Sans doute le plus grand défi de toute l'histoire de Nissan. La Leaf, premier véhicule 100% électrique grand public, est arrivée. Sera-t-elle aussi silencieuse sur la route que discrète sur le marché? Rien n'est moins sûr!

C'est enfin vrai. La voiture électrique de masse est à nouveau branchée. Et Nissan fait le pari que cette fois, le courant va passer. D'ailleurs, le constructeur japonais a jusqu'ici consacré plus de 6 milliards de dollars à son développement, convaincu que les ventes décolleront.

Conscient d'avoir manqué le rendez-vous avec la technologie hybride (mi-essence, mi-électrique) dont Toyota se fait le chantre, Nissan relève un pari plus audacieux encore: mettre un terme à notre dépendance à l'égard du pétrole. Rions un peu. D'autres l'ont promis avant elle, sans jamais y parvenir.

Qu'est-ce qui laisse croire que cette fois sera la bonne? Plusieurs choses en fait. Le durcissement des normes antipollution, la hausse du prix de l'essence, l'application de règlements contraignant de plus en plus l'usage automobile dans les grands centres urbains représentent autant de défis auxquels est confrontée l'industrie tout entière.

Par chance, il n'y a pas que le bâton. Il y a la carotte aussi: une volonté politique bien réelle. Celle-ci se traduit bien sûr par la mise en place d'infrastructures, mais surtout par des subventions accordées aux acheteurs. Oubliez le fédéral, il n'offre rien. En revanche, Québec fait cadeau de 8000$ pour tout achat d'un véhicule sans pot d'échappement, comme la Leaf. Une allocation financière bienvenue dans la mesure où cette technologie coûte cher.

Nissan fixe le prix de départ à 38 395$ pour sa Leaf SV. Une autre version, la SL, mieux équipée, offre en prime une caméra de marche arrière, un couvre-bagages et un panneau solaire pour justifier le déboursé additionnel de 1600$. Peu importe la livrée retenue, le subside de Québec se limite à 8000$.

Une vraie électrique

Contrairement aux Tesla Roadster, Mitsubishi i-MiEV et Zenn, pour ne nommer que ces trois-là, la Leaf a entièrement été conçue autour de cette énergie. C'est donc dire qu'elle adopte un châssis spécifiquement étudié pour accueillir une motorisation électrique et non, comme les concurrentes évoquées précédemment, une architecture existante et adaptée pour la circonstance. En d'autres termes, en cas de ventes décevantes, impossible de mettre un moteur à essence dans le ventre de cette Nissan. On imagine sans mal le coût élevé lié au développement d'une plate-forme aussi singulière, mais le constructeur japonais compte la rentabiliser en dérivant trois autres produits, dont un portera la griffe d'Infiniti, étiquette de sa marque de prestige.

Mis à part les lentilles globuleuses de ses phares - dessinées de la sorte pour favoriser l'écoulement de l'air - et l'absence de calandre, la Leaf passe pour une berline 5 portes bien ordinaire. Ses dimensions extérieures la placent à mi-chemin entre la sous-compacte Versa et l'intermédiaire Altima au sein de la gamme Nissan.

Pour ne pas trop dépayser le consommateur, le capot se soulève sur un moteur qui a tout l'air de fonctionner à l'essence à première vue. C'est le couvre-culasse surtout qui donne cette impression. En y regardant de plus près, on voit bien qu'il n'y a ni tirette pour vérifier le niveau d'huile, ni bougies ou filtres. Que des fils et une batterie conventionnelle pour alimenter les accessoires.

Les batteries chargées d'alimenter le moteur électrique, elles, se cachent sous le plancher de l'auto. Une disposition qui permet une répartition équitable du poids entre les essieux, gage d'une tenue de route équilibrée.

À ce sujet, évacuons immédiatement l'idée que vous vous faites de la conduite d'une voiture électrique. La Leaf n'a rien d'une voiturette de golf. C'est une auto. Une vraie! Elle vire, elle accélère, elle freine, mais aussi elle possède toutes les petites douceurs auxquelles pour rien au monde vous ne voudriez renoncer comme la radio, les sièges chauffants ou encore la climatisation.

