Ma voiture à moi! Et à personne d'autre!

Voilà la prérogative dont jouissent, par exemple, les acheteurs de Rolls-Royce, de Ferrari ou d'Aston Martin. Auprès de ces marques de renom, on a évidemment le choix de la couleur, mais aussi de la teinte des cuirs, des boiseries, des métaux et quoi encore. Cet art subtil du sur-mesure permet de confectionner un objet absolument unique, mais à des coûts qui le sont tout autant.

Difficile d'appliquer cette approche personnalisée lorsque l'usine tourne à fond la caisse et produit un véhicule toutes les 50 secondes. Une minute. Impensable peut-être au temps de Henry Ford et de son unique Modèle T noir, mais les usines d'assemblage offrent aujourd'hui beaucoup plus de flexibilité. Les constructeurs en tirent déjà profit.

Pour preuve, les quelque 13 000 pièces d'un véhicule offrent un potentiel de variantes quasi infini. Pour mieux différencier ce qui reste perceptible au premier regard, l'invisible - châssis, climatisation, pompes, bref toute la quincaillerie - est uniformisé sur les modèles de gabarit similaire. Cette politique dite de plateformes communes limite les coûts liés à la multiplication des modèles. Elle permet aussi aux constructeurs d'investir dans la personnalisation, indispensable pour multiplier et différencier l'offre.

L'ennui est que cette pluralité de modèles ne suffit pas, elle non plus, aux consommateurs qui recherchent de plus en plus une forme d'exclusivité. Aujourd'hui, chacun veut «sa» voiture, pas forcément radicalement différente de celle du voisin, mais tout de même fidèle à sa personnalité. Jouer sur le seul aspect extérieur (carrosserie, jantes, aileron, etc.) fonctionne toujours, mais le client veut aussi retrouver dans l'habitacle le confort et le bien-être de son foyer. Une sorte de loft sur roues. D'où le nouvel engouement des constructeurs pour les options à l'intérieur: sièges, volant, pédalier, appliqués du tableau de bord et de la console.

Mercedes, Audi, BMW et Porsche proposent tous de volumineux catalogues d'accessoires, mais c'est à la «nouvelle» Mini surtout que l'on doit l'actuel essor de la personnalisation. Nouvel essor? En effet, les offres de choix multiples de coloris et d'accessoires n'ont pas toujours été couronnées de succès. Les programmes conçus chez Mercedes pour la Smart ou encore chez GM pour Saturn (Ion), pour ne nommer que ces deux-là, l'ont clairement démontré. Y compris chez quelques constructeurs tentés de reproduire depuis 2001 la recette - en apparence toute simple - du constructeur germano-britannique, mais qui ne sont jamais parvenus à connaître le même succès.

Au-delà de son agrément de conduite et de sa bouille sympathique, la Mini doit en effet une partie de son succès à ses programmes de personnalisation qui permettent de l'enguirlander en choisissant, par exemple, un motif spécifique pour le toit. Une reproduction de l'unifolié? Une fleur de lys? L'emblème du Canadien de Montréal, alors? À vous de choisir! Et ça donne toujours des idées aux autres!

En Europe par exemple, la Citroën DS3 offre aussi cette option et vous invite à colorier ses coques de rétroviseurs et même sa clé de contact. Vous n'êtes pas très doué dans le mariage des couleurs? Le constructeur français a tout prévu: une application Apple (iPhone, iPad) et un site internet permettent de réaliser quelques essais avant de passer commande.

Plus près de nous, Chrysler compte également jouer sur la personnalisation pour rendre la Fiat 500 plus séduisante encore. D'ailleurs, il y a quelques semaines, à l'occasion du salon SEMA (Speciality Equipment Market Association), Mopar, division de pièces du constructeur américain, a d'ailleurs donné de quoi faire rêver (et dépenser surtout) les acheteurs en présentant une 500 lourdement grimée pour accentuer le caractère général de sa physionomie.

Photos fournies par Citroën

La collection été 2010 de la Citroën DS3 a été enjolivée pour convenir à toutes les personnalités.

La Mini, la DS3, la 500: la personnalisation intéresse surtout les constructeurs de petites voitures ces jours-ci. Cela s'explique: elles génèrent peu de profits. D'ailleurs, vous pouvez croire sur parole le représentant d'un concessionnaire lorsqu'il vous affirme que la marge bénéficiaire sur la vente d'une sous-compacte, voire d'une compacte est plutôt maigre. Et la marge du constructeur, elle? Impossible de la vérifier, car trop complexe à calculer.

Qu'importe, ce qu'il faut retenir est que la personnalisation ne plaît pas seulement au consommateur qui souhaite rouler à bord d'un véhicule qui lui ressemble. Elle fait aussi l'affaire du constructeur et du concessionnaire qui, à la vente de chacun des accessoires, gonflent leurs bénéfices.

La personnalisation n'intéresse pas tout le monde, cependant. Pour plaire aux plus timides, tout l'art du constructeur (et de son concessionnaire) consiste à orienter le client le plus subtilement possible dans les artifices les plus classiques... tout en lui laissant croire que son modèle est unique! Plusieurs consommateurs n'y sont d'ailleurs pas opposés, car trop de choix est souvent source de confusion, d'interrogations et de doutes. Les listes d'options qui ressemblent aux reçus des supermarchés suscitent parfois même des phénomènes de rejet. Parlez-en aux acheteurs de Porsche (vos gicleurs de phares, vous les voulez chromés ou de la même teinte que la carrosserie?), de Jeep (quel rouage intégral désirez-vous?) et même de camionnettes (quel rapport de pont convient à vos besoins?). Comme quoi plusieurs consommateurs veulent être originaux, mais qu'on leur simplifie la vie. Paradoxal, vous dites?

Prudent, sans doute, car «Ma» voiture à moi risque de ne pas intéresser les «autres», le jour venu de sa revente.

Photo fournie par Chrysler

Mopar, division de pièces de Chrysler, a donné de quoi faire rêver les acheteurs en présentant au SEMA une 500 grimée pour accentuer le caractère général de sa physionomie.