Les automobiles à hydrogène pourraient un jour concurrencer les électriques dans la course aux déplacements sans pollution. Mais à condition que les stations pour les recharger soient plus nombreuses. Et ce n'est pas demain la veille.

Honda, Toyota et Hyundai ont loué des véhicules à hydrogène à quelques centaines de clients depuis 2014 et s'attendent à en louer au moins un millier cette année. Mais pour l'instant, ces baux sont limités à la Californie, où se trouvent la plupart des 34 stations de recharge à hydrogène des États-Unis. Il y en a une dizaine dans tout le Canada.

Téméraires, les constructeurs automobiles investissent fortement dans la technologie des piles à combustible fonctionnant à l'hydrogène. General Motors a récemment fourni à l'armée américaine un pick-up Colorado militaire à hydrogène. Honda et GM collaborent en outre sur un système de pile à combustible qui devrait être disponible en 2020. Hyundai offre déjà un Sante Fe à hydrogène dans une poignée de villes de Corée, d'Amérique du Nord et d'Europe et présentera l'an prochain un VUS à hydrogène à plus longue autonomie.

Pas offert partout Ce Hyundai Tucson à l'hydrogène est distribué en location de trois ans dans quelques États américains et on le retrouve aussi en très petit nombre en Colombie-Britannique et en Ontario. Photo: Reuters

«Nous avons assurément dépassé le stade de recherche scientifique : la technologie est viable», assure Charles Freese, patron des activités de piles à combustible chez GM.

Comme pour les automobiles complètement électriques, les véhicules à pile à combustible fonctionnent avec un moteur électrique, sans faire de bruit et ne produisent aucune émission de gaz. Mais elles ont de gros avantages. Les véhicules à pile à combustible peuvent être rechargés aussi rapidement qu'une automobile à essence. Par comparaison, une tout électrique comme la Chevrolet Bolt peut mettre jusqu'à neuf heures pour une pleine recharge à l'aide d'un chargeur domestique de 240 volts. De plus, les autos à hydrogène ont une plus grande autonomie.

Rares comme de la barbe de pape

Malgré tout, les recharges de véhicules à hydrogène sont aussi leur plus grand obstacle. La construction d'une station où faire le plein coûte jusqu'à 2 millions $, alors les entreprises hésitent à les construire à moins que ces véhicules soient plus nombreux sur les routes. Mais les constructeurs, de leur côté, ne veulent pas construire des véhicules que les consommateurs ne pourront pas recharger. C'est un cercle vicieux.

Il n'y a que 34 stations de recharge à hydrogène aux États-Unis --31 d'entre elles sont en Californie-- et une dizaine dans tout le Canada. En comparaison, le Canada compte 4551 bornes électriques de recharge publiques tandis que les États-Unis en ont 15 703. Or, ces bornes peuvent être installées à une fraction du coût des stations à hydrogène. Sans compter les millions de bornes domestiques qui permettent aux propriétaires de véhicules électriques de les recharger pendant la nuit.

En conséquence, les consommateurs américains ont acheté près de 80 000 véhicules électriques l'an dernier, mais seulement 1082 véhicules à pile à combustible à hydrogène, selon WardsAuto.

La comparaison n'est pas représentative au Canada. Hyundai a trouvé quelques preneurs pour une poignée de voitures à hydrogène près de Surrey, en Colombie-Britannique et quelques autres en Ontario. La compagnie canadienne Hydrogenics a obtenu la semaine dernière une subvention qui lui permettra de construire ses deux premières stations d'hydrogène canadiennes dans la région de Toronto.

Au Québec, un projet-pilote financé par l'État devrait amener la construction de quelques stations multicarburant --comprenant des pompes à hydrogène-- dont la première d'ici la fin de 2018. Quatre régions ont été choisies, soit Montréal, Québec, l'Estrie et l'Outaouais.

2 millions de dollars La compagnie canadienne Hydrogenics, qui a installé une cinquantaine de stations d'hydrogène dans le monde, vient d'obtenir une subvention qui lui permettra d'en construire deux dans la région de Toronto (ses deux premières au Canada). Ces stations coûtent jusqu'à 2 millions de dollars. Photo:  Presse Canadienne

Seulement quelques modèles à hydrogène

Honda a commencé à louer sa berline à hydrogène Clarity 2017 plus tôt cette année aux États-Unis; environ 100 d'entre elles circulent déjà sur les routes américaines.

Au Salon de l'auto de New York cette semaine, le constructeur a aussi dévoilé des versions électriques et hybrides de la Clarity.

L'hybride rechargeable peut rouler sur 67 kilomètres en mode électrique avant qu'un petit moteur prenne le relai, a expliqué Honda. La Clarity complètement électrique peut parcourir 178 kilomètres sur une seule charge. Les deux seront en vente plus tard cette année.

Les automobiles à pile à combustible génèrent de l'électricité pour alimenter la batterie et le moteur en mélangeant de l'hydrogène et de l'oxygène. Cette technologie n'est pas nouvelle: GM a dévoilé son premier véhicule à pile à combustible, l'Electrovan, en 1966. Seulement deux passagers pouvaient y prendre place; l'arrière du véhicule était réservé à de gros réservoirs d'hydrogène et d'oxygène. L'Electrovan pouvait parcourir environ 240 kilomètres entre chaque recharge, et son réservoir à hydrogène a explosé au moins une fois.

Les avancées technologiques dans le stockage d'hydrogène, les piles à combustible et les batteries ont permis aux ingénieurs de réduire grandement la taille de ces composantes, et ils peuvent aujourd'hui les installer dans une berline.

La nouvelle Clarity de Honda peut parcourir environ 590 kilomètres entre ses recharges, ce qui représente la plus grande autonomie de l'industrie. Ce véhicule se loue 369 $ US par mois pour un bail de 36 mois. C'est davantage que le paiement mensuel de 354 $ US pour une location de véhicule électrique Chevrolet Bolt. Mais Honda, Toyota et Hyundai offrent des recharges gratuites d'hydrogène. Un kilo d'hydrogène coûte entre 13 $ US et 16 $ US, ce qui signifie qu'une recharge peut coûter jusqu'à 80 $ US pour la Clarity -dont la capacité est de cinq kilos -, selon le département américain de l'Énergie.

Même avec ces cadeaux, les analystes croient que les ventes de véhicules à pile à combustible seront limitées tant qu'un plus grand nombre de stations de recharge ne seront pas construites.

Mais les constructeurs automobiles vont tout de même continuer à investir dans ce type de véhicules. Selon M. Freese, cette technologie peut être appliquée à plusieurs autres secteurs que celui de l'automobile, notamment dans les véhicules autonomes de plongée en eaux profondes ou dans les systèmes d'alimentation énergétique de secours à domicile.

Seulement quelques modèles Le président de Honda, Takahiro Hachigo, pose avec la Clarity Fuel Cell à hydrogène à Tokyo le 30 janvier 2017. Photo: AFP