Cet automne, Jaguar lance deux berlines - XFR-S et XJR - de près de 600 chevaux. Celles-ci illustrent clairement les intentions du constructeur anglais, désireux de s'ériger comme une solution de rechange aux bouillantes Audi RS, BMW M et Mercedes AMG en offrant, en prime, une dose d'exotisme et des sensations «à l'ancienne».

Avec sa robe bleue de France - quatre autres teintes existent -, son aileron rivé sur le couvercle de son coffre, on reconnaît la XFR-S au premier regard, mais ses apparitions seront rares. La firme anglaise, détenue depuis maintenant cinq ans par la Tata Motors, compte en importer une quinzaine d'unités au pays. Du point de vue de la direction canadienne de Jaguar, cette présence parcimonieuse entretiendra le caractère «exclusif» de ce modèle, mais aussi vise à dépoussiérer encore davantage l'image sportive de la marque depuis le lancement de la F-type.

On ne saurait nier que Jaguar réserve jusqu'ici l'étiquette R-S à ses gammes en fin de carrière. Outre la XF, seuls les coupés et cabriolets de la famille XK ont eu droit à cette jolie médaille rouge et vert flanquée des initiales nickelées censées rappeler la nature sauvage de l'espèce.

La XFR-S hérite naturellement de l'habitacle étriqué de sa lignée, mais la présence d'un gros V8 de 5 litres secondé d'un compresseur lui injecte une fougue qu'on ne lui connaissait pas. Fort de 550 chevaux, ce gros moteur s'ébroue avec majesté. Sa sonorité est assez incroyable, à la fois rauque et veloutée. Soigneusement étudiée par les ingénieurs anglais, l'acoustique des huit cylindres est enivrante et "claque" comme un fouet. Au moindre coup de gaz, ce cinq-litres gronde, mais sans jamais agresser le tympan. Il affole le chronomètre, cependant. Il faut tout juste quatre secondes pour atteindre la vitesse réglementaire sur nos routes et quatre autres pour risquer une suspension immédiate de votre permis. Le plaisir sera de très courte durée. Par chance, les reprises sont tout aussi musclées et celles-ci se mesurent sans jouer sans crainte. Elles pourraient être meilleures encore, si ses concepteurs avaient eu le loisir de partir d'une feuille blanche. En effet, la cavalerie de ce moteur est aussi impressionnante que le poids qu'il doit mouvoir. Les dirigeants de Jaguar se crispent un peu lorsqu'on aborde ce sujet, mais cette XFR-S est lourde, beaucoup trop lourde en considérant ses dimensions et son rouage à deux roues motrices. Mais comme il est dit un peu plus haut, ce modèle compte les années qui le séparent de la retraite. Pas question de revoir la structure et encore moins de se lancer dans de folles dépenses.

Plus grande encore est la surprise lorsqu'on découvre - sur un circuit, loin des radars et de la circulation - le tempérament de la XFR-S. Les berlines de la firme n'ont jamais déçu par leurs performances, mais, pour autant, elles ne brillaient pas particulièrement par la vivacité de leur comportement routier. Or, la XFR-S est pétillante, et sa tenue de route n'a rien à envier aux meilleures. À défaut d'être aussi efficace, elle se révèle plus amusante que bon nombre de ses concurrentes allemandes. Ses dimensions relativement compactes nous mettent immédiatement à l'aise. Son châssis est moins affûté que celui d'une Mercedes E63 AMG, mais son tempérament est plus joueur. En d'autres mots, elle accepte de se faire bousculer, de se placer à l'équerre dans les courbes négociées rapidement pour satisfaire votre plaisir de conduire. Mais ces sensations ne sont à vivre que sur un circuit avec toutes les aides à la conduite débranchées. Sur la route, c'est autre chose. Pour éviter les grosses bêtises et vous prévenir du risque de franchir les limites du raisonnable, une batterie d'équipements électroniques permet de corriger le tir en cas de petites erreurs de pilotage. On devine que celles-ci risquent d'être plus nombreuses encore sur une chaussée à faible coefficient d'adhérence. Dans ces conditions, la Jaguar n'a aucune chance de suivre le rythme de ses concurrentes qui ont toutes un rouage à quatre roues motrices.

La même remarque s'applique également à la XJR, l'autre berline haute performance dont la carrière commerciale commencera dans quelques semaines. Contrairement à ses rivales naturelles - Audi S8 ou Mercedes S63 AMG - , cette magnifique berline craint la neige et n'offre son plein rendement que lorsque le bitume est sec et que le soleil brille. Cela aura une incidence néfaste sur sa diffusion chez nous.

Malgré ses dimensions imposantes, on se sent étonnamment à l'aise au volant de la XJR, mais l'esprit «grand tourisme» à l'anglaise recommande une conduite pleine de tact. Tout l'art réside dans le passage des vitesses, qui doit s'opérer en douceur, sans le moindre à-coup. Menée avec doigté, la XJR reste un monstre de puissance - le moteur est le même que la XFR-S-et d'agilité en raison de sa structure en aluminium. Cela dit, elle ne déteste pas qu'on la cravache un peu. Sur le circuit du Ridge Motorsports Park en banlieue de Seattle, la XJR n'avait rien de ridicule. Ses éléments suspenseurs plus fermes, sa direction plus rapide et l'algorithme savamment calculé de sa boîte semi-automatique à huit rapports étonnent. Aussi prompte que la XFR-S (0-100 km/h), la XJ offre en prime un habitacle princier dans lequel ont été aménagés deux baquets joliment sculptés.

D'un point de vue purement rationnel, la XJR représente sans doute la plus homogène des deux et la plus confortable au quotidien. La XFR-S est plus amusante à conduire et plus exclusive encore, mais son prix et son utilisation limitée (seulement deux roues motrices) sont autant de facteurs qui détourneront les regards vers les productions allemandes...

Les frais d'hébergement liés à ce reportage ont été assumés par Jaguar Canada.

L'essentiel

> Fourchette de prix : 104 500 $ (XFR-S) - 119 990 $ à 122 990 $ (XJR)

> Coût de transport et préparation : 1350 $

> Garantie de base : 4 ans/80 000 km

> Consommation obtenue lors de l'essai : 12,8 L/100 km (XJR) - 13,6 L/100 km (XFR-S)

> Pour en savoir plus : www.jaguar.ca

Fiche technique

> Moteur : V8 DACT 5 litres suralimenté par compresseur

> Puissance : 550 ch. à 6500 tr/min

> Couple : 502 lb-pi à 2500 tr/min

> Accélération 0-100 km: 4,6 s (XJR et XFR-S)

> Vitesse de pointe : 280 km/h (XJR) - 300 km/h (XFR-S)

> Mode : Propulsion (roues arrière motrices)

> Transmission (série) : Semi-automatique 8 rapports

> Transmission (optionnelle) : Aucune

> Direction/braquage Crémaillère : nd

> Freins (av-arr) : Disque/disque

> Pneus : 265/35-20 - 295/30-20 (XFR-S)

> Capacité/Carburant recommandé : 70 L (XFR-S) - 82 (XJR)/Super

On aime

> Agilité étonnante (XFR-S)

> Exclusivité assurée

> Sonorité envoûtante

On aime moins

> Usage limité à la saison estivale

> Poids élevé

> Consommation