Contrairement aux États-Unis, le marché automobile européen est relativement épargné par la vague récente de rappels de véhicules, ce qui s'explique par son morcellement, une législation moins contraignante et l'absence d'action de groupe («class action»).

Depuis deux mois, les campagnes de rappels se sont multipliées. Dernière en date, celle effectuée par Toyota, qui concerne 6,39 millions d'unités à travers le monde, à cause de divers problèmes techniques. Il avait déjà fait de même mi-février pour 1,9 million de ses Prius.

Entretemps, Volkswagen et Porsche, Nissan, PSA Peugeot Citroën et Chrysler ont aussi rappelé des véhicules, dans des proportions très différentes selon les groupes.

Le cas le plus marquant a été celui du géant de Detroit, General Motors. Entre la mi-février et la mi-mars, il a rappelé 2,6 millions de véhicules pour un défaut du commutateur d'allumage ayant empêché les airbags de se déployer, entraînant la mort de 13 personnes. Et depuis le début de l'année, il a rappelé 4 millions d'autres voitures pour différents soucis techniques.

Ces opérations concernent au premier chef l'Amérique du Nord, comment cela a souvent été le cas ces dernières années lors de rappels massifs, devant des pays comme le Japon ou la Chine. L'Europe, en revanche, paraît être moins exposée.

«Aux États-Unis, les volumes de vente d'un modèle sont beaucoup plus importants qu'en Europe», explique un analyste ayant requis l'anonymat. D'où un risque plus important qu'une pièce défectueuse se retrouve dans plusieurs centaines de milliers de voitures. Idem pour la Chine, où la qualité du réseau de sous-traitants peut aussi jouer, poursuit-il.

L'Europe exigeante en matière de sécurité 

Pour autant, les rappels existent aussi sur le Vieux continent. «Il s'en produit tous les mois, ça fait partie de la vie des véhicules», commente Bertrand Rakoto, analyste chez D3 Intelligence. Pour preuve, le ministère du développement durable français en a déjà recensé 19 depuis le début de l'année dans l'Hexagone dont le plus important, celui de la Toyota Prius, n'a pas dépassé les 16 000 exemplaires.

«En Europe, les constructeurs le font de manière plus discrète», explique l'analyste ne voulant pas être cité. Les réparations «sont effectuées le jour où on ramène sa voiture au garage pour un entretien», complète Bertrand Rakoto.

C'est possible quand le problème ne touche pas à la sécurité du véhicule. Dans le cas contraire, les groupes n'hésitent pas à contacter les automobilistes pour leur demander de ramener leurs voitures. «L'Europe reste le marché le plus exigeant en termes de sécurité, car les constructeurs ont dû pendant longtemps être en mesure de répondre aux exigences des différents organismes nationaux», rappelle l'autre analyste.

La différence de législation explique ces différences. Aux États-Unis, l'agence de sécurité routière NHTSA, qui dépend du département des Transports, peut infliger des amendes. Si un groupe automobile tarde à effectuer une campagne de rappel, le gouvernement fédéral peut aussi se saisir de l'affaire via le département de la Justice.

GM, qui est accusé d'avoir tardé à faire le nécessaire pour réparer le défaut du commutateur d'allumage, se retrouve ainsi au centre d'une triple enquête menée par le département de la Justice, la NHTSA et le Congrès.

Un autre facteur qui pousse les entreprises automobiles à prendre les devants aux États-Unis est le risque de se retrouver sous le coup d'une action en justice collective. «Les "class action" font peur car on peut se retrouver à devoir payer plusieurs millions de dollars en plus du rappel pour une pièce défectueuse. Les rappels sont donc pris très au sérieux», constate Bertrand Rakoto.

Pour preuve, GM a déjà recruté un avocat de renom, Kenneth Feinberg, qui l'aidera à évaluer la réponse à apporter aux familles des victimes.