En occultant le prestige de certaines participantes à ce match et en rassemblant ces cinq modèles, je viens de me déconsidérer aux yeux des consommateurs qui accordent plus d'importance à une marque plutôt qu'à la compétitivité de ses modèles. Je ne l'ignore pas. Mais prenons le risque de leur déplaire. Prenons même le risque qu'ils interprètent les conclusions de ce match comme une vicieuse tentative de sabotage de légendes sur roues.

Dans le cadre de ce match inusité, les Acura et Volvo trouvent sur leur route des concurrentes inattendues: une Buick, une Subaru et une Suzuki. Ces trois berlines revendiquent, elles aussi, des lignes et des conduites sportives. De plus, ces trois marques cherchent, chacune à leur manière, à élever leurs produits vers le haut de gamme. D'ailleurs, à l'exception de Suzuki, aucune de ces marques ne compte de véhicule de moins de 20 000$ à son catalogue.

>>> Ce qu'il faut retenir

>>> Au fil d'arrivée...

La Kizashi, par exemple, témoigne de cette volonté de viser plus haut. Plus coûteuse que ses concurrentes japonaises (Camry, Accord, Mazda 6, Altima et autres), cette berline cherche à s'attaquer aux Volvo S40 et Acura TSX de ce monde. Sur papier, la Suzuki a les arguments qu'il faut pour nous convaincre qu'elle a sa place dans cette catégorie chaudement disputée. Au fil des ans - au cours des deux dernières refontes plus particulièrement, la Legacy de Subaru tente elle aussi de s'élever au-dessus des intermédiaires dites traditionnelles. Idem pour Buick qui compte sur la Regal, européenne (Opel Insignia) vivant sous un nom d'emprunt pour restaurer son image ternie par des créations trop souvent peu inspirées.

Pour résister à ces «jeunes pousses», Acura et Volvo opposent ici des modèles d'entrée plus (TSX) ou moins jeunes (S40), mais qui ont tous les deux le mérite d'être éprouvés et savamment raffinés. La S40 surtout qui, pour 2011, fait le ménage de sa garde-robe (retrait d'un moteur atmosphérique et du rouage intégral) pour ne conserver que ses nomenclatures les plus populaires. En dehors du prix, la S40 passe pour une intruse dans ce match en raison de sa cylindrée (cinq-cylindres), de sa suralimentation (turbo) et de ses dimensions intérieures et extérieures plus étriquées que les quatre autres. Pourtant, ses volumes (intérieur et utilitaire) la placent pratiquement à égalité avec la TSX.

Photo: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Volvo S40

Vie à bord

Hormis la Volvo, nos protagonistes occupent sensiblement le même espace sur la chaussée. En bonne américaine, la Regal se révèle la plus imposante - exception faite de la hauteur - et la plus lourde. Qu'à cela ne tienne, la Regal ne s'avère cependant pas la plus spacieuse pour autant. La Legacy prend les devants de ce match au chapitre du confort devant la Buick et une étonnante Kizashi. Les TSX et S40 ferment la marche en raison essentiellement de leurs places arrière. La suédoise surtout qui offre, pour deux adultes normalement constitués, un dégagement qui pourrait faire croire que ses rivales d'un jour étaient toutes des limousines...

Au chapitre du volume utilitaire, le même scénario. TSX et S40 avec leur coffre de 357 litres ne peuvent rien contre la Legacy (415 litres), la Regal (402 litres) voire la Kizashi (378 litres). Chacune de nos concurrentes offre sensiblement la même modularité: classique.

Au chapitre des accessoires, la Legacy est vendue dans une fourchette de prix plus large, donc plus accessible, mais il y a les options et plusieurs versions. Conséquemment, on ne trouve pas systématiquement tout sur l'ensemble des versions, comme le toit ouvrant qui fait pourtant partie de la liste des accessoires de série de la TSX ou de la Kizashi, par exemple. Celle-ci se révèle avec la Regal, la mieux lotie au chapitre des accessoires. En d'autres mots: what you see is what you get. Prix unique, version unique, la Suzuki et, dans une moindre mesure, la Buick ne causent aucun véritable mal de tête quand vient le moment de discuter avec un représentant commercial.

D'un point de vue purement subjectif, l'habitacle de la S40 fait moins bonne impression que les quatre autres. Certains, au contraire, le trouveront plus aéré, plus lumineux, mais assurément moins élégant (texture des matériaux et assemblage moins rigoureux) que les autres. Celui de la Legacy ne démérite pas autant (l'assemblage y est plus soigné), mais la qualité de certains plastiques désole un peu. Les TSX, Regal et Kizashi remportent cette manche même si, force est de le reconnaître, le noir (teinte intérieure de nos véhicules d'essai) de leur décor fait plutôt austère, même s'il est entrecoupé de quelques revêtements façon titane.

Photo: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Buick Regal

Dans tous les cas, les commandes sont douces (celles de la S40 surtout) et bien situées. Léger avantage toutefois pour la Legacy, dont la disposition est apparue, aux yeux de nos essayeurs, plus intuitive que celle des autres.

