Afin de vérifier les affirmations de Roger Demers, La Presse a enquêté pour connaître l'origine de plusieurs voitures d'exception. Voici nos découvertes concernant neuf voitures rares qui auraient eu des propriétaires connus, selon le collectionneur.

LA JAGUAR D'ELTON JOHN 

M. Demers affirme que la Jaguar XJ-220 1993 de sa collection est l'ancienne voiture du chanteur Elton John. C'est faux. La voiture sport a été achetée en 2011 à Yves Luc Perreault, de Laval. Le chanteur britannique avait acheté une XJ-220 1994 construite pour le marché anglais, avec volant à droite.

La XJ-220 de la Collection Demers a le volant à gauche. Lors de sa visite, La Presse a noté le numéro de série de la voiture et en tapant ce numéro dans le registre internet www.xj220data.com, on trouve le nom de M. Perreault comme dernier propriétaire inscrit. Ce dernier a confirmé être l'ancien propriétaire de l'auto, qu'il a achetée à l'encan Barrett-Jackson de Scottsdale en 2008, et qu'il a vendue à la Collection Demers en 2012.

M. Perreault était au courant des prétentions très médiatisées de Roger Demers concernant Elton John et la Jaguar XJ-220 : « Je ne sais pas où il a pris ça, mais ce n'est certainement pas moi qui lui ai dit une chose pareille. » 

M. Perreault a montré à La Presse un certificat montrant le parcours de la voiture. Le propriétaire précédent était un Californien, Gregory Schmidt. À l'origine, en 1993, la voiture avait été exportée par Jaguar en Norvège. « M. Demers a une copie du dossier, je la lui ai remise avec l'auto », dit-il. Quant à la vraie XJ-220 d'Elton John, la maison d'encan Historics l'a mise aux enchères en juin 2010. Le vendeur n'a pas obtenu son prix et est reparti avec la voiture qui est toujours en Angleterre. Questionné à ce sujet, M. Demers a nié avoir acheté la voiture de M. Perreault. Il maintient avoir acheté celle d'Elton John.

LA VECTOR DE MICHAEL JACKSON

Roger Demers affirme que la sa famille a acheté une voiture sport Vector M-12 dans une transaction privée avec Michael Jackson. Les deux parties auraient été mises en contact par leurs démarcheurs respectifs, soutient-il. « On l'a achetée quand il était dans la tourmente », a dit M. Demers. Le roi de la pop avait connu des ennuis financiers en 2008. Dans une entrevue au quotidien Le Soleil, de Québec, en 2005, M. Demers disait posséder déjà la Vector de Michael Jackson. « Un Russe a offert 50 millions pour le véhicule », a-t-il dit à La Presse le mois dernier.

Ce serait un prix extraordinaire pour une Vector M-12. En 2011, à Las Vegas, une Vector M-12 1999 restaurée a été vendue aux enchères pour 106 700 $. Ces voitures exotiques construites sur des châssis de Lamborghini Diablo ont été un échec commercial et les 14 M-12 construites de 1996 à 1999 avaient de gros problèmes de fiabilité.

Pour ce qui est de la M-12 de la Collection Demers, elle a toujours appartenu à la même famille californienne avant son importation au Québec : « La voiture n'a jamais appartenu à Michael Jackson. C'est un prototype pré-production et nous l'avons acheté directement de la compagnie Vector en 1996 avec deux autres voitures », a dit David St James, un Californien habitant maintenant Las Vegas. La Presse l'a retracé grâce à une copie du certificat de propriété émis par l'État de la Californie pour la M-12 qui fait maintenant partie de la Collection Demers. La voiture était enregistrée au nom de Panda Leasing Corp, une société maintenant fermée dont le président était le père de M. St James. « Je crois que Michael Jackson a possédé une Vector, mais une W-8 » a dit M. St James.

