500 tr/mn

Couple: 177 lb-pi de 2000 à 5200 tr/mn

Poids: 1428 kg

Rapport poids/puissance: 7,6 kg/ch

Accélération (0-100 km/h): 8,2 secondes

Mode: Intégral ou Traction

Transmission de série: Manuelle 6 rapports (traction seulement)

Autres transmissions: Automatique CVT (de série AWD)

Direction/diamètre de braquage: Crémaillère/10,7 mètres

Freins/ABS: Disque/de série

Pneus (de série): 215/55R17

Capacité du réservoir/essence recommandée: 50 litres/super (ordinaire accepté)

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Nissan Canada.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Si tous les témoins saluent l'originalité de la partie avant de ce véhicule, l'enthousiasme sur la partie arrière tombe à plat tellement elle semble venue d'une autre table à dessin, notamment le coupé C30, de Volvo.