Il faudra «au moins plusieurs mois» à Volkswagen pour faire la lumière en interne sur l'affaire des moteurs truqués, a reconnu jeudi le constructeur, qui en parallèle à ces investigations se voit contraint d'organiser des rappels monstres de voitures.

Confronté à une multiplication des questions et zones d'ombre, le groupe de Wolfsburg a mandaté un cabinet d'avocat américain, Jones Day, pour mener une enquête indépendante en interne.

Les membres du conseil de surveillance «ont acquis la conviction que cette investigation allait prendre au moins plusieurs mois», selon un communiqué diffusé à l'issue d'une nouvelle réunion de crise des membres les plus influents de cet organe de contrôle.

«Il s'agit d'une enquête approfondie et de grande envergure, qui va s'atteler à éclaircir toutes les questions en suspens», promet Volkswagen.

Le groupe, mastodonte au 200 milliards d'euros (300 milliards $ CAN) de chiffre d'affaires annuel et aux douze marques allant des motos Ducati aux camions MAN en passant par les bolides de luxe Porsche, annule pour cette raison une assemblée générale extraordinaire prévue le 9 novembre, faute de pouvoir y apporter suffisamment de réponses aux «attentes légitimes» des actionnaires.

Le rendez-vous d'annonçait particulièrement houleux pour le groupe, dont la capitalisation boursière a fondu de presque 50% par rapport au début d'année.

Multiplication des rappels

Les actionnaires étaient aussi censés élire à la tête du conseil de surveillance le directeur financier actuel, Hans Dieter Pötsch. Ces derniers jours des doutes avaient surgi sur ce point, vu sa proximité avec le patron déchu Martin Winterkorn. Mais M. Pötsch est bien toujours le candidat du choix du conseil, a confirmé celui-ci jeudi.

Fleuron de l'industrie allemande et numéro un mondial de l'automobile, Volkswagen a avoué la semaine dernière avoir équipé 11 millions de véhicules dans le monde d'un logiciel capable de fausser les résultats des tests antipollution et de faire passer ses voitures VW, Audi ou encore Skoda pour plus «vertes» qu'elles ne le sont vraiment.

Le constructeur «informera très prochainement et de manière régulière les actionnaires» sur les avancées de ses efforts pour faire la lumière sur l'affaire, et son directoire fournira ces prochaines semaines des premiers éléments de réponse aux questions, notamment celle de qui savait quoi à quel moment, a-t-il promis.

Une douzaine de directeurs, soupçonnés d'avoir participé au développement et la mise en circulation du logiciel ou simplement d'avoir été au courant, ont été suspendus dans l'attente des conclusions de l'enquête, rapportait cette semaine le mensuel Manager Magazin.

En parallèle, les avis de rappel de véhicules se multiplient partout en Europe. Les 5 millions de voitures de marque Volkswagen, des Golf, des Passat et des Tiguan notamment, devront repasser au garage, a prévenu le groupe, qui informera les clients en temps voulu. Jeudi le chiffre de 650 000 rappels pour l'Italie a été annoncé.

Plaintes en pagaille

Cette opération, colossale, n'est toutefois qu'un souci parmi d'autres pour Volkswagen. Frappé de plein fouet par la déflagration mondiale de ce scandale, le constructeur est également la cible d'une kyrielle d'enquêtes judiciaires et de dépôts de plaintes dans de nombreux pays.

Et comme aux États-Unis depuis la semaine dernière, cabinets d'avocat et conseillers en tout genre fourbissent leurs armes en Europe pour inciter propriétaires de voitures Volkswagen et actionnaires laissés sur le carreau par la chute du cours de Bourse à se retourner contre le groupe.

La Suède envisage elle un éventuel redressement fiscal pour le constructeur automobile allemand Volkswagen, compensant le manque à gagner en taxes sur les émissions de CO2.

L'étau s'est toutefois légèrement desserré jeudi pour l'ancien patron du groupe, M. Winterkorn, qui a rendu son tablier la semaine dernière. Le Parquet de Brunswick a fait marche arrière et indiqué que, contrairement à ce qu'il avait annoncé en début de semaine, M. Winterkorn n'était pas nommément visé par une enquête à propos des moteurs truqués.

Le rôle dans l'affaire de M. Winterkorn, 68 ans, sera tout de même passé au crible, puisque des plaintes déposées auprès du Parquet le désignent personnellement, et qu'il a dirigé le directoire de Volkswagen pendant huit ans.