La W-8 était un modèle antérieur très différent. La transaction qui a mené la M-12 à la Collection Demers s'est faite par le truchement de deux intermédiaires, soit le restaurateur et vendeur d'autos de collection Winning Makes, de Santa Barbara, en Californie, et l'importateur de voitures exotiques d'occasion Prancing Horse, de Montréal. Le président de Prancing Horse, Steve Maman, dit aussi que la voiture qu'il a vendue à la famille Demers a appartenu à Michael Jackson, mais le seul document qu'il a remis à La Presse, le certificat de propriété, a mené à M. St James.

LA CORD L-29 DE JEAN HARLOW

Roger Demers affirme posséder la « Cord L-29 1930 Boat-Tail Speedster », une pièce unique ayant appartenu à l'actrice américaine Jean Harlow. « Son mari, un vice-président de MGM, l'avait commandée pour elle, comme cadeau de noces », dit-il. M. Demers affirme avoir l'originale.

Est-ce vrai ? « Oh non, c'est une réplique. L'originale est disparue depuis longtemps, elle vaudrait des millions de dollars ; bien des collectionneurs l'ont cherchée partout en vain », a dit Al Wiseman, un collectionneur américain et ancien propriétaire de la réplique de la Collection Demers. M. Wiseman, collectionneur et industriel prospère, a reconnu son ancienne voiture dans les photos de la Collection Demers prises par La Presse et envoyées par courriel. Il dit que cette réplique a été construite durant les années 90.

En effet, la vraie « Cord 1930 de Jean Harlow » est une voiture mythique, la seule Cord dessinée par un réputé designer automobile des années 20 et 30, Paul Wright, a expliqué à La Presse Stan Gilliland, un artisan et restaurateur de voitures anciennes de Wichita, au Kansas. Il a dirigé la première reconstitution moderne de cette auto, de 1986 à 1991, qui est aujourd'hui exposée au Musée Auburn-Cord-Duesenberg, en Illinois. « Celle que vous me montrez (l'auto de M. Demers) est probablement inspirée de la nôtre ». Pour ce qui est de l'originale, personne ne sait où elle est, on en a perdu toute trace en France après 1933, dit M. Gilliland, qui pense que la voiture à carrosserie d'aluminium a pu être envoyée à la fonderie durant l'effort de guerre.

Roger Demers affirme qu'elle est à Thetford Mines, mais il n'a pas voulu expliquer comment la Collection Demers a retrouvé cette auto qu'on croyait disparue à jamais. La Cord L-29 montrée à La Presse par Roger Demers ressemble en tous points à une réplique vendue 165 000 $ US le 7 octobre 2011 par RM Auctions, lors d'un encan tenu à Hershey, en Pennsylvanie. Les photos de la fiche de l'auto sur le site de RM Auctions sont identiques à celles prises par La Presse récemment et reconnues par son ancien propriétaire, M. Wiseman.

Deux collectionneurs québécois présents à cet encan en 2011 ont affirmé à La Presse avoir assisté à l'achat de la réplique Cord L-29 par M. Demers. La fiche de la voiture est encore en ligne sur le site de RM Auctions et stipule bien qu'il s'agit d'une réplique.

Elle est d'autant plus facilement identifiable qu'elle arbore encore aujourd'hui la plaque de l'État de Californie, la même que lors de l'encan de 2011. La réplique de la Collection Demers porte aussi sur sa calandre l'écusson d'un prix accordé en 1999 par l'Antique Automobile Club of America (AACA). « C'est moi qui l'avait inscrite au concours », a dit M. Wiseman. Joint par La Presse, Steve Moscowitz, de l'AACA, a confirmé que le premier prix a été accordé à la Cord L-29 en 1999 et que la voiture appartenait à M. Wiseman à l'époque.

LA PREMIÈRE AUTOMOBILE À COMBUSTION DU MONDE

Selon Roger Demers, la toute première voiture mue par un moteur à combustion, la Benz Patent Motorwagen, construite par Karl Benz lui-même il y a 128 ans, se trouve à Thetford Mines. C'est faux. Daimler, la compagnie mère de Mercedes-Benz, a indiqué à La Presse que ce prototype, un tricycle motorisé construit par Karl Benz avec un moteur à un piston expérimental, des pièces de vélo et de carriole à cheval, est à Munich, au Deutsches Museum.

