La Chevrolet Corvette, c'est un peu la maladie honteuse des passionnés d'automobiles québécois. En fait, quiconque décide de retenir les services de la «caricaturale américaine» encourt toutes sortes de brimades et provoque autour de lui des réactions consternées du genre «mais qu'est-ce qui t'as pris de t'acheter une voiture comme celle-là ?». Les quelques dizaines d'acheteurs de Corvette de la province s'en moquent. Il y a de quoi : cette septième génération s'avère - presque- irrésistible.

Au Québec, le peu d'attrait - une cinquantaine de véhicules trouvent preneurs chaque année - pour la sportive américaine repose en partie sur des histoires anciennes (rusticité technique et, surtout, grosse Corvette...) et relève avant tout de la psychologie du peuple québécois. Partout ailleurs, elle impose le respect, à défaut de ne jamais avoir été perçue comme l'égale des Jaguar, Porsche, Ferrari ou Lamborghini. Bref, elle n'a pas l'image, ni le prestige, mais en en ce qui concerne la performance pure, la plus emblématique des Chevrolet ne craint plus - depuis fort longtemps déjà - la comparaison. Parmi les aspects qui militent aussi en faveur de la Corvette, les frais dérisoirement moins élevés des révisions et le prix d'acquisition.

Nul besoin de détenir une maîtrise en finance appliquée pour saisir que la Corvette Stingray constitue une aubaine. En fait, aucun autre biplace n'offre de telles caractéristiques à un prix équivalent.

Moins coûteuse à acquérir que la génération précédente, cette Corvette avance un niveau de sophistication encore plus poussé et un habitacle aux matériaux plus valorisant. Visiblement, la direction de Chevrolet cherche à causer un nouvel engouement pour ce modèle-culte dont les plus belles années remontent, s'il faut en croire les initiés, à la Stingray commercialisée entre 1963 et 1967.

Éloignons-nous de cette discussion stérile visant à établir une hiérarchie parmi les modèles anciens pour nous concentrer sur la nouvelle. En raison de son style plus torturé, plus outrancier, cette sportive marque une rupture avec les "lisses" Corvette des 30 dernières années. On aime ou pas, mais la C7, comme la surnomme affectueusement ses admirateurs, enfile une robe flamboyante et presque aussi délibérément choquante que celle d'une Lamborghini.

Chiffres à l'appui, ses concepteurs s'empressent de préciser que leur dernière née n'est guère plus imposante qu'autrefois. C'est vrai, mais volant en main, elle semble beaucoup plus compacte que jamais. Ce n'est qu'une illusion créée par l'adoption d'un volant de plus petite circonférence (-10 millimètres) et dont la jante a, de surcroît, été amincie. De plus, les immenses portes de cette Chevrolet s'ouvrent sur un habitacle qui n'a plus l'apparence de deux baignoires séparées d'une encombrante cloison. En outre, la position de conduite se trouve rehaussée et rend l'accès et la sortie plus aisés.

En clair, on n'a plus cette impression funeste de se glisser dans un cercueil. Ces réaménagements nous font profiter également d'une meilleure vue sur le monde extérieur et sur les suaves contours des ailes avant. À l'arrière et sur les côtés, c'est moins évident. Et l'on regrette de ne pas retrouver ne serait-ce qu'une paire de capteurs d'angles morts sur ce véhicule.

Les habitués de ce modèle reconnaîtront d'emblée la belle facture des matériaux entrant dans la composition de cet habitacle qui, à défaut de fleurer le cuir pleine peau en a tout le moins l'apparence.

Pourtant, c'est du vinyle «enrichi aux protéines» avec surpiqûres. Trompe-l'oeil, vous dites! Le bloc d'instrument se laisse configurer comme une console vidéo et crée l'illusion de s'installer chaque fois à bord d'une auto. Voilà de quoi vous distraire.

On s'étonne de la qualité et du confort des sièges autant que l'on regrette l'absence de rangements utiles et accessibles. En revanche, le passager appréciera la présence de poignée de maintien absente sur un véhicule comme la Camaro ZL-1, dont les performances peuvent être tout aussi redoutables.

Grosse Corvette, petite consommation...

Les concepteurs de la Corvette le jurent, à l'exception de quelques boulons et écrous, aucune composante de la génération précédente n'a survécu à la refonte de ce modèle. Bien sûr, la cylindrée de son gros V8 à culbuteurs...

