Soucieuse de demeurer dans l'air du temps, la S8 échange son rugissant V10 Lamborghini contre une mécanique plus économe, mais tout aussi rageuse. À quoi bon, si on ne peut pas vraiment l'exploiter?

Au loin, on dirait une A8. Et, tant mieux si les forces de l'ordre la perçoivent également ainsi. C'est une S8. Et c'est autrement plus sportif. Avec de la chance, peut-être pointeront-ils leur radar dans une autre direction? Pensez: un V8 de 520 chevaux, passant de 0 à 100 km/h en 4,2 secondes et offrant des montées en régime qui vous mettent les poils des avant-bras au garde-à-vous! Cela n'a rien de spécial? Vrai, plusieurs sportives revendiquent des performances de ce genre. Mais peu parviennent à le faire en toutes saisons. Or, celle-ci bénéficie d'un rouage à quatre roues motrices, et avec quatre personnes installées confortablement à bord.

10,2 L/100 km?

Voilà les principaux faits d'armes de cette S8 qui arrivera chez nous à la fin de l'été. Au même moment où apparaîtront aussi les S6 et S7, versions surpuissantes des A6 et A7.

Cette relance musclée des modèles S peut sembler incompatible avec le durcissement des contrôles de vitesse. Mais d'un point de vue environnemental, Audi n'a rien à se reprocher.

Le rugissant V10 d'origine Lamborghini, qui animait la S8 depuis 2006, cède la place à un V84 litres suralimenté par deux turbocompresseurs, plus tonique et moins gourmand à la fois. Les motoristes avancent même une consommation moyenne de 10,2 L/100 km, l'équivalent d'une berline intermédiaire - une Chevrolet Malibu par exemple - équipée d'un moteur V6. Bien entendu, la S8 «triche» un peu. Cette mécanique compte sur deux accessoires qui l'empêchent de boire comme une éponge: l'un se charge de désactiver quatre des huit pistons; l'autre, de tous les mettre au repos lorsque le véhicule se trouve en arrêt prolongé. Des solutions éprouvées que l'on retrouve également sur certaines autos vendues à bien meilleur prix.

Toutefois, le système de désactivation des cylindres développé par Audi comporte certaines avancées intéressantes. Comme l'appairage de supports actifs (moteur et boîte) commandés par des électro-aimants (bonjour les coûts de remplacement!) à un dispositif antibruit qui étouffe les vibrations parasites et les sons. C'est complexe, coûteux... et ça marche! À moins d'avoir le gros orteil extrêmement sensible ou l'oreille particulièrement fine, impossible de savoir si le moteur est à l'arrêt ou si tous ses cylindres sont actifs. Comment le savoir alors? Un voyant au tableau de bord veille à nous en informer.

En piste, pour quelques tours

Deux cylindres en moins peut-être, mais tout de même deux turbocompresseurs en plus. L'honneur est sauf. Cette S8 pousse plus que l'ancienne, sans réellement donner l'impression d'être plus rapide. Le placide ronronnement des huit cylindres - désolé, rien de comparable au courroux du V10 -, le confort des sièges et le timbre étouffé des échappements émoussent la sensation de vitesse.

Voyez pourtant où se trouve l'aiguille du tachymètre! Maintenant, imaginez le montant de la contravention!

À vrai dire, cet étalage de performances ne s'apprécie que parcimonieusement en usage normal. Une voiture qui, sur autoroute, vous catapulte bien au-delà de la limite autorisée avant même d'avoir engagé le quatrième rapport ne peut donner toute sa mesure que sur une piste de course.

Alors, allons-y!

Le circuit de Navarra se trouve au nord de l'Espagne. Son tracé tourmenté de

2,7 kilomètres alterne petites et grandes courbes avec changements d'appui. Au total, 15 virages que la S8 négocie sans peine pour peu que l'on fasse preuve d'une certaine finesse au volant. Rien ne sert de se battre, la S8 vous écrase de tout son poids aussitôt qu'on la bouscule un peu trop. Les passages rapides, ça va. Mais dès que surgit une courbe tissée serrée, la S8 peine - et son conducteur aussi - à s'y inscrire gracieusement. C'est qu'elle est lourde, cette berline. En mode dynamic, l'assistance de la direction manque de souplesse. En mode auto, ça s'améliore un peu. Mais elle se durcit une fois que cette Audi se trouve en appui.

Confort alors? Voilà! C'est plus agréable. Reste maintenant à jauger les autres éléments du châssis à l'aide de la commande Drive Select, laquelle autorise aussi de modifier la rigidité des suspensions que la course de la rapidité des changements de vitesse. La S8 se charge du reste.

Une fois le point de corde du virage passé, on enfonce violemment la pédale d'accélérateur et vrouaaaaaaa! , c'est reparti. La présence d'un rouage intégral permet à la S8 de s'en extraire vite et bien, sans la moindre perte de motricité. Dans les mêmes conditions, ses principales concurrentes - les Jaguar XJ SuperSport ou Mercedes S63 AMG - se mettent en travers avec leurs deux roues motrices.

L'expérience tire à sa fin.

À cette vitesse, les pneus avant peinent à trouver l'adhérence. Et le pilote est fourbu à vouloir contenir le sous-virage qui se manifeste de plus en plus tôt. On lève le pied, on rectifie la trajectoire. Rien n'y fait. Rien ne sert de se défoncer et d'allumer les freins en céramique pour faire le spectacle. Les tribunes sont vides. Et puis, l'action du différentiel autobloquant et du correcteur de stabilité électronique permet d'éviter l'humiliation d'une escapade hors-piste. Prudemment, on rentre aux puits. Fin de la séance.

À la réflexion, cette S8 est bien l'expression la plus élitiste du savoir-faire de la marque allemande. Elle se destine à une clientèle passionnée et pas aussi restreinte qu'on le croit (le tiers des ventes de A8). Mais voilà, l'acquisition d'une S8 exige un compte en banque fort garni, un solide capital de points d'inaptitude à son permis, mais aussi un certain sens de la privation. Car, pour museler une bête de 520 chevaux, il faut en quelque sorte faire voeu d'abstinence. Ou alors, s'en aller tourner à Rioja, mais seulement quelques tours. On s'épuise vite!

Les frais de transport et d'hébergement liés à ce reportage ont été défrayés par Audi Canada.

CE QU'IL FAUT RETENIR

- Prix de départ : 125 000 $ (estimation)

- Frais de transport : 1975 $

- Garantie de base (mois/km) : 48 mois/80 000 km

- Consommation obtenue dans le cadre de l'essai : non mesurée

- Dans les concessions : automne 2012

- Pour en savoir plus : www.audi.ca

SURVOL TECHNIQUE

- Moteur : V8 DACT 4 litres litres suralimenté par 2 turbocompresseurs

- Puissance (incluant motorisation électrique) : 520 ch à 5800 tr/mn

- Couple (incluant motorisation électrique) : 479 lb-pi à 1700 tr/mn

- Poids (kg) : 1975 kg

- Rapport poids-puissance : 3,79 kg/ch

- Mode : intégral (4 roues motrices)

- Transmission de série : semi-automatique 8 rapports

- Transmission optionnelle : aucune

- Direction/Diamètre de braquage : crémaillère/12,7 mètres

- Freins : disque/disque

- Pneus : 265/40R20

- Capacité du réservoir/essence recommandée : 90 litres/super

NOUS AIMONS

- Promesse de belles économies d'essence

- Discrétion de l'habillage

- Qualité de la présentation

NOUS AIMONS MOINS

- Sonorité quelconque

- Encombrement spectaculaire

- Devoir attendre pour une RS8 ?