Incarnation de la liberté automobile, icône d'une génération ou encore espace de vie sur quatre roues, le "Bulli" voit sa dernière usine, au Brésil, cesser sa production. Le Bus de Volkswagen a fait son temps. Rétrospective du précurseur des véhicules de loisir.

Une idée de génie

1947-1949

C'est en arpentant l'usine Volkswagen de Wolfsburg que Ben Pon a l'idée de fournir aux commerçants, artisans et entrepreneurs un véhicule de transport de charges à la fois simple, robuste et peu onéreux à construire et à entretenir. Le 23 avril 1947, cet importateur néerlandais de véhicules Volkswagen ébauche sur son bloc-notes une esquisse de ce qui deviendra le fourgon le plus populaire au monde. Il griffonne alors une structure plus ou moins rectangulaire dont l'extrémité avant est arrondie. En position verticale, le volant colle au pare-brise. Le moteur est placé à l'arrière. Rien de tel n'existe encore.

Il faut croire que Pon a été suffisamment convaincant auprès des dirigeants et ingénieurs de Volks pour que ceux-ci présentent en novembre 1949 un prototype de véhicule de cargaison de forme assez ronde, dénué de vitres latérales et arborant un gros logo VW sur le museau en V. Aussitôt, il a reçu le surnom de "Bulli" (bouledogue).

La légende était née.

Les années «split-windows»

1950

La production de ce véhicule est lancée dès le 8 mars 1950. Il est affublé du nom de Type 2, la Coccinelle étant le Type 1, premier véhicule de production d'après-guerre de VW. Ce véhicule de transport - qui devient le Transporter, dans le jargon - séduit par son ergonomie. Le véhicule peut transporter jusqu'à huit personnes. En quelques gestes, les deux rangées de sièges arrière se démontent, ce qui permet le transport de charges.

Dès l'année suivante, la version Samba est exclusivement conçue pour le transport de personnes et est caractérisée par une peinture bicolore, des chromes, un toit roulant et pas moins de 21 fenêtres. Comme à l'origine, le pare-brise est en deux parties.

Volkswagen présente en 1952 la version Plateau. À l'arrière de la cabine, la caisse de 4 m2 recouverte d'une bâche est utile aux entrepreneurs.

En 1956, les premiers Transporter sortent de la nouvelle usine de Hanovre. Mais les capacités de production ne répondent pas à la demande, les exportations sont croissantes. Des usines poussent en Afrique du Sud, en Allemagne, au Brésil et au Mexique.

Génération hippie

1968

En 1967, 1,8 million d'exemplaires de la première génération du Transporter sont sortis d'usine. En pleine mouvance hippie, Volkswagen donne un second souffle à son bus en lançant l'année suivante la deuxième génération. S'il conserve la même structure, le Type 2 change radicalement de carrosserie pour la première fois. La division du pare-brise (fortement galbé à présent) a disparu, tout comme le V du museau. Les fenêtres - réduites au nombre de six - ont été agrandies, le hayon est plus grand, l'unique porte latérale est coulissante, la carrosserie s'allonge de 20 cm. La sécurité, la puissance et le confort ont été nettement améliorés.

Ce Transporter est encore plus séduisant auprès des consommateurs. Quelque 3,9 millions d'exemplaires de cette génération seront vendus entre 1968 et aujourd'hui.

Entre-temps, le véhicule a eu une nouvelle vocation, outre le transport de passagers et de charges. Il est devenu le "camping-car" le plus répandu au monde. Dès 1951, Volkswagen sous-traite la conversion d'une partie de ses modèles Type 2 à l'entreprise allemande Westfalia-Werke, qui réalise alors une version "campeur". Cette collaboration prendra fin en 2003.

La transformation

1979

La troisième génération du Transporter est commercialisée au printemps 1979. Là encore, on assiste à une transformation radicale de la carrosserie, qui offre plus de visibilité et un volume accru. Les débuts de ce T3 sont décevants pour Volkswagen. Il n'enthousiasme pas la clientèle, et ses performances de conduite sont insuffisantes. Mais ses ventes vont décoller avec les utilisations d'un moteur à cylindres à plat opposés et d'un moteur diesel. La sécurité de conduite et le confort nettement améliorés vont asseoir son succès.

En 1983, VW renouvelle l'idée du transport dédié uniquement aux personnes. Le modèle Caravelle est le Samba des temps modernes. Les quatre roues motrices du Syncro vont quant à elles enfin offrir un côté baroudeur au bus.

Pour les puristes, cette troisième génération est la dernière du Transporter.

