Ses coussins gonflables dangereux, voire meurtriers, ont causé le rappel de millions de véhicules dans le monde, les plaintes pleuvent aux États-Unis et les autorités américaines mènent l'enquête: la firme japonaise Takata s'enfonce dans la tourmente, entraînant avec elle le constructeur Honda.

Dernier rebondissement en date, la demande par deux sénateurs américains de l'ouverture d'une investigation criminelle du département de la Justice a entraîné lundi un nouveau plongeon de l'action en Bourse (-17%). Elle a encore chuté de 2,88% mardi à 1143 yens (11,24 $).

Le titre de cette société tokyoïte octogénaire, brusquement passée de l'anonymat à une célébrité dont elle se serait bien passée, a abandonné plus de 60% depuis le début de l'année.

Deuxième fabricant mondial de coussins de sécurité avec 22% du marché, Takata est sur la sellette pour des exemplaires produits dans les années 2000. «Au lieu de déployer des coussins gonflables pour protéger les occupants du véhicule, ils explosent tels des grenades, projetant des éclats de métal et de plastique dans l'habitacle», décrit le cabinet d'avocats Hagens Berman, basé à Seattle, dans une plainte en nom collectif visant également Honda, plus gros client de l'équipementier.

Tous deux sont accusés d'avoir «privilégié les profits à la sécurité», Takata fabriquant alors à un rythme effréné pour satisfaire la forte demande. Pire encore, plusieurs sources affirment qu'ils avaient été alertés du problème il y a une dizaine d'années, mais «plutôt que de le prendre à bras-le-corps pour prévenir des incidents, ils se sont engagés dans des manoeuvres de tromperie pendant dix ans, ne lançant une campagne de rappels que récemment», accusent les hommes de loi dans un argumentaire similaire à d'autres poursuites pénales.

D'anciens salariés interrogés par le New York Times font même état de tests menés dans le plus grand secret dès 2004. Alors que les résultats avaient révélé des défauts de conception, Takata, prenant peur, avait ordonné aux techniciens de détruire les données, selon ces témoignages.

Bilan à ce jour: plusieurs décès (deux confirmés par Takata, quatre évoqués par la presse) et des dizaines de cas de blessures.

En dehors de probables failles de ses contrôles de qualité, principalement dans son usine mexicaine de Monclova, Takata a mis en avant une cause climatique, l'agent gonfleur utilisé - du nitrate d'ammonium - pouvant se détériorer en cas d'exposition à une humidité excessive.

Honda en première ligne

Les rappels - 16 millions de voitures depuis 2008, dont près de huit aux États-Unis, selon Scott Upham, président du cabinet new-yorkais Valient Market Research - ciblent donc des régions comme la Floride, Porto Rico ou Hawaï.

Parmi les onze constructeurs concernés, Honda est de loin le plus touché. «Il va au devant de gros problèmes», estime Hans Greimel, correspondant en Asie du magazine américain Automotive News. «S'il est prouvé qu'il a tardé à réagir ou a caché des informations, son image pourrait en souffrir durablement».

L'agence américaine de la sécurité routière (NHTSA) tente d'établir sa responsabilité aux côtés de celle de Takata. Elle a demandé aux deux firmes une série de documents, les menaçant d'une lourde amende.

Peu prolixe sur le sujet, Honda a simplement dit avoir lancé «un audit indépendant». Takata oppose de la même manière un silence assourdissant, à l'exception d'excuses à répétition dans la plus grande tradition japonaise.

Au-delà de l'impact dévastateur sur sa réputation, le fabricant, dont les ceintures de sécurité avaient déjà provoqué des millions de rappels en 1995, se prépare à des jours difficiles. Ses comptes sont tombés dans le rouge du fait du coût des réparations, et l'hémorragie ne devrait pas s'arrêter là, avertit Scott Upham, évoquant une possible extension des rappels, les frais judiciaires et d'éventuelles pénalités.

Takata peut a priori compter sur le soutien des groupes automobiles japonais, enraciné dans le système dit du «keiretsu». Steve St. Angelo, directeur des opérations latino-américaines chez Toyota, expliquait récemment que le groupe n'avait pas pour habitude de «laisser tomber ses fournisseurs» à la première occasion.

Mais les Américains et Européens risquent d'être moins indulgents, souligne M. Upham qui prédit une chute de la part de marché de Takata à 11% en 2020, au bénéfice des autres acteurs tels que le suédois Autoliv, l'américain TRW Automotive et le japonais Daicel.