«Pour ceux qui ont choisi cette technologie, c'est un boulevard qui s'offre à eux.»

Carlos Ghosn jubile. Le PDG de l'Alliance Renault-Nissan se frotterait presque les mains à l'idée de pouvoir répondre à la demande du gouvernement chinois. Lui qui a parié sur le tout électrique avant bien des concurrents, il n'a pas manqué de rappeler au dernier salon automobile de Pékin que la Chine voulait voir 500 000 véhicules électriques et hybrides branchables sur ses routes d'ici 2015. Pas moins de cinq millions d'ici 2020!

Observateur attentif, Sylvain Castonguay, directeur technique du Centre national du transport avancé, estime que «la Chine agit de manière plus déterminée que l'ensemble de la planète dans le domaine électrique. Il faut regarder ce qui s'y passe.»

Ce qui s'y passe? Au centre-ville de Pékin, si la voiture à essence a remplacé le vélo, les deux-roues motorisés fonctionnent quasiment tous à l'électricité. Cette année, 25 villes déploieront des centaines d'autobus électriques et mèneront un projet pilote d'utilisation de véhicules électriques. Le rabais gouvernemental à l'achat d'une voiture 100% verte couvre environ 16% du prix. D'ici 10 ans, la Chine aura investi 15 milliards dans les «énergies nouvelles».

Shenzhen est la ville la plus ambitieuse. Elle veut convertir l'ensemble de son réseau de bus à l'électricité, après avoir tenté l'expérience des taxis électriques avec succès. Les 300 modèles e6 du constructeur chinois BYD ont convaincu ses élus. Et doivent convaincre à présent les consommateurs.

Conséquence, tous les grands constructeurs ont un programme de conception et de mise en marché de véhicules verts.

La motivation du gouvernement chinois est triple. Il lui faut s'attaquer au plus vite aux graves problèmes de pollution atmosphérique dans les agglomérations. Capitale de 20 millions d'habitants, Pékin compte six millions de véhicules en circulation. Les bouchons sont quotidiens et n'épargnent aucun quartier. Le smog couvre la ville régulièrement.

D'un point de vue économique, la Chine veut s'affranchir autant que possible du pétrole, elle qui importe plus de la moitié de ce qu'elle consomme.

Sur le plan stratégique, le pays veut devenir le leader du marché électrique. Il possède ou contrôle déjà presque tous les maillons de la chaîne: les terres rares nécessaires à la fabrication des batteries, des manufacturiers de blocs-batterie, des constructeurs automobiles et... des consommateurs.

«La Chine est le meilleur laboratoire parce que vous y avez les acheteurs», s'enthousiasme Micheal Austin, vice-président de BYD America.

«Je ne sais pas si la Chine est un laboratoire électrique, mais il est certain qu'il y a une volonté très forte», tempère Emmanuel Levacher, directeur commercial Asie-Afrique de Renault.

Pour promouvoir le transport alimenté à l'électricité, le gouvernement joue la carte «made in China». L'Allemand Daimler et son allié local BYD ont ainsi présenté au salon de Pékin le produit de la première marque automobile exclusivement électrique sur le marché chinois: Denza. Nissan, de son côté, commercialisera sa Leaf en 2015 sous le nom de Venucia, la marque issue de sa collaboration avec le Chinois Dongfeng. Le gouvernement veut voir émerger son industrie automobile et celle-ci doit être électrique.

Des obstacles

Il y a cependant beaucoup d'écueils à ses ambitions. Le premier est le même que partout ailleurs dans le monde: convaincre l'automobiliste. «Les clients cherchent encore des voitures à essence, qui sont moins chères», reconnaît Kimiyasu Nakamura, PDG de Dongfeng Motor, coentreprise du Japonais Nissan et du Chinois Dongfeng Group. La e6 de BYD, première tout électrique chinoise, se détaille presque 40 000$, déduction faite du rabais gouvernemental. Cela fait cher pour un croisement entre une berline et une minifourgonnette.

Selon les estimations, il y a actuellement 100 000 voitures électriques et hybrides en Chine, propriétés de l'État pour la plupart. On est loin des 500 000 projetées dans trois ans.

Cet objectif apparaît d'autant moins réaliste que la liste des défis est longue et difficilement surmontable à court terme. Constructeurs et autorités gouvernementales ne l'évoquent pas, mais le réseau électrique est désuet, le raccordement à celui-ci est parfois différent d'une ville à l'autre et une mégapole comme Pékin n'est pas conçue pour la recharge à domicile. La production d'électricité est par ailleurs issue du charbon, le potentiel hydro-électrique étant par exemple inexistant dans l'est du pays, une région particulièrement sèche.

Pour couronner le tout, «les gouvernements provinciaux sont très influents», confie Tycho de Feyter, rédacteur en chef de CarNewsChina.com. Le pouvoir central n'a pas beaucoup d'emprise sur les provinces, rendant difficile l'application d'une politique nationale uniforme.

Dans l'immédiat, «les véhicules électriques n'ont pas d'impact sur la compétition entre constructeurs en Chine», dit Yale Zhang, directeur général du cabinet d'analyses chinois AutoForesight.

Si jamais ils ne sont pas les premiers dans ce domaine, les Chinois seront tout de même dans le peloton de tête à l'avenir.

Le gouvernement chinois veut voir sur les routes 500 000 véhicules électriques et hybrides branchables d'ici à 2015, 5 millions d'ici à 2020.