Depuis l’introduction des moteurs hybrides, en 2014, cela fait cinq ans que Ferrari tente de battre Mercedes, quatre ans que l’Allemand Sebastian Vettel est dominé par son grand rival Lewis Hamilton.

Les voitures de la Scuderia sont pourtant compétitives et celle de cette année, la SF90, était encore la meilleure lors des essais hivernaux à Barcelone. Comment expliquer alors qu’on arrive déjà au tiers de la saison sans que Ferrari ait gagné un seul Grand Prix et qu’une véritable crise semble imminente dans l’équipe ?

Conscient de son rôle au sein de l’équipe, Vettel a tenté de calmer le jeu après sa deuxième place chanceuse au Grand Prix de Monaco. « Je ne pense pas que la voiture soit aussi mauvaise qu’elle en a l’air, a-t-il assuré en point de presse. Le moteur est très bon et nous sommes très performants ici et là, mais c’est difficile d’être constants.

« Nous manquons d’appui et c’est difficile d’amener nos pneus dans la petite fenêtre où ils sont efficaces. Quand nous sommes dedans, nous sommes plus compétitifs. Cela dit, même là, nous ne sommes pas où nous voudrions être par rapport à Mercedes. Nous savons où est le problème, il faut maintenant travailler encore plus fort pour trouver une solution. »

Vettel a aussi dénoncé ceux qui critiquent la gestion de l’équipe, même si les bévues se sont multipliées depuis le début de la saison : « C’est toujours facile de critiquer, mais je ne pense pas que ce soit correct de critiquer de cette façon, sans connaître toute la vérité », a-t-il souligné en point de presse.

« Quand vous voulez être les meilleurs et que vos performances ne sont pas au niveau souhaité, c’est très difficile de progresser. Il faut aller jouer avec les limites, prendre des risques parfois. C’est notre situation actuellement. Mercedes a un avantage sur ses concurrents et ils peuvent limiter les risques. Ce n’est pas notre cas. Nous devons l’accepter et travailler plus dur encore. » — Sebastian Vettel

On commence toutefois à raconter dans les paddocks que Vettel est las de la gestion erratique de la Scuderia et des nombreuses occasions ratées depuis une ou deux saisons. Des rumeurs de retraite ont trouvé des échos dans la presse spécialisée et il ne faudrait pas s’étonner de voir l’Allemand tirer sa révérence si les choses continuent de dégénérer.

Leclerc veut des explications

Embauché pour dynamiser l’équipe, le jeune pilote monégasque Charles Leclerc s’est lui aussi vite lassé de son traitement chez Ferrari. La dernière bévue, pendant les qualifications du Grand Prix de Monaco, aurait fait déborder le vase.

Obligé de partir en fond de grille par la faute d’une mauvaise estimation de ses ingénieurs, Leclerc est parti le couteau entre les dents, comme un kamikaze. Il n’avait de toute évidence aucune chance d’atteindre l’arrivée à ce rythme démentiel et il a d’ailleurs joyeusement détruit une partie de sa voiture en roulant trop vite après une crevaison. Un message à ses patrons, selon certains.

Le pilote de 21 ans a commis sa part d’erreurs lui aussi, mais ses performances ont été en général meilleures que celles de Vettel, même si l’Allemand a souvent obtenu un traitement de faveur.

Plusieurs fois cette saison, Leclerc a déclaré après une course avoir besoin d’« explications » pour comprendre certaines décisions de l’équipe. On dirait qu’il les attend encore et, même si ce serait étonnant qu’il renonce à un volant dont il a toujours rêvé, son agent a laissé entendre après le Grand Prix de Monaco que le pilote pourrait être tenté s’il recevait une proposition d’une autre équipe de pointe…

Des patrons sous pression

Le directeur de la Scuderia, Mattia Binotto, a pris la place de Maurizio Arrivabene au terme de la dernière saison. Directeur technique la saison dernière, il continue d’assumer une partie des tâches de ce poste.

