Pour des raisons économiques ou écologiques, le covoiturage et l'autopartage ont considérablement progressé dans les dernières années. Certains poussent plus loin le raisonnement en étant copropriétaires d'un véhicule avec des voisins ou un ex-conjoint. Un choix astucieux qui ne peut séduire tout le monde, malgré tout.

Lorsqu'ils se sont séparés il y a presque 10 ans, Cassandra et Robin ont décidé de partager la location d'une voiture. Jeunes parents, ils ont renouvelé l'expérience récemment en achetant une Nissan Versa d'occasion. Si la voiture et le prêt sont au nom de Cassandra, Robin paie la moitié du remboursement, de l'assurance et de l'immatriculation. Elle est la conductrice principale, lui le conducteur occasionnel. Tous deux se partagent à parts égales les factures de réparation et, chacun leur tour, ils s'assurent de l'entretien régulier tel que le changement d'huile.

La raison de ce partage est évidente: ils diminuent de moitié leur budget automobile.

Sébastien Tremblay a eu la même idée il y a cinq ans. Sa conjointe Mélanie Duhaime et lui se sont tournés tout «naturellement» vers leurs voisins. Allan Laforest et Julie Belpaire n'ont alors pas hésité. Les deux couples ont acheté une voiture d'occasion, une Toyota Corolla. «Chacun a mis la moitié en prêt personnel», dit Sébastien qui est le conducteur principal sur le contrat d'assurances alors que sa conjointe, Mélanie, et sa voisine, Julie, sont conductrices occasionnelles. Comme pour les assurances, le coût du certificat d'immatriculation, sur lequel figurent les noms de Sébastien Tremblay et Julie Belpaire, est partagé à parts égales.

Les deux couples répartissent les coûts variables selon le principe de l'utilisateur payeur. L'entretien, les réparations et l'essence sont répartis selon l'utilisation et le kilométrage que chaque foyer fait. Ils ont dans le véhicule un carnet d'utilisation dans lequel ils notent l'utilisateur, les dates, le kilométrage et le coût de l'essence.

Pour ces deux couples montréalais, comme pour Cassandra et Robin, chaque foyer a la voiture une semaine sur deux. «La voiture suit la garde partagée», souligne Cassandra qui habite dans le même quartier que son «ex» à Québec.

Dans un cas comme dans l'autre, il y a une certaine flexibilité quant à l'utilisation en cas d'urgence ou de besoin particulier.

Pour Sébastien Tremblay, «il y a plus de bénéfices que d'inconvénients» à cette copropriété. «C'est sûr que certains week-ends, c'est frustrant, mais cela fait partie de l'accord. On le fait ou pas», dit-il.

Son voisin Allan relève qu'il n'y a «jamais eu de problèmes car le partage est basé sur le principe de «chacun sa semaine»».

Pour Cassandra, le seul petit irritant est de parfois hériter d'un réservoir à sec. Pour le reste, elle note qu'ils n'ont pas à louer une voiture ou à être abonnés à un service d'autopartage.





Pas pour tous

Depuis le temps qu'ils partagent de cette manière un véhicule, ces couples interrogés n'ont curieusement pas fait d'émules dans leur entourage. «Les gens trouvent cela bizarre que j'aie une voiture avec mon ex, témoigne Cassandra. Les gens sont vraiment étonnés quand on leur explique, ce n'est pas courant.»

«Cela allume beaucoup de monde, mais je ne suis pas sûr que les gens soient prêts à le faire», pense son ex-conjoint, Robin. La liberté de mouvement n'est pas totale et le commun des mortels est attaché à posséder un bien seul.

Pour partager une voiture de cette façon, il faut répondre à certaines exigences. «Il ne faut pas avoir besoin d'une voiture tous les jours, pour aller travailler. Nous, on a le même genre d'usage, pour des sorties occasionnelles, on n'a pas de déplacements quotidiens. Et il faut habiter près les uns des autres», explique Julie Belpaire, qui avait déjà tenté, en vain, l'expérience avec son frère - ce dernier avait particulièrement besoin de l'auto.

Sébastien Tremblay et Allan Laforest clament en choeur qu'il ne faut pas être «des maniaques de véhicules», ce qu'ils ne sont absolument pas. «Notre vie ne tourne pas autour de la voiture.»

Les uns comme les autres reconnaissent qu'un déménagement pourrait remettre en cause le partage.

Plus que toute autre, la condition première de la réussite d'un tel partage est de très bien s'entendre entre copropriétaires. «Il faut une confiance mutuelle», souligne Robin.

Ces couples n'ont signé aucun contrat de partage ou de copropriété entre eux. «On est un peu marginaux», avance Sébastien. Marginaux dans cette démarche, peut-être. Mais pour combien de temps?

Photo Robert Mailloux, archives La Presse

Partager un véhicule peut impliquer la présence ou les traces de Pitou.