Après Volkswagen, épinglé en septembre pour une gigantesque tricherie d'émissions polluantes, voilà que le constructeur français Renault est montré du doigt pour la version diesel de son populaire VUS Espace.

Une association d'intérêt public en matière d'environnement, Deutsche Umwelthilfe (Aide à l'environnement d'Allemagne), affirme que l'Espace émet entre 13 et 25 fois la quantité d'oxydes d'azote (NOx) autorisée par la loi environnementale de l'Union européenne.

Deutsche Umwelthilfe affirme que l'Espace ne respecte pas la norme européenne d'émissions polluantes lorsque le moteur est chaud. Pour respecter la norme de 80 mg de NOx par kilomètre parcouru, le moteur devait être froid et le véhicule devait avoir fait l'objet d'une préparation particulière la veille (cette préparation est prescrite par l'organisme qui teste les émissions polluantes en Europe, pour assurer l'uniformité des mesures et la comparabilité des résultats d'un véhicule à l'autre).

«Toute déviation de ce préconditionnement, où tout test fait quand le moteur était chaud plutôt que froid, donnait des mesures d'émissions (polluantes) à des niveaux que nous n'avons jamais vu auparavant», a indiqué Jürgen Resch, directeur de Deutsche Umwelthilfe. Cet ONG est décrite par les médias européens comme dénonciateur de longue date des moteurs diesel.

2061 mg de NOx par kilomètre parcouru

L'organisme écologiste a commandé neuf tests différents au laboratoire de la Haute École Spécialisée de Berne (une université suisse). Huit de ces tests reproduisent le cycle d'essais Euro 6 dans l'Union européenne. Le neuvième test, fait dans des conditions routières réelles, a été conçu par Deutsche Umwelthilfe. L'Espace n'a réussi que deux tests, seulement avec le moteur froid.

Durant le test maison fait dans les rues de Berne et des environs, l'Espace a émis 2061 mg de NOx par kilomètre parcouru durant un test en conditions routières réelles fait en Suisse. Depuis septembre dernier, la norme européenne «Euro 6b» est de 80 mg/km, mais un comité a permis une tolérance de 110% jusqu'en 2019 pour compenser le fait que les tests seront faits en conditions réelles à partir de 2017 (et non plus en laboratoire, sur un dynamomètre, comme actuellement).

Fait intéressant, Deutsche Umwelthilfe n'accuse pas Renault d'avoir mis, comme Volkswagen, un logiciel fait exprès pour reconnaître et déjouer les tests sur dynamomètre.

En fait, c'est le système de mesure des émissions polluantes lui-même, autant que Renault, qui est dénoncé comme laxiste, au détriment de la santé publique. Respirer des oxydes d'azote - des particules ultrafines absorbées dans le sang lorsque inhalées - peuvent déclencher des difficultés respiratoires graves et aggraver des maladies cardiaques déjà déclarées.

Avec ce test, «il devient évident que nous ne pouvons plus continuer avec la procédure de test actuelle; il faut une reconstruction exhaustive du système» d'homologation environnementale des véhicules, a dit Axel Friedrich, un expert en transports cité par Deutsche Umwelthilfe.

Aussi polluants que durant les années 80

«Nous n'avons pas vu des émissions à un tel niveau depuis la fin des années 80, avec l'adoption de limites européennes d'émission. Il est incroyable que des voitures prétendues modernes, qui polluent l'air ainsi, soient sur les routes», ajoute M. Friedrich.

Renault a démenti ces allégations: «Renault rappelle que l'Espace, comme tous ses véhicules commercialisés, respecte les réglementations en vigueur», a dit le constructeur français dans un communiqué. Renault affirme que les procédures d'essai utilisées par le laboratoire suisse «ne sont pas toutes conformes à la réglementation européenne et présentent des variations importantes de résultats» qui, comme indiqué dans le rapport, nécessitent «des mesures complémentaires» et ne sont donc pas concluantes. «Cependant, Renault met tout en oeuvre pour comprendre le détail de ces résultats. D'autant plus qu'en août 2015, l'organisme allemand indépendant ADAC a testé le modèle Espace et publié que ce dernier respectait la norme.»

Deutsche Umwelthilfe n'est pas le seul organisme à critiquer la pertinence et le réalisme des tests d'émissions diesel. Juste après l'éclosion du scandale de tricherie Volkswagen, en septembre dernier, l'ADAC (le club automobile allemand) avait affirmé que plusieurs véhicules diesel ont tous des émissions polluantes 10 fois excédentaires à la norme Euro 6b.

À la même époque Deutsche Umwelthilfe avait aussi dénoncé la Zafira d'Opel (la filiale européenne de GM) au ministère des Transports allemand.

Volkswagen a reconnu avoir utilisé depuis 2009 un logiciel pour tricher lors des tests américains et européens d'émissions de NOx. Onze millions de véhicules polluant jusqu'à 35 fois plus que la norme sont concernés.