On jette un coup d’œil rapide sur les résultats de la saison en F1, et on comprend immédiatement le cœur du problème.

Australie, Bahreïn, Chine, Azerbaïdjan, Espagne… dans tous les cas, les Mercedes ont occupé les deux premières marches du podium. À Monaco, scandale, une Ferrari s’est glissée en deuxième place. Entre les deux Mercedes, évidemment.

Jamais depuis le début de la saison un pilote d’une autre écurie que Mercedes, Ferrari ou Red Bull n’a accédé au top 5, en six courses. La sixième place est un peu devenue le Saint-Graal de la F1, une Haas par-ci, une McLaren par-là, une Racing Point parfois. Les écuries du peloton ne peuvent à peu près plus rêver à mieux, dans la F1 actuelle.

Au classement des pilotes, Lewis Hamilton et Valtteri Bottas sur Mercedes ont évidemment plusieurs longueurs d’avance. Sebastian Vettel sur Ferrari et Max Verstappen sur Red Bull se battent pour la dernière place du podium. Les autres pilotes Ferrari et Red Bull, Charles Leclerc et Pierre Gasly respectivement, ferment le top 6. Évidemment.

Le reste se partage les miettes. Au classement des constructeurs, Mercedes s’est échappée, logiquement, loin devant Ferrari et Red Bull. Après, la lutte pour la quatrième place bat son plein, avec McLaren qui devance en ce moment Racing Point.

Comme si ce n’était pas assez, Mercedes présentera au monde sa nouvelle évolution moteur lors du Grand Prix du Canada, dimanche.

« On essaie toujours d’aller plus loin, tellement de gens travaillent si fort à ce moteur, a dit Lewis Hamilton. Ça n’a pas toujours été une route facile, mais le premier moteur était fiable. C’est un circuit de puissance, alors l’évolution arrive au parfait moment. Il y a de petites améliorations un peu partout, mais ce n’est rien de majeur. Tout le monde travaille très fort pour aller chercher de petits pourcentages. »

Hamilton est un vainqueur magnanime. Il est devenu le visage de la F1, fort de ses cinq titres mondiaux. Sur piste, il est toujours aussi intraitable, dans une voiture exceptionnelle. Il est l’incarnation de celui dont le tatouage décore sa jambe, Muhammad Ali, dans sa pose célèbre au-dessus d’un Sonny Liston terrassé.

Hamilton parle avec aisance de sa relation avec son père, au beau fixe après des années d’éloignement. (« Parfois, il faut passer du temps loin l’un de l’autre pour grandir et recommencer une relation. ») Il raconte son premier Noël au sein d’une famille unie depuis une éternité. Il raconte cette soirée mythique d’anniversaire avec son père, jusqu’au petit matin à Londres. Il parle aussi de ce qu’il veut laisser à la postérité, et qui n’a rien à voir avec ses prouesses en piste.

« Je veux aussi aider à la diversité, parce qu’il y en a très peu dans ce sport. Je veux contribuer à changer le visage de la F1. » — Lewis Hamilton

« Je veux laisser la chance aux jeunes de faire leur place même s’ils viennent d’un endroit comme celui d’où je viens. C’est si onéreux de faire du karting. C’était 20 000 livres dans mon temps, c’était une fortune pour nous [son père occupait parfois trois emplois en même temps pour aider son fils à réaliser son rêve]. Maintenant, ça coûte des centaines de milliers de livres. »

Le reste

Hamilton a beau être un vainqueur magnanime, il a aussi conscience que la popularité de la F1 s’effritera si les courses sont trop prévisibles. Comme elles le sont en ce moment. Comme elles l’étaient à l’époque de l’hégémonie de Michael Schumacher. L’intérêt pour un produit sportif vient essentiellement de l’incertitude et des émotions qu’elle fait naître.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Lewis Hamilton et Lance Stroll ont piqué un brin de jasette lors de la conférence de presse des pilotes dans le cadre des activités entourant le Grand Prix du Canada, qui aura lieu ce week-end.

« Si on regarde les 12 dernières années, on change les règlements pour la voiture, pour essayer de réduire les coûts et encourager les dépassements, mais selon moi, ces décisions n’ont pas donné grand-chose. Liberty est arrivée et les problèmes sont les mêmes, les gens ne sont plus aussi excités. Il y a une disparité entre les équipes riches et les autres, mais ça va plus loin que les règlements pour la voiture. C’est essentiel, mais il y a aussi l’aspect divertissement. » 

Il se réjouit de voir un tel engouement pour la F1 à Montréal, mais assure que ce n’est pas pareil partout. Parfois, la promotion fait défaut, juge-t-il. Il poursuit, et de toute évidence il a réfléchi à l’enjeu. La saison de F1 est composée de 21 week-ends qui sont exactement les mêmes. Il croit qu’ils pourraient être différents, selon les circuits. Il lance une idée : pourquoi ne pas tenir deux courses à Monaco, circuit où les dépassements sont impossibles ? 

Hamilton propose aussi de retourner aux moteurs 12 cylindres, aux boîtes de vitesses manuelles, de réduire les espaces de dégagement en bordure des pistes, de mettre fin à l’aide au pilotage pour le volant. Bref, tout pour compliquer la tâche des pilotes. 

« Tu devrais être très fatigué après une course, comme après un marathon. Parfois, j’ai l’impression que je pourrais faire sans problème deux ou trois courses, et la F1 ne devrait pas être comme ça. » — Lewis Hamilton

Lance Stroll était assis juste à côté de lui. Il fait partie de ce « milieu de peloton » que chacun décrit comme plus serré que jamais, mais en même temps, plus éloigné du sommet que jamais. Ces équipes dont les budgets sont plus bas, parfois de quatre contre un, que ceux des écuries de pointe.

« Un plafond salarial pour l’égalité des chances entre les écuries rendrait la F1 plus intéressante. Comme dans la LNH, la NFL, la NBA, où l’écart entre les équipes est faible. C’est en raison d’un plafond bien géré, et j’aimerais voir la même chose en F1. Au lieu d’avoir deux secondes de différence par tour entre les voitures, on aurait des dixièmes de seconde. Il y a aussi les changements de règlements pour la voiture qui nous permettraient de rouler roue contre roue et d’ajouter du piquant aux courses. » 

Évidemment, c’est le moment de passer ses messages pour les pilotes. La révolution des règlements de la F1 est attendue pour 2021.