Les lancements de la Chevrolet Volt et de la Nissan Leaf sont d'ores et déjà assurés d'être l'événement automobile qui sera le plus couvert par les médias généralistes et spécialisés durant les 12 prochains mois. Mais la «révolution électrique» annoncée n'est pas pour demain, affirme la réputée firme d'analyse marketing J.D. Power&Associates.

En dépit de l'intérêt énorme que suscitent les hybrides et les électriques dans le grand public, dans les officines gouvernementales, dans les médias et chez les écologistes, ces véhicules seront très minoritaires durant la prochaine décennie, prévient le cabinet américain.

Il ne se vendra que 5,2 millions d'hybrides et de voitures électriques en 2020, soit 7,3% des 70,9 millions de ventes mondiales prévues cette année-là. À la fin de 2010, il devrait s'être vendu 954 500 voitures vertes, soit 2,2% des ventes totales de 44,7 millions unités.

C'est la douche froide qu'a versée le rapport de J.D. Power publié mercredi et intitulé Drive Green 2020: More Hope Than Reality? (L'auto verte 2020: plus espoir que réalité?).

Convaincre les consommateurs

Après avoir sondé les coeurs et les reins du consommateur, J.D. Power conclut que les ventes d'hybrides et d'électriques resteront sous la barre des 10% et que la majorité des consommateurs refusent le prix plus élevé des autos vertes même s'ils s'inquiètent de la pollution.

Le cabinet d'analyses rappelle que les prix ne baisseront évidemment pas avant qu'elles soient produites en masse ou que des subventions gouvernementales compensent.

J.D. Power conclut également que le consommateur est sceptique quant à la technologie, surtout concernant la durée de vie des batteries et leur coût de remplacement. Enfin, le consommateur s'inquiète de la valeur de revente des autos vertes.

Il sera difficile de convaincre un grand nombre de consommateurs d'abandonner les véhicules ordinaires, à moins qu'un ou plusieurs scénarios improbables se matérialisent. Il faudrait une hausse importante du coût de l'essence; or, les prix à la pompe devraient rester relativement stables. Il faudrait qu'une percée technologique majeure se produise pour faire baisser le coût des batteries; or, rien de tel n'arrivera sur le marché d'ici 10 ans.

Il faudrait aussi une politique concertée et des subventions massives pour inciter les consommateurs à acheter des voitures vertes; or, les gouvernements n'ont pas l'argent pour financer de tels programmes.

«Ce sont les consommateurs qui vont décider et, d'après nos recherches, on ne prévoit pas une migration de masse vers les véhicules verts dans les prochaines décennies, dit John Humphrey, vice-président à la recherche sur l'automobile chez J.D. Power.

À moins de stratégies gouvernementales incluant des encouragements fiscaux ou un rehaussement marqué des normes d'efficacité énergétique.»

De plus, J.D. Power a documenté des réticences majeures, aux pourcentages élevés, de consommateurs face à l'apparence, la conception, la fiabilité, la puissance, la performance, l'autonomie et le temps de recharge des voitures vertes.

Mais la réticence la plus forte est le prix. «Bien des consommateurs disent qu'ils sont préoccupés par la pollution, mais quand ils découvrent le prix d'une auto verte, leur altruisme décroit beaucoup, dit M. Humphrey. En fait, 50% des consommateurs intéressés à acheter une hybride perdent l'intérêt si on leur dit qu'ils devront dépenser 5000$ de plus que pour une auto ordinaire.»

Le coût total pour posséder une hybride ou une électrique n'est pas clair pour le consommateur, qui se demande combien d'années il faut pour que ces coûts soient effacés par l'économie d'essence.

En fin de compte, J.D. Power tire un portrait de l'acheteur-type d'auto verte. Ce spécimen social est «généralement plus âgé, plus diplômé (maîtrise ou doctorat), mieux payé et profondément intéressé par la technologie; ou, du moins, il aime être parmi les premiers à adopter tout produit technologiquement innovant. Par conséquent, il n'est pas évident que les hybrides et les électriques exercent un attrait pour la population en général», conclut le rapport.

L'électricité, cheval de Troie de l'auto chinoise?

Les gouvernements, bien entendu, peuvent influencer toute l'équation décrite ci-haut, note J.D. Power. L'étude ne dit mot sur le sujet, mais tout changerait si, par exemple, le gouvernement américain, pris à la gorge par sa dette internationale (ou pour d'autres raisons), décidait de taxer l'essence à des niveaux comparables à ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Ce serait une façon indirecte de stimuler les ventes de voitures vertes et de réduire la dépendance américaine face aux pays exportateurs de pétrole.

Le rapport de J.D. Power cible spécialement le gouvernement chinois comme étant une «carte frimée» pouvant changer toute la donne des voitures vertes: «La Chine, particulièrement, peut rapidement investir massivement dans la mise au point d'une technologie de propulsion, tout en décrétant des normes d'efficacité énergétique ou environnementales qui hausseraient le taux de pénétration de cette technologie donnée. Vu la taille du marché automobile chinois, cela pourrait donner des économies d'échelle permettant d'abaisser le coût des voitures mues par des technologies alternatives.»

On sait que le gouvernement chinois met actuellement une pression considérable sur les grands constructeurs automobiles, menaçant de bloquer l'accès à son vaste marché à ceux qui refuseraient de transférer leurs plus récentes technologies dans des coentreprises dirigées à 50% par des intérêts chinois.

PROJECTIONS DE VENTES

> Sur les 5,2 millions de véhicules verts qui devraient se vendre en 2020, 3,9 millions seront des hybrides et 1,3 million des électriques.

> Les États-Unis devraient être le principal marché des hybrides, avec 1,7 million, suivis de l'Europe (977 000) et du Japon (875 000). Moins de 100 000 hybrides seront vendus en Chine.

> L'Europe devrait être le principal marché des voitures électriques, avec 742 000 ventes en 2020. Viendraient ensuite la Chine (332 000), les États-Unis (100 000) et le Japon (100 000).

Source: JD Power