Chrysler a avisé ses 3181 concessionnaires américains qu'il se débarrassera de 789 (25%) d'entre eux dès le 9 juin.

Cette décision de Chrysler, qui est insolvable et sous la protection de la Loi sur la faillite, apparaît aussi dans des documents déposés devant le tribunal fédéral de faillite. Si le juge donne son accord aux coupes, comme prévu, il ne restera que 2392 concessionnaires dans le réseau qui distribuerait les voitures issues du rachat de Chrysler par l'italien Fiat.

Par contre, les 450 concessionnaires canadiens de Chrysler (dont 95 au Québec) ne sont pas visés, a indiqué à La Presse Mary Gauthier, porte-parole de Chrysler Canada. «Ici au Canada, il n'y a pas de plan de restructuration de notre réseau de distribution, ni plan de rationalisation du nombre de concessionnaires. Nous nous attendons à ce que le total canadien demeure relativement stable, quoi qu'il pourrait y avoir des ajouts et des retraits dans certaines régions, principalement pour nous ajuster aux fluctuations démographiques ou économiques locales.»

Les coupes américaines imitent une consolidation qui a déjà été faite de façon moins brusque au Canada, explique Marc Lavigne, directeur général de la concession Longue Pointe Chrysler, Dodge et Jeep. «Aux États-Unis, il reste encore pas mal de concessionnaires qui vendent seulement une ou deux des marques Jeep, Chrysler et Dodge. Ça impliquait des coûts de distribution et de marketing plus élevés; par exemple, le Jeep Liberty a un clone qui s'appelle le Dodge Nitro.»

Aux États-Unis, Chrysler a lancé en 2008 le «Projet Genesis», qui vise à consolider chez un seul concessionnaire les trois marques, là où la chose est possible. Selon un mémo envoyé par Chrysler à ses concessionnaires américains, 80% d'entre eux vendront les trois marques après les 789 fermetures annoncées, par opposition à 62% avant.

«Au Canada, la consolidation a déjà eu lieu et nous sommes tous déjà, sauf quelques exceptions, des concessionnaires Jeep, Chrysler et Dodge», a dit M. Lavigne.

Par ailleurs, la filiale canadienne de Chrysler ne s'est pas déclarée insolvable de ce côté-ci de la frontière et elle n'est pas concernée par le processus actuellement en cours devant les tribunaux d'insolvabilité américains, a souligné Mme Gauthier, de Chrysler Canada.

«Ils nous paient les réparations couvertes par les garanties et ils assument tous les contrats en vigueur, c'est le cours normal des affaires», a confirmé M. Lavigne, de Longue Pointe Chrysler, Dodge et Jeep.

Selon M. Lavigne, les affaires sont même plutôt bonnes, malgré le resserrement du crédit qui rend les banques beaucoup plus prudentes avec les acheteurs de voitures. «Janvier et février ont été atroces, mais mars et avril ont été presque aussi bons qu'en 2008. Nous avons vendu 106 véhicules neufs en mars et 98 en avril.»

Sa seule préoccupation est plutôt de manquer de voitures neuves, si la production ne reprend pas bientôt dans les usines d'assemblage de Chrysler, qui sont toutes temporairement fermées depuis quelques semaines. «Au rythme où vont les choses, j'ai des stocks pour six semaines. Mais selon la rumeur, la production va reprendre bientôt.»

Chrysler a justifié les 789 coupes qu'elle planifie aux États-Unis dans un document de cour déposé au tribunal des faillites de New York : «Le réseau national de concessionnaires doit être réduit et remodelé pour renforcer le réseau et la profitabilité des points de vente et obtenir le meilleur résultat pour les concessionnaires et les clients», fait valoir le constructeur.

Chrysler a précisé qu'il avait dressé la liste des concessionnaires dont il entendait annuler le contrat sur la base de divers critères, y compris leur «performance».

Actuellement, un quart des 3181 concessionnaires Chrysler américains réalisent environ 50% des ventes, et la moitié réalisent 90% des ventes. En revanche les 789 promis à la fermeture ne contribuent que pour 14% du total.

Honda et Toyota, de leur côté, ont un nombre très inférieur de concessionnaires (1030 et 1242 respectivement), ce qui ne les empêche pas de vendre plus de voitures que Chrysler aux États-Unis: 1,2 et 1,6 million respectivement l'an dernier, contre un million pour Chrysler.

Le constructeur américain avait déjà eu un maximum de 6500 concessionnaires aux États-Unis au milieu des années 1960, mais n'en comptait déjà plus que 4320 en 2001, selon la motion soumise au tribunal.

Avec la chute des ventes, et les réductions de production déjà annoncées, les coupes radicales que veut Chrysler sont nécessaires, a expliqué le constructeur dans un communiqué.

Le département du Trésor, qui suit de près la restructuration de Chrysler, a publié un communiqué dans lequel il prend soin de préciser que le groupe de travail présidentiel pour l'automobile «n'a joué aucun rôle» dans la décision de Chrysler. Il a cependant ajouté que «les sacrifices» demandés sont «nécessaires pour que cette société et l'industrie automobile réussissent».

Le grand concurrent de Chrysler, General Motors, engagé dans une course contre la montre pour éviter le dépôt de bilan à la fin du mois, devrait également annoncer une réduction de son réseau de distribution cette semaine.

GM a déjà annoncé la suppression de 42% de ses concessionnaires canadiens et américains. Au Canada, le réseau GM passera de 705 à un nombre entre 395 et 425 concessionnaires. Aux États-Unis, les concessionnaires GM passeront de 5969 à 3605.

En janvier, le cabinet de consultants Grant Thornton avait estimé à 2500, soit à peu près 10% du total, le nombre de concessionnaires automobiles qui pourraient fermer leurs portes aux États-Unis. Dans son étude, il avait jugé qu'il faudrait que 5000 points de vente mettent la clef sous la porte pour que ceux qui restent retrouvent un niveau de ventes équivalent à celui de 2007.

Chrysler, qui avait élaboré un plan de restructuration de concert avec l'administration et le constructeur italien Fiat, a été contraint de se déclarer insolvable le 30 avril en raison de l'opposition de quelques créanciers. Un juge des faillites doit se prononcer le 27 mai sur ce plan, qui vise notamment à annuler plus des deux tiers de la dette du Chrysler, et prévoit un partenariat stratégique avec Fiat. Chrysler espère que ce plan lui permettra de sortir du contrôle judiciaire d'ici à la fin juin.



Avec Agence France-Presse