Fidèle à son image d'intellectuelle prospère et prolifique, Denise Bombardier conduit une Mercedes 320. Mais quand vient le temps de quitter la jungle urbaine pour son camp de pêche en Mauricie, la journaliste, romancière, essayiste, productrice et animatrice se retrouve avec délectation derrière le volant de son puissant pick-up rouge. Et elle assume complètement ce choix, que d'aucuns pourraient juger déplacé de la part d'une femme de lettres âgée de 68 ans.

Denise Bombardier possède son F-150 depuis quatre ans. Depuis, en fait, qu'elle s'est acheté un camp de pêche près du barrage du Rapide-Blanc, en Mauricie. Elle utilise ce véhicule pour se rendre sur place, mais aussi pour ses déplacements en forêt lorsqu'elle part explorer de nouveaux plans d'eau où elle projette de taquiner le poisson.

 

Conduire un camion léger a quelque chose de grisant pour Denise Bombardier. "Quand les gens me voient sortir de mon véhicule, ils ont de la difficulté à le croire. Ça déstabilise ceux qui ont une idée préconçue de moi", dit-elle. Les commentaires à l'égard de son V8 n'ont cependant pas toujours été élogieux.

 

"J'ai reçu un courriel d'un homme qui était scandalisé. Il m'a écrit: "J'étais un de vos admirateurs parce que je trouve que vous êtes intelligente et que vous avez beaucoup de jugement. Je vous ai aperçue au volant d'un infâme véhicule polluant. Je vous retire mon admiration"", lance l'auteure d'un essai sur Céline Dion.

 

De son propre aveu, Denise Bombardier est une conductrice nerveuse, voire agressive. "Le plus grand compliment qu'on m'a fait dans ma vie par rapport aux voitures, c'est que je conduis comme un homme", dit-elle. Des jeunes en Honda qui font vroum-vroum à côté d'elle, Denise Bombardier semble en manger au petit-déjeuner.

 

"J'aime conduire dans les pays où les gens sont fous au volant, comme en France ou en Italie", souligne-t-elle. D'ailleurs, chaque fois qu'elle se rend à son appartement de Paris, la journaliste a son petit rituel bien à elle. Et ce n'est pas d'aller prendre un café à Saint-Germain-des-Prés. Elle emprunte plutôt la voiture de son assistante et va se promener autour de l'Arc de triomphe, là où la place de l'Étoile forme un énorme rond-point de 12 avenues. "C'est un rapport de force qui me plaît", explique cette sociologue de formation.

 

Deux coccinelles

 

Sa première auto: une coccinelle de Volkswagen, qu'elle utilisait en 1964 pour se rendre dans les écoles où on l'appelait in extremis pour faire de la suppléance. Toujours dans les années 60, Denise Bombardier a eu une seconde coccinelle avec laquelle elle s'est rendue jusqu'au Mexique avec son premier mari. Une croisade à saveur anthropologique qui a marqué la journaliste en devenir. "Dans le sud des États-Unis, je me souviens de toilettes où c'était écrit "White People Only" (Blancs seulement)", dit-elle.

 

La commentatrice d'actualité sur les ondes de TVA a eu sa "période Buick" dans les années 70, mais elle se demande encore pourquoi, elle qui a toujours adoré (et possédé) des voitures européennes, notamment des Jaguar, des Fiat et même une Saab. "À l'époque où je travaillais à Radio-Canada, dit-elle, j'ai eu une Fiat jaune moutarde avec laquelle j'ai dû avoir 10 crevaisons. J'étais devenue une spécialiste; je changeais mes pneus moi-même."

 

Mme Bombardier adore conduire en ville, mais trouve lassant de parcourir de grandes distances. Quand cela est nécessaire, elle fait contre mauvaise fortune bon coeur et tente d'égayer ses longues promenades avec de la musique. Elle écoute beaucoup de musique classique, mais aussi les Beatles ou Yves Montand, par exemple.

 

Denise Bombardier se souviendra longtemps d'un épisode sur une autoroute de la Nouvelle-Angleterre, lorsque la roue arrière de sa Jeep s'est détachée. "J'ai réussi à maîtriser mon véhicule et je me suis rangée sur le bord de la route. Quand le gars de la dépanneuse est arrivé, il a regardé ma voiture et m'a dit: "M'dame, z'êtes une excellente conductrice"..."

 

La femme de lettres avoue ne pas avoir de liens affectifs avec ses autos. "Il n'y a qu'avec mon garagiste que j'ai un lien affectif. C'est le prince des garagistes", dit-elle en riant. Son garagiste s'appelle Jean Duchesneau; c'est le frère de l'ancien chef de la police de Montréal, Jacques Duchesneau. Elle lui voue une confiance aveugle.

 

Madame B. n'a pas de voitures de rêve. Elle ne porte pas en très haute estime les voitures de performance. Elle a d'ailleurs une sainte horreur de la course automobile, notamment la Formule 1. "Je me suis souviens d'avoir interviewé Alain Prost. Il m'avait donné des laissez-passer. Je suis allée dans les puits et j'ai failli mourir. C'était insupportable!"

 

Elle s'est toutefois laissé charmer par les voitures décapotables lors de ses derniers séjours en Floride, où elle a loué une Chrysler Siebring. "Je n'ai pas le culte de la voiture, mais je sais quoi faire avec quand j'en ai une entre les mains", lance-t-elle avant d'éclater de rire.

 

Photo Stéphane Champagne, collaboration spéciale

Quand vient le temps de quitter la jungle urbaine pour son camp de pêche en Mauricie, Denise Bombardier se retrouve avec délectation derrière le volant de sa puissante camionnette rouge, une Ford F-150.

La fausse chroniqueuse auto

 

En pleine guerre froide, Denise Bombardier s'est fait passer pour une autre en Allemagne de l'Ouest. Rassurez-vous, cela n'avait rien à voir avec le monde du contre-espionnage.

 

Dans les années 70, alors jeune journaliste, on l'a prise, à tort, pour une chroniqueuse automobile venue du Canada. Elle a joué le jeu. Résultat, l'opportuniste d'occasion s'est retrouvée sur un circuit fermé au volant d'un prototype de Mercedes.

 

"Avant de partir pour une série de reportages en Allemagne, on m'a demandé les endroits que j'aimerais visiter. J'ai dit, notamment, l'usine de Mercedes. Après la visite, nous sommes allés sur une piste où un pilote en combinaison m'a demandé si je voulais monter à côté de lui pour un essai routier", explique Denise Bombardier. Pas du tout décontenancée par ce qui lui arrivait, la journaliste québécoise en a savouré chaque instant. "Après avoir roulé à plus de 225 km/h, le pilote a immobilisé la voiture et m'a demandé si je voulais conduire moi aussi. J'ai tout de suite accepté et je suis montée à presque 190 km/h", se souvient Mme Bombardier, qui roule en Mercedes depuis une quinzaine d'années.

 

Photo Stéphane Champagne, collaboration spéciale

De son propre aveu, Denise Bombardier est une conductrice nerveuse, voire agressive. "Le plus grand compliment qu'on m'a fait dans ma vie par rapport aux voitures, c'est que je conduis comme un homme."