Les derniers exemplaires de cette génération seront assemblés en 2003, en Afrique du Sud.

Le début de la fin?

1990

Lorsque la production de la quatrième génération débute, le 6 janvier de cette année-là, c'est la fin d'une époque et d'un style pour beaucoup d'amateurs. Le T4 rompt avec le moteur arrière et la propulsion arrière. Ses deux empattements offerts et ses trois catégories de charge utile en font un véhicule très polyvalent qui balaie complètement toutes les représentations du célèbre Bulli. Si la Golf est devenue avec succès la remplaçante de la Coccinelle, le T4 n'a aucunement remplacé ses prédécesseurs dans le coeur des automobilistes.

Le Transporter va se décliner dans les années suivantes dans les versions Caravelle, Multivan et California, qui remportent un certain succès.

Lancée en 2003, la cinquième génération du Transporter est du même tonneau. Celle-ci n'est pas vendue en Amérique du Nord. En contrepartie, Volks offre le Routan, qui n'est autre que la copie conforme de la Dodge Caravan. Le Routan vit actuellement ses dernières semaines.

Quel avenir?

2013

À deux reprises, Volkswagen a caressé l'idée de produire un nouveau Bus grandement inspiré des premières générations. Chaque fois, cela s'est soldé par une mise au rancart d'un prototype.

En 2001, le Volkswagen Microbus Concept est censé sortir d'usine dans les années qui suivent. Le constructeur a déjà choisi et annoncé le lieu de production. En vain. Dix ans plus tard, Volkswagen remet ça avec son Bulli Concept, lui promettant une mise en marché dès 2014. Volks fait à nouveau marche arrière.

Officiellement, ces prototypes ont pour but «de tester la réaction du marché". Il faut croire qu'elle n'est pas suffisamment bonne. La direction préfère d'autres projets aux éventuels futurs Type 2. Ce marché du bus est en fait trop limité pour en valoir la peine. La demande est insuffisante, dit-on du côté de Volks. Sans compter que la conjoncture économique était inopportune en Europe en 2011.

Soixante-trois ans après la production des premiers modèles de Transporter, on se languit de voir ce véhicule ressusciter.

Photo Andre Penner, AP

Pour bien des puristes, les modèles des années 50 et surtout des années 70, comme celui-ci, sont les vrais «bus». 

Le conflit de générations

À chaque génération son Transporter - ou Westfalia. Pour bien des puristes, les dernières générations sont loin de ce qui a fait l'essence même du fourgon emblématique des années 60 et 70. Ne se proclame pas au volant d'un Combi qui veut. Et n'entre pas dans un cercle d'initiés n'importe quel véhicule de loisir. Le Type 2 a une âme. C'est un certain esprit. Il est fait pour les voyageurs. Pas pour les campeurs.

Cette distinction chère à bien des propriétaires du petit fourgon de Volkswagen, Jean Douville se la fait rappeler, de temps en temps.

«On nous dit que les modèles de quatrième génération ne sont pas des vrais Westfalia, on lève le nez sur nous, propriétaires de T4. Parce qu'on a le moteur et la traction à l'avant. C'est la raison principale. Et parce que notre look est plus moderne, plus aérodynamique.»

Propriétaire d'un Type 2 de 1996, soit de quatrième génération, il avoue qu'il «passe plus inaperçu avec son véhicule, incognito même» par rapport à son ancien T3 qu'il a délaissé.

Ce résidant de Mont-Saint-Hilaire concède que les deux dernières générations lancées respectivement en 1990 et en 2003 «font moins camion». Elles ont un côté plus urbain.

«Ces modèles ne m'intéressent pas. Ils ne représentent pas l'esprit des années 70. Ils ne sont pas conçus dans cet esprit de la simplicité, du temps de vivre», estime Éric Boucher, propriétaire de deux modèles des années 70 et d'un exemplaire de la toute première génération.

Si cette distinction n'est qu'affaire de perception, selon Pierre Gendron, il n'en reste pas moins que le Club international des camping-cars Westfalia, dont il est le président, n'accepte pas tous les véhicules. Un West monté sur une plateforme Fiat, par exemple, se verra refuser l'accès. Tout comme les Rialta montés sur des T4 ne sont pas acceptés au club.

La raison? «Il ne faut pas déborder de l'esprit original du camping-car et il faut rester dans des dimensions raisonnables, explique M. Gendron. Nos membres sont tous des passionnés de ce type de camping-car qu'est le West, car il est petit, malléable et passe-partout. On y est dévoués pour ce qu'il procure comme sensations de conduite et de vie.»

