Qui a dit que l'hiver était la saison morte en sport automobile? Il y a au Québec des dizaines d'endroits où l'on organise des épreuves au coeur de la saison froide. Et c'est probablement la plus accessible des formes de course automobile qui soit. Tout ce que ça prend, c'est un bazou et une surface bien gelée.

À Beauharnois, la première course sur glace a eu lieu il y a 50 ans déjà. On s'apprête d'ailleurs à souligner l'événement samedi avec une présentation toute spéciale du Grand Prix Yves Surprenant, avec notamment des courses en soirée - une première - de même qu'une épreuve mettant aux prises des camions 10 roues - oui, oui, vous avez bien lu, une course de poids lourds sur anneau de glace! Et pour clore la soirée, un DJ sous chapiteau chauffé et, qui sait, un feu d'artifice si les conditions le permettent.

Pour les gens de la région, les courses sur glace font partie du quotidien hivernal. «Il y a toujours eu des courses de bazous, à Kahnawake, Châteauguay, Beauharnois ou Saint-Louis-de-Gonzague, explique Sylvain Allard, président du club Kilowatts, qui organise les courses à Beauharnois. Les pères ont couru dans les années 60 et 70, aujourd'hui ce sont les fils.»

Ici, rien de trop compliqué. On descend en voiture, en motoneige ou à pied (pour les moins frileux) et on s'installe aux abords du circuit ovale tracé non loin de cabanes à pêche sur glace, dont plusieurs ont d'ailleurs été installées par des concurrents. «C'est un peu devenu un rituel, soutient M. Allard. Près de 75% des gens qui nous suivent reviennent à chaque événement.»

Quant aux courses, elles mettent en scène des bazous déglingués, classés selon leurs moteurs - à quatre ou huit cylindres - et leurs pneus - avec ou sans crampons. Au groupe se joignent aussi parfois des motos et des VTT.

«Les pilotes viennent de la région, mais il y a une petite gang de Saint-Eustache qui se joint à nous, de même qu'à l'occasion un gars de Victoriaville et un autre de Mascouche, explique Sylvain Allard. Mais ça demeure assez local, les gars fréquentent surtout la piste de leur région.»

Triple couronne

Jimmy Bérard essaie quant à lui de changer cela. Il a mis sur pied cette année la série de courses sur glace Eskape, qui regroupe pour l'instant les épreuves de Lavaltrie, Roxton Pond et Berthierville, la «triple couronne». Ici, les courses se disputent sur circuit routier. Pour les autos, ça ressemble à du rallycross, alors que les épreuves de motos et de VTT s'apparentent à des courses de type supermotard. Et on encourage le mélange des genres. «Plusieurs séries de courses sur glace ont échoué parce qu'elles ne regroupaient qu'un seul type de véhicules, explique le jeune entrepreneur de 30 ans. J'ai l'impression que les gars sont contents de voir quelque chose d'organisé, avec un nombre assuré de compétiteurs. Parfois, dans certains événements locaux, tu peux te retrouver avec seulement deux ou trois véhicules dans une classe. On cherche donc à assurer une qualité et une quantité de coureurs.»

Jimmy Bérard aimerait bien voir la série passer à quatre ou cinq épreuves, mais il s'agit probablement du maximum envisageable. «Sur un lac, tu dois avoir au moins de 20 à 22 pouces de glace, explique M. Bérard. La saison doit se dérouler de la fin de janvier au début de mars.»

Jimmy Bérard veut aussi s'assurer du sérieux des promoteurs partenaires. Une course à Beauharnois? Sylvain Allard en doute, d'abord pour des raisons logistiques; son organisme est à but non lucratif et le site aménagé sur le lac Saint-Louis est public, difficile donc de demander aux amateurs de payer le gros prix pour une compétition de plus grande envergure.

Qu'à cela ne tienne, les deux formules peuvent certainement cohabiter, ce sont autant d'occasions d'aller découvrir un sport hivernal accessible, méconnu et spectaculaire à souhait.

Les courses à venir:

> Grand Prix Yves Surprenant, Beauharnois, samedi 21 février

> Grand Prix des Îles, Berthierville, samedi 28 février

Une affaire de famille

Dans le secteur de Beauharnois, qui dit Dumouchel dit course sur glace. «J'avais 5 ou 6 ans et je voyais mes oncles travailler sur leurs autos dans le garage de la ferme familiale de Saint-Étienne, nous a expliqué Patrice Dumouchel, qui frôle aujourd'hui la quarantaine. De fil en aiguille, ils m'ont transmis la passion.»

Dès que Patrice a obtenu son permis de conduire, à 16 ans, il s'est acheté une voiture de course. Aujourd'hui, il transmet son art à son fils Antoine, 9 ans, qui s'apprête à faire ses premiers pas en course junior sur l'anneau de glace voisin de Kahnawake.

Si Patrice Dumouchel a roulé quelques saisons sur l'ovale asphalté de Saint-Eustache et qu'il course depuis trois ans sur terre battue, il revient toujours à la glace pour se mesurer à son oncle Sylvain, 51 ans, et son cousin Alex, 22 ans. Tout ça après avoir fait une pause de la compétition quand ses trois enfants étaient en bas âge.

«Tu peux sortir le gars du char, mais tu peux pas sortir le char du gars!» Ça semble encore plus vrai pour un Dumouchel.

Photo Bruno Dorais, magazine pole-position

Patrice Dumouchel et son fils Antoine.