Des millions de véhicules rappelés un peu partout dans le monde, dix constructeurs concernés par le même défaut, une agence gouvernementale ciblée par la critique et un fournisseur de pièces inconnu soudainement sous les feux de la rampe. L'origine de ce branle-bas de combat? Du nitrate d'ammonium, utilisé pour le déploiement de coussins gonflables, dont la réaction chimique dans certaines circonstances a eu des conséquences très graves.

Le problème



Au cours d'une année type, les coussins gonflables représentent le plus grand nombre de rappels effectués par les constructeurs automobiles. Parce qu'ils se déploient de manière intempestive ou incomplète ou parce qu'ils ne se déploient pas du tout. Le cas qui défraie la chronique, surtout aux États-Unis, est un coussin gonflable pour passager avant qui se déploie avec beaucoup trop de force, au point où il explose, projetant sur les occupants du véhicule des fragments de matériaux notamment métalliques. Quatre décès et une trentaine de blessés seraient liés à cet incident aux États-Unis.

Les constructeurs concernés



Ce problème touche la majorité de l'industrie automobile dans le monde. Le modèle de coussin gonflable incriminé a été fourni par l'entreprise Takata aux japonais Honda, Mitsubishi, Mazda, Nissan, Toyota, Subaru, aux américains Chrysler, Ford, General Motors et à l'allemand BMW. Rien qu'aux États-Unis, près de 8 millions de voitures ont déjà été rappelées. Au Canada, les constructeurs Toyota (107 339), Honda (168 968), Mazda (1111), Subaru (1112) et BMW (40 915) ont rappelé cet été des modèles 2002 à 2004 pour l'essentiel. D'un pays à l'autre, et même d'une région à l'autre, les rappels sont plus ou moins importants selon... la météorologie. C'est sous un climat chaud et très humide que se produirait le problème.

Comment est-ce possible?



Le nitrate d'ammonium est un composé chimique utilisé dans la production de gaz pressurisé qui permet entre autres de gonfler un sac expansible, tel un coussin gonflable d'automobile. Lors d'un impact, un dispositif d'allumage chauffe le gaz à l'intérieur d'un tube en acier à haute résistance. Il s'ensuit une réaction chimique qui remplit le coussin de gaz, le gonflant à une vitesse de 400 km/h. Le nitrate d'ammonium à l'origine de ce gaz pressurisé a l'inconvénient d'être sensible à l'humidité, qui le rend instable. Conséquence possible, au moment de l'allumage, il crée une pression excessive. Le coussin gonflable explose.

Takata montré du doigt



Takata est passée de l'ombre à la lumière en l'espace de quelques mois. Fournisseuse d'équipements de sécurité pour l'industrie automobile depuis plus de 20 ans, cette entreprise japonaise a choisi pour ses coussins gonflables le nitrate d'ammonium pour une raison que l'on semble ignorer encore aujourd'hui. Selon les agences de presse Bloomberg et Associated Press, Takata a transféré sa production de coussins gonflables de l'État de Géorgie au Mexique en 2005. L'année suivante, une série d'explosions a secoué l'usine et forcé l'évacuation du voisinage. L'entreprise a fait part cet été d'erreurs de manipulation et d'entreposage. Son choix d'utiliser le nitrate d'ammonium dans la production de ses systèmes de coussins gonflables fait l'objet d'une enquête.

La NHTSA critiquée



Au parfum de ce problème de déploiement de coussin au mois de juin, la NHTSA est actuellement critiquée aux États-Unis pour ne pas avoir agi promptement. Le chien de garde en matière de sécurité routière a préféré encourager les constructeurs à intervenir dans les États au climat très humide plutôt que d'imposer un rappel à l'échelle du pays. L'agence a récemment déclaré s'assurer que les véhicules retournent chez les concessionnaires dans les régions «où il y a un risque démontré». Au Canada, les véhicules concernés ont été rappelés officiellement en juin et juillet.

Ce n'est pas terminé



Le dispositif de gonflement des coussins changé chez les concessionnaires met-il pour autant fin à cette affaire de rappel? Un analyste américain du Kelley Blue Book en doutait fortement la semaine dernière. «Cela ne fait que prendre de l'expansion. La liste des marques et modèles concernés ne cesse de s'allonger», a estimé auprès d'Automotive News Karl Brauer. Le plus grand réseau américain multimarque AutoNation a annoncé il y a quelques jours cesser la vente de voitures d'occasion visées par ce rappel. Et Takata est dorénavant suspectée d'être au courant de ce défaut depuis au moins 2001.

Avec l'Associated Press, Automotive News et Bloomberg