Qui pour diriger Volkswagen dans les années à venir? Le géant allemand aux douze marques, sur lequel règne actuellement un tandem au pouvoir sans partage, a coupé court à cette question soulevée par la presse, reportant sine die la désignation d'un dauphin.

C'est un article du Handelsblatt, paru quelques jours avant l'ouverture du salon automobile IAA de Francfort, qui a mis le feu aux poudres.

Selon le journal, le président du conseil de surveillance, Ferdinand Piëch, s'apprêterait à prendre sa retraite à 76 ans pour raison de santé. Le patron du groupe, Martin Winterkorn, le remplacerait et serait lui-même suppléé de manière temporaire par le directeur financier, Hans Dieter Pötsch.

L'information, de nature à affecter le cours de l'action, a immédiatement été démentie, menace de poursuites judiciaires à l'appui. M. Piëch est «en excellente santé», a assuré Volkswagen.

Dans la foulée, le grand maître de l'automobile allemande, qui détient avec le reste de la famille Piëch et la famille Porsche la majorité des parts du groupe, est apparu à la soirée organisée par Volkswagen à l'IAA, l'air relativement en forme au bras de sa quatrième épouse.

«Je vais bien», y a-t-il affirmé, assurant vouloir rester en poste au moins jusqu'à la fin de son mandat, soit 2017.

M. Winterkorn a lui assuré qu'il resterait aux commandes au moins jusqu'en 2016, date d'expiration de son contrat. «La question de la succession ne se pose pas chez nous», a-t-il dit dans un journal, ajoutant que le conseil de surveillance s'occuperait de la recherche de candidats «en temps et en heure».

Quant à l'auteur de la «rumeur», M. Piëch a proclamé le rechercher activement. «Je ne le guillotinerai qu'une fois que je serai sûr de qui il s'agit», a-t-il promis dans le magazine Spiegel.

Le succès d'un tandem

La violence de cette réaction montre à quel point le duo Piëch-Winterkorn revêt une importance fondamentale pour Volkswagen, qui ambitionne de se hisser de la troisième à la première place mondiale du secteur d'ici 2018.

Avec 550 000 employés, 100 usines dans le monde et 193 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2012, le groupe de Wolfsburg (nord) est devenu un mastodonte qui «n'est pas facile à diriger», relève Stefan Bratzel, directeur du Centre de recherche automobile CAM.

«Le succès de Volkswagen à l'heure actuelle doit beaucoup à ce tandem», qui lui assure de la stabilité, estime l'expert automobile. «Les deux hommes se connaissent très bien, s'estiment depuis de nombreuses années et ont les mêmes vues sur beaucoup de choses».

M. Piëch, ingénieur admiré pour avoir fait d'Audi une poule aux oeufs d'or et s'être emparé du frère rival Porsche, joue un rôle clé. Si l'Autrichien, petit-fils du créateur de VW, ne tient plus les rênes de l'exécutif depuis 2001, il en reste «l'homme fort, celui qui est toujours consulté sur les grandes questions stratégiques», souligne M. Bratzel.

Comme Martin Winterkorn, il jouit du soutien inconditionnel des syndicats et des représentants du personnel. Et si ce duo venait à éclater, le groupe pourrait en souffrir d'autant qu'aucun successeur n'est en vue, juge l'analyste.

M. Piëch «n'a pas assez pris en considération ces dernières années la problématique de la succession» à la tête du groupe, juge Christina Bannier, professeure à l'université de Mayence (ouest) spécialiste de la gouvernance d'entreprise.

Avec M. Winterkorn, ils «incarnent le groupe et ont du mal à réaliser qu'il puisse y avoir pour VW une vie après eux», ajoute-t-elle.

Selon le Spiegel, aucune décision sur un successeur ne sera prise avant deux ans. Plusieurs personnalités seraient sur les rangs: les chefs du développement d'Audi, de Bentley, de Seat, de Scania et de Volkswagen ou encore le patron de Porsche.

Mais l'autoritarisme attribué à MM. Piëch et Winterkorn a déjà par le passé fait des victimes parmi les dauphins potentiels, à l'instar de Karl-Thomas Neumann, devenu depuis patron d'Opel.