Ce prototype a été construit par Karl Benz en 1886, a indiqué Gerhardt Heidbrink, directeur des archives chez Daimler, joint à Stuttgart, en Allemagne. Selon l'archiviste, le seul exemplaire encore existant a été donné au Deutsches Museum en 1906 par Karl Benz.

L'objet qui se trouve chez les Demers est vraisemblablement une réplique. Daimler en fait construire à l'occasion par ses apprentis ouvriers, explique-t-on à la société. De plus, lors du centenaire de la Benz Patent Motorwagen, en 1986, Daimler a commandé à l'Anglais John Bentley Engineering une centaine de répliques de haute qualité. Daimler en a vendu plusieurs, et en a cédé beaucoup à des concessionnaires. Des copies asiatiques ont aussi été faites. En 2012 et en 2013, deux de ces répliques asiatiques ont été adjugées à moins de 50 000 $ aux enchères.

DEUX JAGUAR VICTORIEUSES AUX 24 HEURES DU MANS

Les Jaguar C-Type et D-Type sont deux voitures légendaires ayant dominé les pistes de courses dans les années 50. Ce sont des voitures rares, il y a eu 53 C-Type et 87 D-Type. Un registre détaillé officiel et de nombreuses publications suivent les apparitions publiques et les rares ventes des survivantes de cette époque qui n'ont pas été détruites en course ou sur la route. Roger Demers a dit à La Presse posséder non seulement une C-Type, mais aussi une D-Type. Les deux ont gagné les 24 heures du Mans, affirme-t-il. Selon lui, sa C-Type a gagné au Mans en 1951, 1953 et 1955. 

« Le Club Jaguar est venu et a donné l'approbation comme quoi que c'est vraiment elle qui a gagné, a dit M. Demers. Ils ont fait les recherches. » Quant à la D-Type, reconnaissable par sa dérive verticale derrière le siège du pilote, elle a gagné au Mans en 1956 et en 1957, a dit M. Demers. « Y as-tu pensé ? Une auto qui a gagné Le Mans en 56 et 57. C'est l'histoire du monde par l'automobile ! »

C'est toutefois impossible : les cinq victoires de Jaguar au Mans durant cette décennie ont été obtenues avec cinq autos différentes, portant les numéros de châssis XKC-003, XKC-051, XKD-505, XKD-501 et XKD-606, rapporte Philip Porter dans son ouvrage Jaguar Sports Racing Cars.

Un collectionneur anonyme américain a récemment acheté une C-Type aux enchères pour 4,7 millions de dollars US et une D-Type pour 4,2 millions. M. Demers, lui, soutient que ses deux autos valent 10 millions chacune. En réalité, les deux voitures de la Collection Demers sont des répliques dont les carrosseries sont en fibre de verre. De nombreux petits constructeurs offrent des répliques de D-Type et de C-Type soit en aluminium, comme les vraies, soit en fibre de verre, ce qui est moins cher. RM Auctions a adjugé pour 39 000 $ CAN une réplique de C-Type à Toronto en 2007, ainsi qu'une réplique de D-Type pour 61 600 $ US à Auburn, en Illinois, en 2010. M. Demers maintient que ses deux voitures sont des originales.

LA FERRARI CONDUITE PAR TONY CURTIS

M. Demers accorde une valeur particulière à une Dino 246GT rouge exposée dans une rangée de Ferrari : « Elle a fait le film Amicalement vôtre avec Roger Moore et Tony Curtis », a dit M. Demers en parlant de la série télé des années 70 où l'acteur américain Tony Curtis conduisait une Dino 246GT Type L. Roger Moore lui donnait la réplique au volant d'une Aston-Martin DBS.

