Liberté, vitesse et luxe, ces valeurs qu'incarnait l'automobile par le passé ne rencontrent plus le même écho auprès des jeunes, un casse-tête pour les constructeurs qui planchent sur des modèles à même de séduire la nouvelle génération.

«Autrefois symbole d'émancipation» qu'il fallait exhiber pour «être dans le coup, la voiture n'est plus un "must" absolu», commente pour l'AFP Henner Lehne, analyste chez IHS Automotive. «Les jeunes se disent: mon téléphone, je m'en sers tous les jours, mais pourquoi dépenser des sous pour une voiture que j'utiliserai au final très peu?»

Avec l'essor des modes de transport alternatifs ces dernières années, des transports en commun à l'autopartage, rouler en bolide a en effet perdu de son intérêt.

Cette tendance est particulièrement vraie au Japon, doté d'un réseau ferroviaire de grande qualité, et les champions nationaux, de Toyota à Nissan, cherchent la parade.

«Acheter une voiture ne fait pas partie de mes priorités. Je préférerais m'offrir une nouvelle guitare ou déménager dans un autre appartement», lance Yuu Saito, 33 ans, qui se déplace exclusivement en train à Tokyo.

Ayako Watake, étudiante de 20 ans, préfère elle aussi emprunter les nombreuses lignes de train qui sillonnent la capitale japonaise, un moyen de se déplacer «pratique» et «abordable».

Surfer plutôt que conduire

«Ce désintérêt pour l'automobile s'observe aussi aux États-Unis et en Europe», même si les gens finissent souvent par se convertir à l'automobile après leurs études pour des nécessités de déplacement professionnel et familial, note M. Lehne.

Selon une étude menée dans plusieurs pays par l'Institut de recherche sur les transports de l'université américaine du Michigan, le taux de détention du permis a fortement diminué chez les plus jeunes. Aux États-Unis, où l'automobile est pourtant reine, il est passé de 87,3% en 1983 à 69,5% en 2010 dans la catégorie des 19 ans.

Les recherches montrent que ce taux est d'autant plus faible que la proportion d'internautes est élevée. «Aujourd'hui vous n'avez plus besoin de votre voiture pour échapper à vos parents et retrouver vos amis, vous pouvez le faire dans votre chambre tout simplement via internet», fait remarquer Hans Greimel, d'Automotive News.

Face à ce constat, tous les constructeurs sont unanimes: il faut faire du véhicule un lieu ultra-connecté.

Au salon de l'automobile de Tokyo, qui vient de fermer ses portes, Nissan a présenté une mini-voiture électrique - «Teatro for Dayz» -, sorte de «gadget» destiné à ceux qui seront en âge de conduire après 2020.

«Nous avons remisé au placard les approches traditionnelles», souligne Satoshi Tai, directeur de la conception. «Généralement, nous essayons de diffuser un sentiment d'accélération, de pouvoir ou de qualité suprême, mais ces valeurs ne résonnent pas auprès de la génération numérique».

Encore accros au tacot

Sièges blancs, volant et deux pédales: l'habitacle se veut ultra-simple et modifiable selon les envies de son occupant. Il peut se muer en un simple geste en une salle de jeux vidéo, un écran de cinéma ou un espace où converser en ligne avec ses amis.

L'industrie mise aussi sur les solutions d'autopartage ou encore sur la conduite autonome: quand les jeunes d'aujourd'hui ont l'impression de perdre leur temps derrière un volant, ils pourront dans un avenir lointain rouler tout en faisant ce qu'il leur plaît.

De son côté, Toyota ne veut pas renoncer à réveiller «la passion» pour l'automobile, explique à l'AFP Didier Leroy, vice-président exécutif, «charge à nous d'apporter une dimension émotionnelle». Le numéro un mondial a dévoilé un modèle sportif entrée de gamme (S-FR concept) pour que «toute une nouvelle génération succombe au plaisir de conduire».

Le dirigeant appelle cependant à «relativiser» ce phénomène: «Quand vous êtes en dehors des grandes métropoles, la problématique de mobilité reste entière».

«Quelle galère quand je rentre chez mes parents en train avec mes guitares sous le bras!», peste le jeune Saito. Et là où ils habitent, en pleine campagne, «c'est impossible de vivre sans voiture», assure-t-il, soulignant que ses amis d'enfance restés au bercail ont dû s'équiper d'un véhicule.

«Il y a aussi les pays en développement», ajoute M. Leroy, du Brésil à la Chine, où les classes moyennes n'aspirent qu'à une chose: «avoir la liberté de se déplacer».