« e-tron » ou « étron » ? Le nouvel utilitaire sport 100 % électrique présenté cette semaine par Audi fait l'objet d'une campagne publicitaire d'une ampleur rarement vue pour une voiture électrique. Sauf qu'au Québec, comme dans les autres régions francophones, son nom pose un problème.

Le constructeur allemand a officiellement présenté la version définitive de cet utilitaire sport lundi soir, en Californie. Au même moment s'ébranlait une campagne publicitaire majeure qui, à Montréal, s'est notamment matérialisée en une immense banderole déployée sur le terrain de l'aéroport Montréal-Trudeau.

Et ce, même si, prononcé en français, son nom peut être homophone d'étron, ou excrément.

« La réponse d'Audi aux défis actuels et futurs concernant la mobilité est regroupée sous la bannière "tron". Notre structure de noms inclut "e-tron" pour les véhicules électriques, "g-tron" pour le gaz naturel comprimé et "h-tron" pour l'hydrogène. [...] "e-tron" fait partie d'une nomenclature mondiale, donc il ne peut être changé. »

- Cort Nielsen, responsable des relations publiques pour Audi Canada

Photo Joe White, Reuters

Audi a officiellement présenté la version finale de l'e-tron lundi dernier, en Californie.

Pas le premier exemple

L'histoire de l'automobile est riche en voitures mal nommées dans certains marchés. Les particularités linguistiques du Québec ont même forcé General Motors, en 2005, à retirer sa Buick LaCrosse pour la rebaptiser, au Canada seulement, Allure. Le nom LaCrosse est toutefois revenu avec l'année-modèle 2010 et il est toujours d'usage.

Le nouveau véhicule « e-tron » n'est pas la première voiture d'Audi à porter cette appellation. Une cinquantaine de Québécois se sont déjà procuré l'A3 Sportback e-tron, une voiture hybride, depuis le début de 2018. Mais jamais le nom n'a été aussi visible que cette semaine. Et même si « e-tron » ne devrait théoriquement être qu'une plateforme accueillant plusieurs modèles, le nouveau VUS ne porte aucun autre nom que celui-ci. Il est simplement présenté comme l'e-tron d'Audi.

« Ça montre qu'on est un petit, petit, petit marché », rappelle Luc Arbour, vice-président au service-conseil pour l'agence Bleu Blanc Rouge.

Au siège social d'Audi, en Allemagne, on est forcément au courant de la malheureuse connotation de ce nom, fait-il valoir, d'autant plus qu'elle est tout aussi malheureuse dans la France voisine et que nombre d'articles ont été écrits sur le sujet depuis sa première utilisation, en 2010.

« C'est peut-être même pire en France, parce que ce qu'on appelle ici un "citron", quand une voiture est mauvaise, en France ils disent que c'est une "merde". »

- Jean-Jacques Stréliski, professeur associé en marketing à HEC Montréal

« Personne ne va vouloir arborer fièrement cette marque-là à l'arrière de sa voiture », croit-il.

Marchés différents

L'ennui, pour M. Arbour, c'est qu'il est à peu près impossible pour une marque mondiale comme Audi de modifier le nom d'un de ses produits uniquement dans certains marchés.

« Gérer un petit marché de façon différente, ça complique beaucoup tout ce qui est communications et publicité. C'est possible, mais c'est beaucoup plus compliqué. En plus, nous sommes inondés de publicités provenant des États-Unis, ce qui pourrait avoir pour effet de souligner le fait que le nom est différent ici. »

C'est la raison pour laquelle plusieurs constructeurs optent pour des noms codés, estime la planificatrice Maryse Sauvé. À commencer, étrangement, par Audi, dont les noms de modèles sont presque toujours constitués d'une lettre et d'un chiffre.

Une source bien au courant du dossier, mais qui a requis l'anonymat, a confié à La Presse qu'aucune stratégie particulière n'avait été mise en place pour la mise en marché de la nouvelle voiture au Québec, et ce, même si des objections ont été soulevées.

« Je présume qu'ils vont miser sur la prononciation à l'anglaise, comme ils l'ont fait en Europe, juge Mme Sauvé. Les gens là-bas en ont ri et, à un moment, ça a passé. »