« Nous sommes plusieurs à occuper de nouvelles fonctions cette saison et il y a eu une période d’adaptation. Il y a eu des erreurs, c’est vrai, mais nous n’abandonnons pas. Nous connaissons les raisons de nos performances irrégulières, mais la solution n’est pas simple. » — Mattia Binotto, directeur de l’équipe Ferrari, en point de presse à Monaco

« Nous travaillons présentement à l’usine sur un programme de développement qui devrait résoudre nos problèmes. Cela prendra du temps et les voitures seront encore les mêmes au Canada. Je pense que nous ferons mieux au Canada qu’à Barcelone, mais les Mercedes sont encore les plus fortes. »

Ferrari, c’est une religion en Italie, et les médias y sont aussi durs avec la Scuderia que les nôtres peuvent l’être avec le Canadien. Binotto sait que son équipe doit vite réagir, sous peine de voir la haute direction de Ferrari remettre en question son leadership.

« Tout le monde est motivé à renverser cette situation, a-t-il assuré à Monaco. Le championnat est encore très long et les développements se poursuivront. Nous ne fuyons pas la pression, mais nous n’avons pas le temps d’écouter les critiques et d’y répondre. »

Sebastian Vettel

PHOTO YANN COATSALIOU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Sebastian Vettel

Allemand, 31 ans

Salaire en 2019 : environ 45 millions

Débuts en F1 : 2006, chez Toro Rosso

Titres mondiaux : 4 (2010, 2011, 2012, 2013)

Grands Prix : 225

Victoires : 52

Podiums : 114

Positions de tête : 55

Charles Leclerc

PHOTO YANN COATSALIOU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Charles Leclerc

Monégasque, 21 ans

Revenus en 2019 : environ 3,5 millions

Débuts en F1 : 2018, chez Alfa Romeo/Sauber

Grands Prix : 27

Victoires : 0

Podiums : 1

Positions de tête : 1

Leur équipe

Ferrari

PHOTO YANN COATSALIOU, AGENCE FRANCE-PRESSE

C’est la plus prestigieuse écurie de la F1. Fondée en 1929 par Enzo Ferrari, la Scuderia est la seule équipe qui participe au Championnat du monde de F1 depuis sa création en 1950 et l’équipe a remporté pas moins de 15 titres pilotes et 16 titres constructeurs, avec des pilotes de légende comme Michael Schumacher, Niki Lauda ou Gilles Villeneuve. Le dernier titre remonte toutefois déjà à 2007, avec Kimi Räikkönen, et les tifosi du monde entier sont de plus en plus impatients de revoir les bolides rouges ornés du cheval cabré au sommet de la hiérarchie.

Leur voiture: Ferrari SF90 — Moteur Ferrari 064

Impressionnante pendant les essais d’avant-saison à Barcelone, la SF90 s’avère moins performante que la Mercedes W10 depuis le début de la saison. Le châssis est pourtant efficace, le groupe propulseur toujours plus puissant, mais la Scuderia ne parvient pas à tirer tout le potentiel de l’ensemble. Soumise à une grande pression, l’équipe a commis des fautes stratégiques et cherche encore les réglages qui permettraient de mieux exploiter les pneus, un secteur où Mercedes excelle.

Leur patron: Mattia Binotto

PHOTO BENOIT TESSIER, REUTERS

Mattia Binotto

Directeur technique la saison dernière, Binotto a orchestré un véritable putsch contre Maurizio Arrivabene avec l’appui d’une grande partie du personnel de l’équipe. Mais la gestion de la Scuderia a toujours été très « politique » et Binotto, qui a une formation d’ingénieur, doit déjà défendre ses décisions et celles de ses collaborateurs dans un contexte où les résultats sont loin des attentes toujours très élevées de la haute direction de Ferrari et des partisans de l’équipe.

Ferrari en bref

Débuts en F1 : 1950

Usine : Maranello (près de Modène, dans le nord de l’Italie)

Ressources : plus de 2000 employés et un budget annuel de près de 700 millions

Titres constructeurs : 16

Titres pilotes : 15 (Alberto Ascari, 1952, 1953 ; Juan Fangio, 1956 ; Mike Hawthorn, 1958 ; Phil Hill, 1961 ; John Surtees, 1964 ; Niki Lauda, 1975, 1977 ; Jody Scheckter, 1979 ; Michael Schumacher, 2000-2004 ; Kimi Räikkönen, 2007)

973 Grands Prix

235 victoires

755 podiums

220 positions de tête