Le bilan annuel Essence 2008 de CAA-Québec a suscité quelques dénégations de l'industrie pétrolière à la fin de l'hiver. On y apprenait que des stations-service ne se sont pas gênées pour prélever des marges conséquentes. Chaque partie se livre à une petite bataille de chiffres et à une contestation des méthodes de calcul. Pendant ce temps, l'automobiliste continue à payer un peu plus.

C'est à en perdre son latin. Le club automobile révélait en février que la marge au détail moyenne prélevée par les stations-service de la région de Montréal a explosé l'an dernier par rapport à 2007. La marge moyenne prélevée sur chaque litre d'essence vendu y serait passée de 3,3 cents à 5,8 cents (taxes exclues), dépassant la moyenne provinciale de 5,5 cents - moyenne calculée par la Régie de l'énergie.

L'Institut canadien des produits pétroliers a contesté ces chiffres en s'appuyant sur ceux du cabinet d'analystes et de consultants indépendant de Calgary MJ Ervin&Associates. Selon celui-ci, cette marge à Montréal est passée de 4,1 à 4,5 cents le litre, sur la même période. À la Régie de l'énergie, on a calculé qu'elle était passée de 4,5 à 4,9 cents le litre.

Pour Carol Montreuil, vice-président Division de l'Est de l'Institut canadien des produits pétroliers, il peut y avoir une variation entre les sources étant donné qu'elles ne prennent pas les mêmes échantillons. Ces différences sont «normales».

«Des variations dans les dixièmes de point ne sont pas anormales et inquiétantes, dit-il. En moyenne, sur ces cinq dernières années, la marge à Montréal est entre 4 cents et 5 cents le litre. Cela se maintient dans ces eaux-là. La marge du détaillant n'a à peu près pas changé.»

Un avis que ne partage pas Sophie Gagnon. La directrice principale des relations publiques et gouvernementales de CAA-Québec défend ses données et sa méthode de calcul en précisant que le club fait deux relevés quotidiens contre un seul hebdomadaire de la part de la Régie de l'énergie et de MJ Ervin&Associates. Le club les compare avec l'indicateur quotidien du coût d'acquisition; la Régie avec le coût d'acquisition à la fermeture des marchés le jeudi.

«En 2008, cette hausse est assez soudaine et anormale, dit-elle. Montréal constitue la plus grande région du Québec en termes de densité de population, de variété de bannières. Il devrait donc y avoir une variation plus grande dans les prix. Les marchands devraient s'arracher des parts de marché intéressantes. En principe, là où l'on observe les plus hauts volumes de vente, cette marge devrait être moindre.»

Doutant que le CAA ait les moyens d'avoir un échantillonnage suffisant, Carol Montreuil rappelle que Montréal «est encore l'endroit en 2008 où les prix (sans les taxes) sont les moins élevés au Canada, selon MJ Ervin».

CAA-Québec reconnaît qu'il est «normal» que cette marge au détail varie d'une région à l'autre. La vente au détail de l'essence obéit entre autres à des dynamiques locales différentes. «Mais il est difficile de comprendre pourquoi, d'une année à l'autre, les détaillants ont augmenté leur marge à Montréal alors que d'autres régions du Québec, notamment les Laurentides et Lanaudière, qui regroupent pourtant des marchés beaucoup moins importants, sont en mesure de conserver des marges moyennes sous les 4 cents par litre», dit Sophie Gagnon.

Au-delà de ce débat, les automobilistes subissent les fluctuations du marché. D'après les derniers chiffres de la Régie de l'énergie, cette fameuse marge était à Montréal de 3,7 cents en avril et de 6,6 cents en mai...