J'imagine déjà la moue dédaigneuse du puriste à la lecture de cette dernière phrase. Et pourtant, que peut-on bien reprocher à cette motorisation? Elle regroupe l'essentiel des technologies modernes: injection directe, calage variable des soupapes avec en prime système de désactivation des cylindres. Ce dernier permet d'ailleurs, à vitesse constante et sur le plat, de transformer ce V8 en V4. Ce faisant, la consommation en temps réel chute à 6,7 l/100 km, si l'on prête foi à l'ordinateur de bord de notre véhicule d'essai.

En toute franchise, les économies de carburant n'occupent pas le haut de la liste des critères d'achat des amateurs de cette catégorie. La performance, si.

Dans ce domaine, la Corvette n'a pas à rougir de la comparaison. Bien sûr, certains concurrents la devancent de quelques dixièmes ou centièmes de seconde. Mais n'oubliez jamais que ce gain vous en coûtera quelques dizaines, voire une centaine de milliers de dollars de plus.

Dans sa configuration de base, ce V8 développe 455 chevaux et 460 livres-pied de couple. Il est possible d'additionner cinq unités à chacune de ces mesures en optant pour le groupe Z51. Ce dernier est offert moyennant un supplément de 3775$, et nous fait notamment bénéficier de jantes plus dodues de la lubrification par carter sec du moteur, d'un échappement variable et plus libre, des freins plus musclés et d'un différentiel électronique avec refroidisseur intégré.

Bref, ce groupe Z51 est un incontournable, plus encore que cet autre système appelé Performance Traction Management (PTM), vendu 1885$, dont les avantages se mesurent essentiellement sur un circuit fermé.

Peu importe la configuration ou les réglages choisis, la Corvette est impressionnante et n'a rien du tape-cul qu'elle représentait autrefois. En fait, en raison de la qualité de ses assises et de ses éléments suspenseurs, la Corvette est parfaitement adaptée à une utilisation quotidienne.

Mieux, sa boîte manuelle à sept rapports est d'une aisance assez incroyable et ne nécessite plus de se caler dans son siège et de se concentrer à fond - hormis pour la 7e - pour changer de vitesse sans tracas. Cette transmission également rend obsolète la pratique du pointe talon: l'Active Rev Matching. Celui-ci veille à faire correspondre le régime moteur au rapport sélectionné. Et ça fonctionne merveilleusement, pour peu que l'on s'assure qu'il soit enclenché. La boîte automatique, d'une conception conventionnelle, offre un rendement sans histoire, mais sans plus. Chose étonnante, sa présence entraîne une augmentation de la consommation de carburant.

Au volant, on retient également son adhérence phénoménale et sa très grande stabilité dans les courbes négociées rapidement.

Sur un tracé plus tourmenté, la Corvette exige une certaine période d'adaptation en raison de son encombrement et de sa direction qui filtre un peu trop bien les informations recueillies pour son train directeur. Pendant qu'on cherche à décrypter ces renseignements, les aides à la conduite se chargent d'effacer toute trace de sous virage. Trop facile à moins de tout débrancher.

Considérant son prix, de son coût de revient, de ses performances, la Corvette Stingray ne mérite absolument pas les moqueries dont elle fait l'objet depuis de - trop - nombreuses années. Hélas, combien en feront fi?

Ce qu'il faut retenir

> Fourchette de prix : 52 745 $ à 64 975 $

> Coût de transport et préparation : 1700 $

> Garantie de base : 3 ans/60 000 km

> Consommation obtenue lors de l'essai : 11,3 L/100 km (estimation)

> Pour en savoir plus : www.chevrolet.ca

> Principales concurrentes : Aston Martin Vintage, Jaguar F-Type V8, SRT Viper

> Moteur : V8 ACC 6,2 litres

> Puissance (moteur essence) : 455 ch à 6000 tr/min

> Couple (moteur essence) : 460 lb-pi à 4600 tr/min

> Poids : 1562 kg

> Rapport poids-puissance : 3,43 kg/ch

> Mode : Propulsion

> Transmission (série) : Boîte manuelle 7 rapports

> Transmission (optionnelle) : Semi-automatique 6 rapports

> Direction/braquage : Crémaillère/11,4 mètres

> Freins (av-arr) : Disque/disque

> Pneus : 245/40R18 -285/35R19

> Capacité/type de carburant : 70 litres/Super

On aime

> Tenue de route époustouflante

> Rapport prix/performances

> Boîte manuelle 7 rapports

On aime moins

> Réputation qui l'accompagne

> Poids encore élevé

> Dimensions imposantes