Les règlements limitent même à 21 pieds la longueur des véhicules. Au-delà, point de carte de membre. «Il y a des limites pour conserver l'esprit du véhicule et l'utilisation que l'on en fait», ajoute M. Gendron.

Et cette utilisation démarque le plus souvent les premières générations des versions plus récentes ainsi que des grands véhicules récréatifs. Si l'on trouve des randonneurs, des cyclistes, voire des kayakistes chez les proprios de vieux West, il n'en reste pas moins qu'ils ont pour point commun d'être des voyageurs.

«On ne traîne pas avec nous tout ce que l'on a chez nous. On n'est pas des campeurs, on est des voyageurs», soutient Jacques Denault, propriétaire d'un West 1997 et ex-détenteur de deux modèles de troisième génération.

Le petit fourgon de Volks ne permet pas seulement de sortir dehors, il permet surtout de sortir ailleurs. «Pour moi, le principe est le même peu importe la génération: c'est un véhicule de voyage, fait pour se déplacer et ne pas être stationné à la même place. On ne passe pas la semaine à manger dedans, comme un motorisé. Nous, on sort», résume M. Douville.

Qu'il s'agisse de la première ou de la quatrième génération, il n'y a pas de conflit entre elles, assurent les amateurs du genre. «C'est simplement le véhicule qui a évolué», conclut Éric Boucher.

Photo fournie par Volkswagen

Le VW Transporter de première génération (1950-1967) assemblé sur la photo au Brésil. 

Les derniers des T2

Le mois dernier, Volkswagen a annoncé la fin de la production de son célèbre fourgon Type 2 deuxième génération pour le mois de décembre. 

Pour souligner cet évènement, 600 exemplaires d'une série limitée, baptisée Last Edition, ont été produits au Brésil, et vendus au prix de 39 600$ l'unité. La forte demande a poussé Volkswagen à en construire 600 autres.

L'usine de São Bernardo do Campo, dans l'État de São Paulo, au Brésil, est le dernier lieu de production au monde de ce modèle. Le pays est le dernier marché du Type 2. La nouvelle législation en matière de sécurité, qui entrera en vigueur en janvier 2014, aura eu raison de lui.

Cette version spéciale possède un moteur de 1,4 litre de 78 chevaux refroidi à l'eau - et non à l'air, comme ceux de 1968 à 1979. D'où cette calandre noire sur le nez. Il est associé à une boîte manuelle à quatre vitesses.

Il s'agit d'une version «transport de passagers» - jusqu'à neuf - de couleur bleue et blanche. Les sièges sont en vinyle. L'intérieur des portes et des panneaux de carrosserie est capitonné du même matériau. Le tableau de bord est censé rappeler celui des années 70 avec l'indicateur de vitesse au centre et la jauge à essence à droite. Ce qui n'empêche pas d'avoir à proximité des ports USB et un lecteur MP3.

Certificat d'authenticité à l'appui, chaque exemplaire possède une numérotation propre à cette édition spéciale, gravée sur une petite plaque sur le tableau de bord.

Photo fournie par Volkswagen

Le VW Transporter deuxième génération (1968-1979).     

Regard technique sur le «Bus»

> Moteur

Refroidi à l'air, le tout premier moteur a une cylindrée de 1130 cc, produisant 24 chevaux pour une vitesse maximale de 75 km/h et une consommation sur route de 9L/100 km. Le premier moteur diesel, un quatre-cylindres en ligne, équipe la troisième génération en 1981. Les moteurs ont toujours été couplés à une boite manuelle 4 vitesses.

> Châssis

À la fin des années 40, l'idée première était d'utiliser la plateforme de la Coccinelle. Mais celle-ci étant jugée trop fragile pour un minibus, le Transporter Type 2 a alors été conçu comme une boîte sans châssis. Autrement dit, il a été doté d'une carrosserie monocoque. En utilisant tout de même le moteur arrière et les essieux de la Coccinelle.

> 21 fenêtres

sur le Samba, version passagers de 1952

> 890 kg

Poids du tout premier Type 2 avec le réservoir plein, sans conducteur ni roue de secours.

> Type 2 ?

Au nom industriel de Volkswagen Type 2 ont succédé:

> en Allemagne: Bulli, puis Transporter;

> au Brésil: Kombi;

> en France: Combi;

> en Amérique du Nord: Bus;

> au Québec: Westfalia ou Campeur.

Photo fournie par Volkswagen

 Le VW Transporter deuxième génération.