Sauf le curieux levier de vitesse qui ressemble à une vieille souris d'ordinateur et le son que la voiture émet lors des manoeuvres en marche arrière, rien ne laisse deviner que cette Nissan ignorera à tout jamais la station-service.

Au contraire d'une hybride, c'est l'absence de bruit et de vibrations qui étonne le plus. De quoi vous rendre amorphe? D'aucune façon. Appuyez sur la pédale d'accélérateur et la sensation de puissance se fait immédiatement sentir. Sans la moindre inertie, la Leaf déballe toute l'énergie de son moteur de 80 kW, soit l'équivalent de 107 chevaux. Mais la puissance pure ne veut rien dire, le couple si. Avec 207 livres-pied disponibles instantanément, cette Nissan décolle vite et bien.

L'important est de ne pas trop abuser, sans quoi l'auto aura peine à tenir sa promesse de parcourir les 160 km annoncés sur sa fiche technique. Voilà qui pose problème à plusieurs consommateurs.

Il faut du temps, beaucoup de temps, pour abandonner ce réflexe de toujours consulter l'écran GPS sur lequel s'affiche le rayon d'action du véhicule. Pourtant, la Leaf cherche à se faire rassurante dans ce domaine. L'écran GPS indique même l'emplacement de la station de recharge la plus proche. Hélas, à l'heure actuelle, il n'y en a aucune sur son radar. Reste la maison, mais elle se trouve à combien de kilomètres d'ici au juste? Par chance, l'ordinateur se charge de faire le calcul tout en prodiguant certains trucs comme celui de sélectionner le mode écoconduite qui réduit notamment la puissance du climatiseur tout en accentuant la récupération d'énergie lors des freinages. Tiens, je viens de gagner 10 km d'autonomie. Me voilà rassuré. Mieux encore, cela devient un jeu très amusant.

La recharge sur une prise conventionnelle l'est beaucoup moins. Il faut compter près de 18 heures pour régénérer les forces des 48 modules de ses batteries. Une installation de recharge rapide apparaît indispensable, d'autant qu'Hydro-Québec assume en partie la facture.

Silencieuse, vive, mais aussi confortable, la Leaf ne craint pas de mettre la ville dans son rétroviseur. Sa vitesse de pointe de 140 km/h lui permet de s'engager sur les autoroutes. Les reprises sont convaincantes, tout comme son freinage qui, contrairement à celui de certaines voitures hybrides par exemple, s'avère particulièrement facile à moduler.

Avec la Leaf, Nissan ne se limite pas seulement à déposer une grosse batterie sous le capot. Elle change radicalement notre façon de concevoir notre mobilité personnelle. Êtes-vous prêts? C'est parti!

CE QU'IL FAUT RETENIR

- Fourchette de prix: 38 395$ à 39 995$

- Crédit du gouvernement du Québec: 8000$

- Garantie de la batterie: 8 ans/160 000 km

- Pour en savoir plus: www.nissan.ca

SURVOL TECHNIQUE

- Moteur: Électrique

- Puissance: 107 chevaux (équivalence à un moteur thermique)

- Couple (moteur essence): 207 lb-pi (équivalence à un moteur thermique)

- Poids: 1527 kg

- Vitesse maximale: 140 km/h

- Mode: Traction (roues avant motrices)

- Transmission (série): Automatique

- Transmission (optionnelle): Aucune

- Direction/braquage: Crémaillère/10,4 mètres

- Freins (av-arr): Disque/disque

- Pneus: 205/55R16

- Temps de recharge 110 V/220 V: 16 heures/7 heures (données du constructeur)

- Autonomie moyenne: 160 kilomètres

ON AIME

- Ne jamais s'arrêter à la station-service

- Le silence de son fonctionnement

- La technologie qui nous rassure

ON AIME MOINS

- Jouer les cobayes

- Le risque qu'elle présente pour les autres usagers en raison de l'absence de bruit

- Temps de recharge