C’est Alex Tagliani qui propose sa propre tournée médiatique. C’est lui aussi qui veille personnellement à préparer les activations marketing avec ses commanditaires.

Il a vraiment « les deux mains dedans ». Même après 20 ans sur les circuits du monde, dans les meilleures séries, formule Atlantique, Champ Car, IndyCar, NASCAR. Même s’il a gagné, même s’il a signé la position de tête à l’Indy 500. Il travaille encore avec l’acharnement de ses débuts. Pas le choix, tout est toujours à refaire dans son monde.

« Quand tu es dans la voiture… C’est ma passion. Si tu es prêt à travailler 90 % du temps pour le 10 % dans la voiture, fais-le. Sinon, fais autre chose. Quand j’embarque dans l’auto, je capote autant qu’à mes débuts. »

Extraire un dixième de seconde d’une voiture, sur le bord d’un mur de ciment, quand tu n’as rien laissé sur la table, que tu as frôlé tous les murs… Je dors bien la nuit.

Alex Tagliani

On a dit oui à l’entrevue pour deux raisons. Un, c’est « Tag », et c’est toujours un plaisir de piquer un brin de jasette avec lui.

Deux, c’est le week-end du Grand Prix de Trois-Rivières, avec pour affiche principale la course NASCAR Pinty’s (version canadienne de la NASCAR américaine) dont il est une des vedettes. Tagliani est double tenant du titre de ce qui est devenu un incontournable des amateurs de course du Québec.

« Ça a joué pour beaucoup dans ma carrière. Quand je courais en IndyCar, quand le calendrier sortait, je regardais si j’avais un conflit. Si je n’en avais pas, j’essayais de rouler à Trois-Rivières. C’est mythique. Les formules Atlantique, Jacques Villeneuve, Claude Bourbonnais, Patrick Carpentier. C’est dur de répliquer une atmosphère comme celle-là. Tu roules dans les rues de la ville, la porte Duplessis, le Parc portuaire, le boulevard des Forges. »

Tagliani veut gagner, surtout que l’épreuve fête son demi-siècle. Il est au quatrième rang de la série Pinty’s, grâce entre autres à sa victoire chèrement acquise à Toronto à la mi-juillet. La lutte est serrée avec les Andrew Ranger, Kevin Lacroix et Louis-Philippe Dumoulin, devant lui au classement.

« Tag » parle de course, beaucoup, avec passion. Il parle de marketing aussi. S’il roule encore sa bosse, c’est que ses commanditaires, EpiPen et Rona en tête, lui permettent de « payer » son volant à ses patrons. C’est ainsi que ça fonctionne. Il explique : c’est comme si un joueur de hockey qui rêve à la LNH négociait sa place avec un directeur général en échange de quelques millions de dollars. À ses débuts, il détestait cette partie inévitable du métier. Il avait trop à perdre.

« J’arrivais au cégep Ahuntsic en veston-cravate pour mes cours de génie civil. Après mes cours, je courais après l’argent. Un non pouvait tout arrêter. Maintenant, j’ai une certaine stabilité. J’apprécie plus l’aspect business. Ça amène autre chose de valorisant. Je négocie avec des gens haut placés et mes idées sont bien reçues. Je ne dois pas être un pied de céleri non plus. »

Dans la camionnette de Kyle Busch

La roue tourne. L’argent des commanditaires convainc les équipes d’offrir des volants aux pilotes. Puis, les pilotes essaient d’en profiter pour attirer l’attention des équipes plus riches qui n’ont pas besoin de ces revenus supplémentaires.

« Tag » a déjà été de ces pilotes qui n’avaient pas à courir les partenaires, il y a un peu plus de 10 ans. Mais il a alors fait le choix de rester en Champ Car plutôt que de passer dans la série rivale de l’IRL quand de riches équipes lui faisaient de l’œil. La pire décision de sa carrière. Il l’a prise en écoutant son cœur, car il aimait les circuits de Champ Car, notamment ceux au Canada. Quand l’IRL a englouti le Champ Car, presque tout le monde a perdu son emploi.

« Tu as deux choix. Ta carrière est finie ou tu vas voir une équipe avec peu d’argent. Le cercle vicieux a recommencé. Tu amènes de l’argent, ça va bien, tu te démarques contre les grosses équipes. À un moment, manque d’argent. Une autre équipe t’a remarqué, il y a de l’argent. Tu embarques dans cette équipe, puis la même chose se passe. »

Tant et si bien qu’après 20 ans de carrière, il a encore « les deux mains dedans ». Remarquez, Tagliani ne s’en plaint pas. Il se sait privilégié en NASCAR, dans une série bien organisée et sécuritaire. En plus, le pilote est arrivé avec une belle nouvelle : il empruntera la camionnette no 51 du légendaire Kyle Busch sur le circuit ontarien de Mosport, fin août. C’est pour lui une occasion exceptionnelle de gagner, avec une équipe de premier plan (Kyle Busch Motorsports).

« J’ai fait mes preuves sur circuits routiers. J’ai aussi laissé une bonne impression chez Penske [écurie de pointe pour laquelle il a roulé quelques fois]. Quand tu passes là et que tu n’as pas fait trop de carnage, ça paraît bien. Si tu es le mouton noir parce que tu fais la boule de bowling, ces équipes ne vont pas te donner leur voiture. Kyle Busch est presque aussi connu que le président. Tu dois faire attention. C’est une grosse équipe. Pour un pilote, avoir la chance d’être dans une machine où tu peux gagner, c’est exceptionnel. »