Performances générales

À ce stade-ci, la partie est loin d'être jouée. Même si la S40 traîne la patte, elle ouvre ce nouveau chapitre de notre confrontation en grand. Qui s'en étonnera? Dopé par un turbocompresseur, son cinq-cylindres met dans sa petite poche toutes les autres mécaniques présentes à ce match, et ce, tant sur le plan de l'accélération que des reprises. Seul le quatre-cylindres de la TSX parvient à ne pas se laisser trop distancer par la suédoise. On attendait plus de vigueur du côté de la Buick, mais celle-ci est pénalisée par son poids et, comme la Kizashi, par sa boîte chargée de relayer puissance et couple aux roues avant. Dans ce brouhaha de décibels et de pneus qui se déchirent contre l'asphalte, la Legacy tire admirablement bien son épingle du jeu, même si son moteur à plat n'est pas des plus expressifs. Le plus grand mérite de cette motorisation est sans contredit qu'elle soit la dernière à s'arrêter à la pompe, comme en font foi nos relevés de consommation.

Même si elles ne sont pas «très tendance» avec leurs cinq rapports, les transmissions offertes à bord de la S40 et de la TSX ont le mérite d'épouser correctement la courbe de puissance de leur moteur. La boîte à variation continue (CVT) de la Legacy a également étonné les essayeurs qui n'ont pas hésité à la qualifier de «meilleure CVT produite à ce jour». Ils n'ont pas tort. Surtout lorsque celle-ci est comparée à celle dont est équipée la Kizashi. Nonchalante, elle semble transmettre la force motrice au moyen d'un élastique. Quant à la Regal, l'étagement un peu longuet de sa boîte conçue de concert avec Ford nous laisse toujours croire que la firme de Dearborn a su en tirer un meilleur parti.

Sur la route, la TSX s'avère la sportive la plus homogène du groupe. C'est elle qui procure le plus d'agrément de conduite, donne envie de piloter, de soigner les trajectoires. Sa direction, d'une remarquable précision, permet de découper les virages avec assurance et ses béquilles électroniques ne s'activent qu'au moment opportun. La S40 offre moins d'assurance dans ce contexte, en raison notamment d'une direction jugée trop légère et d'un train avant qui se laisse aisément déborder, sur une chaussée glissante notamment. Contre toute attente, la Kizashi se classe dans le groupe de tête. Elle se montre vive et d'une agilité certaine. Sa suspension demeure ferme - moins que les TSX et S40, cependant -, mais moins prévenante que celles de la Regal ou de la Legacy.

Au chapitre de la motricité - précieuse en vue de la prochaine saison -, les Kizashi et Legacy évoluent dans une classe à part. En effet, toutes deux comportent un rouage à quatre roues motrices. Puisqu'il faut les départager, reconnaissons que celui de la Subaru se révèle plus sophistiqué et plus efficace que celui de la Suzuki. Quant aux autres, elles comptent sur des aides à la conduite, dont l'efficacité varie grandement selon la qualité et les réglages adoptés.

Bris d'égalité

Difficile de consacrer une gagnante dans un match aussi hétéroclite. Osons, sans égard à la marque. Pour la vie à bord, c'est la Legacy (30,4 points), pour les performances générales, c'est la TSX (30,6). Mais la victoire ne se jouera pas forcément entre ces deux protagonistes, puisque l'écart avec les autres tient dans un dé à coudre.

Il reste le budget pour les départager. C'est ici que la Legacy prend son envol et grappille les quelques dixièmes de points pour accéder à la première marche de notre podium. Elle devance dans l'ordre la TSX, la Regal, la Kizashi et la S40.

La Legacy parvient à décrocher la victoire grâce notamment à son prix, à sa consommation (et les rejets qui viennent avec) et à la qualité de son réseau de concessionnaires. Certes, elle perd des points au chapitre de la garantie qui, tout comme Suzuki, demeure calquée sur celles des constructeurs généralistes et d'une valeur de revente légèrement en deçà de ce que prétendent les amateurs de la marque.

La TSX demeure dans le coup, surtout au chapitre des qualités dynamiques. Au rayon des accessoires, on regrette toujours la première version de ce modèle qui, à nos yeux, représentait l'un des secrets les mieux gardés de l'industrie.

Pour décrocher la troisième place, la Regal doit une fière chandelle à... Opel. La filiale allemande a conçu ici une berline compétitive, bien finie et agréable au quotidien. Sans doute que la venue prochaine d'une version suralimentée par turbocompresseur ajoutera un peu de piment aux performances.

Les performances de la Kizashi (4e) en a étonné plus d'un. Hormis sa boîte décevante, son réseau en constante mutation et le manque de lustre de sa marque, cette berline nous révèle son constructeur sous un jour nouveau.

Quant à la S40, elle ne démérite pas, bien au contraire. Il s'agit, encore aujourd'hui, d'un des produits les plus aboutis de la firme scandinave. Elle est seulement trahie par son âge (c'est la doyenne du groupe), ses dimensions un peu trop compactes au goût de plusieurs et la consommation de sa mécanique. Mais quelle santé tout de même!

L'auteur tient à remercier Jean-François Guay pour sa collaboration à la mise sur pied de ce match.

Photo: Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Suzuki Kizashi