À en juger par la réaction des consommateurs qui ont réservé une Nissan tout-électrique Leaf neuf mois avant son lancement, le constructeur franco-japonais aurait pu baptiser la voiture «Nissan Messie» et prêcher ses vertus écologiques.

Mais si la voiture électrique semble avoir une certaine logique au Québec, avec notre hydroélectricité propre et abondante, elle est loin de faire l'unanimité là où la nature a mis du charbon, pas de grandes rivières.

 

En Allemagne, une coalition de groupes écologistes dénonce les incitatifs gouvernementaux accordés aux voitures électriques comme un gaspillage de fonds publics. Alors que l'industrie automobile demande des crédits d'impôts et des subventions pour développer des tout-électriques, l'équivalent allemand de Steven Guilbault affirme que leur impact sur la pollution sera minime.

 

«La voiture électrique n'est pas prête à devenir un produit de consommation de masse», a dit Juergen Resch, directeur du groupe environnemental Deutsche Umwelthilfe («Aide à l'environnement d'Allemagne») au quotidien allemand Berliner Zeitung. À l'heure actuelle, les batteries sont tout simplement trop chères et pas assez performantes.

 

Les constructeurs allemands «dormaient» au gaz

 

M. Resch estime que les voitures hybrides essence-électricité sont un passage obligé pour arriver à une voiture électrique viable; il est très critique de l'industrie automobile allemande, qui «dormait» pendant que les japonais développaient l'hybride. Il critique aussi les efforts insuffisants des constructeurs allemands dans le développement de petites voitures à combustion interne peu énergivores.

 

L'industrie automobile quête sans cesse des fonds publics pour financer sa prochaine lubie technologique, dit-il. Il rappelle que l'industrie automobile allemande a reçu il y a 10 ans «des milliards d'euros» pour développer la voiture à hydrogène et, plus récemment, «des centaines de millions d'euros» pour développer des biocarburants synthétiques. Le tout pour pas grand-chose aujourd'hui, dit-il.

 

Aujourd'hui, c'est le même refrain avec la voiture électrique et accorder des subventions serait répéter les mêmes «erreurs», dit M. Resch. «Beaucoup d'argent public va être donné pour appuyer l'auto électrique au lieu de resserrer les normes d'émissions de CO2 et de rendre les voitures à essence et au diesel plus efficaces», dit-il. À la place, Volkswagen, Daimler, BMW et Opel devraient se concentrer d'abord sur le développement de moteurs à combustion interne plus économiques et moins polluants.

 

«Pour arriver à la mobilité électrique, il faut d'abord créer des incitatifs efficaces», dit M. Resch, qui les considère comme des conditions préalables pour l'électrification automobile, plus tard, quand la technologie sera plus satisfaisante. Il encourage les gouvernements à suivre l'exemple de la France, avec son système de «bonus-malus», soit des incitatifs de 5000 euros pour les voitures économiques et une taxe punitive de 2600 euros pour les «grosses buveuses», les voitures qui consomment beaucoup d'essence.

 

Cette approche du bâton et de la carotte fait défaut en Allemagne et ailleurs, regrette M. Resch. Le Canada n'a pour adopté aucun plan de subvention des véhicules électriques.

 

Là où le charbon est roi, l'auto électrique est nulle

 

M. Resch calcule que les voitures électriques, dans leur état actuel, polluent souvent plus que les voitures à essence ou au diesel, si on tient compte de la pollution des centrales électriques au gaz naturel et au charbon qui sont la norme en Allemagne. Dans ce pays, les véhicules électriques émettraient «au moins 120 grammes de CO2 par kilomètre, ce qui est plus que la compacte Polo Blue Motion diesel (99 g/km), de Volkswagen, et que la Smart (87 km/g) de Daimler.

 

L'Allemagne a l'ambitieux objectif de mettre un million de véhicules électriques sur ses routes d'ici 2020, mais aucun des quatre constructeurs nationaux n'en fabrique, rapporte l'agence de presse Bloomberg.

 

La chancelière d'Allemagne, Angela Merkel a participé aujourd'hui à un sommet de la voiture électrique avec les constructeurs automobiles. Au terme de la rencontre, l'Allemagne a fait de ce type de voiture une priorité nationale.

 

M. Resch affirme que les voitures électriques vont coûter «des milliards d'euros en subventions» aux contribuables allemands, des fonds publics en pure perte parce qu'elles coûtent plus cher et qu'elles n'ont pas un rayon d'action suffisant. Le gouvernement devrait investir cet argent dans les transports en commun, dit-il.

 

Sources: Berliner Zeitung et Agence Bloomberg News.