M. Demers affirme que sa Dino vaut « 100 millions canadiens, donc 75 millions US ». Le mois dernier, deux Dino 246GT impeccables ont été adjugées pour environ 630 000 $ US chacune en Floride. « Il en existe 36 au total », a-t-il dit, alors que la production totale des 246GT Séries L, M et E a atteint 2487 unités de 1969 à 1974. La Dino montrée par M. Demers n'est pas la 246GT Type L de Tony Curtis, c'est une Type E qui a appartenu de 1978 à 2000 au collectionneur de Québec Richard Couillard.

La Presse a envoyé à M. Couillard des photos de son ancienne Dino, qu'il a identifiée grâce à trois modifications très reconnaissables. Il l'a vendue en 2000 au commerçant d'autos et de motos exotiques Prancing Horse, de Montréal. Rencontré par La Presse, le président de Prancing Horse, le Montréalais Steve Maman, a dit avoir revendu à la Collection Demers l'ancienne Dino rouge de M. Couillard et une autre 246GT, rouge aussi, importée de Suisse. Il affirme n'avoir aucune information liant ni l'une ni l'autre des deux Dino à la série Amicalement vôtre. La Dino 246GT 1970 orange utilisée lors du tournage d'Amicalement vôtre a le numéro de châssis 00810 et « est très probablement encore en Italie ; cependant, une source m'a aussi dit qu'elle a été vendue au Japon il y a longtemps », a indiqué à La Presse le Suisse Marcel Massini, expert réputé dans la documentation et l'authentification des Ferrari de collection.

LA VOLVO DE SIMON TEMPLAR

Roger Demers a montré à La Presse une Volvo qui, selon lui, était la voiture du personnage Simon Templar, interprété par Roger Moore dans les années 60. « Elle n'était pas comme ça quand on l'a achetée, on a mis 200 000 $ pour la restaurer. Quand on pense que Roger Moore s'est assis là-dedans ! », s'est-il exclamé. Effectivement, quand on y pense, on remarque que sa Volvo blanche a le volant à gauche. Quand La Presse lui a fait cette observation, il a répondu sans hésiter que la Volvo anglaise de Simon Templar, avait le volant à gauche. Dans des extraits de la série Le Saint sur YouTube, on voit bien l'aventurier anglais assis à droite de sa Volvo, derrière le volant.

La Volvo du Saint a été restaurée à partir d'un tas de ferraille rouillée retrouvée il y a 10 ans à l'extérieur, en Angleterre. La Volvo P-1800 du Saint, une icône des années 60, est depuis l'an dernier exposée au Cars of the Stars Motor Museum de Keswick, en Angleterre. Et son volant est à droite.

L'ASTON-MARTIN DE JAMES BOND

L'Aston-Martin DB5 de l'agent 007 se trouve maintenant à Thetford Mines, affirme Roger Demers. « C'est l'auto de James Bond, dans le film Goldfinger », a-t-il dit en montrant une voiture juchée tout en haut d'un impressionnant système d'étagères géantes à trois étages, contenant des dizaines de voitures. Mais la DB5 conduite par Sean Connery dans Goldfinger a été achetée pour 4,6 millions de dollars US le 27 octobre 2010 par le collectionneur et banquier américain Harry Yeaggy, qui la garde dans le musée qu'il finance lui même près de Cincinnati, en Ohio. L'autre DB5 du tournage, celle aux 1000 gadgets d'espion, a été volée.

LA TOUTE PREMIÈRE LAMBO

M. Demers dit aussi avoir la toute première Lamborghini de série fabriquée par le grand constructeur italien : « C'est le numéro 001 du tout premier modèle, une LP-350 », dit-il. Il veut probablement dire la GT350, la Lambo originale, construite à seulement 120 exemplaires à partir de 1963. Il n'y a pas de Lamborghini LP-350. De toute façon, la magnifique Lamborghini couleur argent de la Collection Demers semble être une 400GT 2+2, une voiture construite à 247 exemplaires de 1966 à 1968.

M. Demers affirme aussi détenir de nombreuses autres voitures ayant un lien avec des célébrités.